En cette période si particulière de confinement, Pourquoi docteur a recueilli les témoignages de Français sur leur expérience. Aujourd'hui, Bénédicte, 47 ans, confinée dans une maison en région parisienne avec son mari et ses cinq enfants, nous raconte son quotidien épuisant.
“Actuellement mon mari est en télétravail et moi en phase de reconversion, donc c’est moi qui m’occupe des enfants. Nous en avons cinq : une en maternelle, un en CP, un en cinquième, un en seconde et un en BTS métallurgie. Tout mon temps est consacré à les faire travailler. A l’exception du grand, ils ne s’y mettent pas tout seul et je dois constamment être derrière eux. C’est celle de maternelle qui demande le plus d’attention, elle voudrait faire énormément de choses mais ne reste pas concentrée très longtemps. Pour l’occuper, la maîtresse nous envoie une liste de petites activités : du découpage, du graphisme… Avec celui qui est en CP, on travaille sur des fiches de lectures que la maîtresse envoie, sur les cahiers d’exercices de lecture et de mathématiques et sur des choses plus ludiques comme des défis, des jeux, des poésies, des dessins à faire pour le retour en classe… Ils envisagent déjà l’après-confinement. Mon garçon ne comprend pas l’intérêt de faire la classe à la maison, il voudrait passer son temps dans le jardin à jouer au foot, au ping-pong, ou à regarder les dessins animés.
Avec celui qui est en cinquième, on a eu des difficultés au début car on n’avait pas suffisamment d’ordinateurs. Or, à partir du collège, ils ont des cours en ligne en direct. On a donc mis une dizaine de jours à se mettre en route. Actuellement, il rattrape les devoirs donnés courant de semaine dernière, mais c’est agréable car il n’y a aucune pression de la part des professeurs. A chaque fois qu’on n'arrivait pas à accéder à un lien qu’ils nous envoyaient, ou qu’on avait plus de papier pour imprimer, je leur expliquais et ils étaient très compréhensifs… Au niveau des matières, c’est très disparate. Les profs de la langue et celui de maths nous envoient des choses très précises mais ce n’est pas le cas de tous. En français, par exemple, le prof est déjà très farfelu de base, mais à distance c’est encore pire. Je me base donc sur ce qu’il envoie et j’essaye de compléter sur ces thèmes avec des supports gratuits comme MaxiCours ou Ma classe à la maison.
Je ne peux pas tous les gérer!
En plus, comme mon enfant est dyslexique, il a des difficultés donc est obligé de s'adapter. On travaille le sujet mais je ne m’attache pas forcément aux cours du professeur car il m’arrive parfois de ne pas comprendre. En SVT, la dernière fois, le prof nous a envoyé une activité mais pas de cours. Je ne suis pas prof de SVT, je ne peux pas faire une activité sans support ! Ca fait trois jours que j’ai demandé des pistes de réflexions par mail et on ne m’a toujours pas répondu. Celui qui est au lycée a quant à lui de plus en plus de cours en ligne, avec des QCM à rendre. Et mon fils en BTS, je lui fais confiance, il travaille de son côté, il est bien occupé. Je ne peux pas tous les gérer !
Je les fais aussi travailler le samedi pour essayer de rattraper le retard. Le reste du temps, on a la chance d’avoir un jardin où ils peuvent jouer, on fait des jeux de société, des coloriages, beaucoup de puzzles, au foot, au ping-pong. Je leur autorise deux créneaux télés dans la journée et je dois bien avouer que les gens jouent un peu plus à la PS que d’habitude. On a aussi un chiot et deux chats donc ça occupe bien les enfants. Les vacances scolaires commencent dans deux jours mais comme on a pris du retard pour celle qui est en CP et celui qui est en cinquième, on va déborder un peu sur les vacances, du moins leur équivalent, car ça ne ressemble plus à rien !
La première semaine, j'ai eu de vraies crises d'angoisse
Avec tout ça, je dois avouer que j’ai très peu de temps pour moi. Les enfants sont décalés dans les horaires, se mettent au travail plus tard que lorsqu'ils allaient à l’école et les matinées sont très courtes. J’ai l’impression de passer mon temps sur mon ordinateur à imprimer des choses pour les enfants. La première semaine c’était vraiment le bazar. Maintenant, j’ai une pochette par enfants et par matières. L’après-midi, je suis souvent épuisée. Si je n’arrive pas à les recadrer et à les faire travailler, ils filent dans leur chambre telles des anguilles et on ne les revoit plus. Je dois également m’occuper de la logistique de la maison, faire les courses, la cuisine pour sept, ça demande énormément d’organisation. Je suis un peu comme une femme qui vient d’accoucher. Parfois j’arrive à midi et demie toujours pas douché, je suis complètement décalée.
Donc je dois avouer que non, je ne suis pas mise au yoga, à la gym ou à la couture pendant ce confinement. On voit passer beaucoup de choses sur les réseaux sociaux sur comment occuper ses enfants avec des activités plus extraordinaires les unes que les autres, comme fabriquer une maison avec des bouchons de bouteille par exemple, et je trouve ça assez culpabilisants. Ca met une énorme pression sur les parents. La première semaine, j’avais de vraies crises d’angoisse à me dire que je ne pourrais pas m’occuper d’eux sans arrêt avec des choses méga géniales. Je me disais que j’étais nulle, que je n’y arriverai jamais. Je ne pense pas être la seule à ressentir ça. Oui, je fais faire des crêpes à mes enfants mais non je n’ai pas fabriqué de parcours sportifs dans mon jardin. Je ne fais pas mes vingt minutes de yoga au réveil car j’essaie de dormir un peu. Puis les enfants arrivent, c’est le petit-déjeuner, je dois les secouer pour les envoyer à la douche puis les mettre au travail. J’ai réussi une fois à faire une séance de Zumba avec ma fille et on a bien rigolé mais le créneau de 10h30 proposé par la coach est tout sauf pratique. Il y a certes plein d’offres pour se maintenir en forme mais il faudrait des journées deux fois plus longues pour faire tout ce dont on a envie quand on est maman en confinement.
Cette situation va créer des inégalités
Bien sûr, ça dépend du nombre d’enfants et de leur âge. Heureusement, les miens ne sont pas si jeunes que ça et vont bien. J’ai une amie qui a deux enfants, dont un lourdement handicapé. Ses journées sont encore plus compliquées, elle ne peut pas lui dire ‘poses toi cinq minutes et dessine’, c’est impossible, elle doit concentrer absolument toute son attention sur lui. Certes, notre situation à nous n’est pas évidente, mais je pense que nous sommes privilégiés malgré tout car nous disposons d’un jardin et des outils et l’éducation pour pouvoir suivre nos enfants dans leur scolarité. Cependant, ce n’est pas le cas de tout le monde et je pense que cette situation créera des inégalités par rapport à des familles qui n’ont pas d’imprimantes ou d'ordinateurs ou de connexion internet, et où les parents ne sont pas scolairement aptes à aider leurs enfants à travailler.
Quant à ma vie après le confinement, je ne pense pas qu’elle changera tant que ça. J’avais déjà mis en place des actions d’achat très locales et bien sûr ça se renforce encore plus en ce moment. Une autre chose positive est que j’ai créé des liens avec des gens que je ne connais pas sur Internet grâce à des pages Facebook de solidarité. Il y a beaucoup de bienveillance sur ce genre de réseaux et j’aurai peut-être plaisir à rencontrer ces gens, faire la fête avec eux une fois que tout ça sera fini !