Christine Buscailhon raconte dans son livre Quand j'avais l'autisme… (ed. le Souffle d'Or) son combat pour obtenir un diagnostic de l'autisme de son fils Léo et les changements de vie qu'elle a opérés pour alléger ses troubles.
Comment se comportait Léo avant le diagnostic ?
Il n'était pas là, il était perdu dans son monde, c'était difficile de se connecter à lui. Il avait beaucoup de difficultés moteur et de retard: il ne marchait pas, ne parlait pas. Il passait ses journées assis à regarder des objets qui clignotent ou qui tournent, comme la machine à laver et les ventilateurs. Je me souviens, alors qu'on visitait un zoo lorsqu'il avait trois ans, que son frère aîné donnait à manger aux animaux, mais lui n'était pas là. Il y avait une absence d'interaction. Il a cessé de grandir et grossir vers 7-8 mois, il avait le ventre gonflé. A ce moment-là, j'étais focalisée sur ces problèmes, les troubles comportementaux ont commencé à se manifester vers 1 an. Je voyais que quelque chose n'allait pas, mais son isolement est venu progressivement. Il s'est éloigné de nous de jour en jour. C'est en regardant un reportage sur l'autisme que nous avons compris qu'il en avait tous les signes. C'était assez évident.
Combien de temps a-t-il fallu pour établir le diagnostic de l'autisme ?
La première à avoir parlé du trouble autistique était la pédopsychiatre, mais elle n'a plus jamais évoqué le sujet et n'a pas posé de diagnostic. Elle a portant vu, lorsqu'il avait 1 an, qu'il faisait le papillon avec ses bras, ce qui est un syndrome caractéristique de l'autisme. Mais elle n'a rien dit. On a donc pris l'initiative d'aller frapper aux portes d'organismes spécialisés après en avoir parlé avec la maîtresse lors de son entrée à l'école. Il a finalement été diagnostiqué un an plus tard, à l'âge de 4 ans. Depuis deux ans, un effort de sensibilisation a été fait auprès des médecins généralistes pour améliorer leur capacité à détecter ces troubles, mais ça reste long et compliqué.
Vous expliquez dans votre livre qu'au moment du diagnostic, votre fils allait déjà mieux ?
Oui. En parallèle, il avait de gros problèmes digestifs, il avait le ventre gonflé, était très constipé. Il était complètement coincé, il ne bougeait pas. Je l'ai emmené voir une ostéopathe qui l'a trouvé très tendu et m'a recommandé de lui faire faire un test d'intolérance alimentaire. On s'est alors aperçu qu'il était allergique à la caséine (une protéine présente dans le lait, NDLR) et au gluten. J'ai donc consulté une naturopathe, nous avons mis un nouveau régime alimentaire en place et les résultats ont été spectaculaires. Après trois jours de régime, il s'est mis à parler pour la première fois ! On ne s'attendait pas à ça, on voulait résoudre ses problèmes digestifs et le soulager physiquement. Mais il parlait et était plus attentif, on a vu un vrai changement. Aujourd'hui nous savons que des défaillances du microbiote intestinal peuvent aggraver les symptômes de l'autisme et qu'une alimentation saine est la solution à privilégier, ce qui n'était pas le cas à ce moment-là. Il a été diagnostiqué un an après. J'ai investigué, j'ai lu des livres, des études scientifiques, je me suis documentée, j'ai échangé avec d'autres parents. Nous avons continué sur cette voie car les progrès étaient stupéfiants.
En quoi travailler sur les réflexes archaïques de Léo l'a aidé à socialiser ?
Une ergothérapeute nous a parlé d'une association près de Toulouse qui travaillait sur les réflexes archaïques (des réflexes ou mouvements automatiques involontaires, caractéristiques des nouveau-nés, NDLR). Nous y sommes allés et avons rencontré une équipe spécialisée dans les retards de développement. Nous avons travaillé avec eux sur ces réflexes archaïques en faisant des exercices. Son état a empiré, ce qui prouvait que quelque chose se passait, puis s'est considérablement amélioré. Après ça, il est allé voir un autre enfant pour la première fois car il n'avait plus peur. Travailler sur ces réflexes primitifs a été la deuxième phase du progrès.
Vous avez également changé d'environnement pour favoriser sa santé ?
Le déménagement a été déterminant. Quand on a pris conscience de l'impact environnemental, notamment de la pollution sur l'autisme, nous avons quitté Paris. La connexion avec la nature était importante. Je travaillais dans la communication, mais ne pouvais plus promouvoir des produits alimentaires comme je le faisais alors que j'étais témoin des bienfaits d'une alimentation équilibrée et biologique sur la santé. Ça me rendait malade. J'ai donc quitté le marketing pour ouvrir une boulangerie bio, sans gluten, puis me suis reconvertie en thérapeute holistique.
Comment vous êtes-vous aperçue concrètement qu'un changement d'hygiène de vie complet permettait d'alléger le trouble autistique de votre fils ?
Il n'est pas sorti du spectre autistique, mais il va considérablement mieux. Nous avons demandé de nouveaux diagnostics aux instances officielles, mais elles ont refusé. Nous n'avons donc pas de moyen officiel pour mesurer son évolution. J'ai néanmoins découvert l'ATEC (pour The Autism Treatment Evaluation Checklist), une échelle d'évaluation allant de 0 à 180 basée sur un questionnaire très simple. Les chercheurs estiment qu'en dessous de 10, nous sommes "neuro-typiques". Léo oscille entre 14 et 18 selon les jours et les mois. Avant cela, il était à 124. Il est donc passé d'un autisme sévère à quasiment plus rien. Bien entendu, sans le régime alimentaire, le travail sur les réflexes archaïques, les massages hebdomadaires pour faire circuler son énergie dans son corps et les bains de pieds détoxiquants pour évacuer les métaux lourds, il aurait sans doute un score de nouveau plus élevé.
Comment va Léo aujourd'hui ?
Il va super bien, il aura 10 ans en juin, il est en CM1. Au niveau scolaire, il est intégré, il a des amis et une scolarité normale. Au niveau compréhension, tout va bien, il a une logique très prononcée, mais ça coince un peu en math (rire). La maîtresse est admirative car il prend la parole, participe, récite ses poésies. Parfois, il est un peu en surcharge émotionnelle avec le bruit, la sollicitation et les informations. Il fatigue peut-être un peu plus vite que les autres, mais la maîtresse le sait et le laisse tranquille quand c'est le cas.
Très caractéristique des personnes autistes, il aime bien savoir où on va, que tout soit organisé. Il a aussi des centres d'intérêt que j'appelle “approfondis” : à un moment, ça a été les drapeaux alors il les a tous appris par cœur, puis le Code de la route, donc il connaît tous les panneaux. Il a eu une phase foot pendant la Coupe du monde, il a donc tout mémorisé et connaît tous les scores de tous les matchs. En ce moment, il se passionne pour les voyages dans le temps (rire). Demain ce sera autre chose. Ces phases durent en moyenne trois ou quatre mois. Même s'il est toujours contraint de voir une psychomotricienne, il est épanoui. La question que l'on se pose quand on est maman d'un enfant autiste c'est : “Comment fera-t-il sans moi ?” Moi je sais qu'il se débrouillera, je suis confiante là-dessus.
Pourquoi avoir décidé d'écrire ce livre ?
Quand j'ai vu qu'il commençait à progresser, j'ai pris des notes. J'ai commencé à rédiger la première partie du livre car j'étais très en colère contre les médecins qui n'avaient pas su nous aider. J'ai autopublié un premier petit livre, mais j'ai pensé que ce serait intéressant de le rééditer enrichi de nouvelles connaissances maintenant que j'ai une vision plus scientifique de la chose. Je persiste à penser que nous avons de la chance et j'ai voulu partager mon expérience, transmettre mes connaissances.