- La présidente du planning familial rappelle que l'accès à l'IVG doit être garanti même pendant le confinement
- Elle plaide pour un allongement du délai légal durant la crise
La France a beau être confinée, les urgences médicales n’en restent pas moins des urgences. Parmi elles, l’IVG. “Cela fait partie des soins auxquels les personnes ont accès, même dans cette période qui est compliquée pour tout le monde”, rappelle Sarah Durocher, co-présidente du Planning familial au micro de Franceinfo jeudi 2 avril. Car depuis le début du confinement, de nombreuses femmes appellent au 0 800 08 11 11, le numéro vert sur l’IVG, évoquant leur peur de ne pas pouvoir accéder à l’avortement.
“Depuis le début du confinement, nos équipes et d'autres personnels, professionnels de santé mettent à jour les informations pour que les personnes aient une information claire et ne se retrouvent pas devant une porte fermée, explique Sarah Duroché. Nous faisons des grandes campagnes sur les réseaux sociaux pour rappeler ce numéro pour avoir une information fiable”, poursuit-elle au sujet du 0 800 08 11 11.
“Nous interpellons à nouveau les différents ministères pour dire ‘Attention, permettez aux femmes d'accéder à l'avortement’ (…) On n'aimerait pas que des femmes se retrouvent avec des grossesses non désirées, qu'elles fassent une automédication, ou aient une information pas forcément fiable et qui les mette en danger”, insiste-t-elle, également inquiète de la fermeture des frontières de l’espace Schengen. Beaucoup de femmes se rendent dans des pays frontaliers pour avorter, une fois les délais légaux passés en France. “Le passage des frontières a pu être compliqué. On a des remontées qui disent qu’il y a des femmes qui ont été stoppées”, déclare celle qui milite pour un assouplissement des règles françaises étant donné le contexte actuel.
Une crainte de rendez-vous repoussés
“Nos craintes, c'est que les femmes aient des rendez-vous repoussés et que, du coup, elles dépassent le délai français, qui est de 14 semaines (d'aménorrhée)”. Le Planning familial plaide actuellement pour allonger le délai légal d’avortement à 16 semaines après l’interruption des règles. “On est plusieurs associations et professionnels de santé à interpeller là-dessus”, assure Sarah Duroché.
Si elle évoque là l’avortement par aspiration, ou IVG chirurgicale, l’IVG médicamenteuse est quant à elle autorisée jusqu’à la fin de la cinquième semaine de grossesse, soit sept semaines après le début des dernières règles. “Si l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse est pratiquée dans un établissement de santé, ce délai peut s’étendre à 7 semaines de grossesse soit 9 semaines après le début des dernières règles”, est-il précisé sur le site du ministère de la Santé.
Etant donné le contexte actuel, le ministre de la Santé Olivier Véran a d’ailleurs indiqué lors des questions au gouvernement au Sénat jeudi 2 avril que des dispositions seraient prises rapidement pour faciliter l’IVG médicamenteuse pendant le confinement. “Il est hors de question que l’épidémie de Covid-19 restreigne le droit à l’avortement dans notre pays, a-t-il déclaré, précisant avoir des remontées attestant du fait qu’il y a une réduction inquiétante du recours à l’IVG” actuellement.
“Tout d’abord, les IVG médicamenteuses doivent être encouragées, facilitées, tout en garantissant un libre choix”, a-t-il poursuivi évoquant notamment une “plus grande utilisation de la téléconsultation, que la première consultation et que la consultation de suivi après prise de la pilule abortive puissent être faites par téléconsultation”. Il a également assuré avoir “entendu la demande des gynécologues de repousser le délai des IVG médicamenteuses de 7 à 9 semaines”. “Je n’ai pas d’opposition de principe avec cette mesure”, a-t-il déclaré, précisant avoir demandé “à toutes les équipes de maintenir le recours à l’IVG instrumentale.”
Quant à un éventuel allongement du délai d’IVG par aspiration, “nous sommes en train de regarder”, a annoncé le ministre, promettant que des “des réponses très claires” seraient bientôt apportées sur l’ensemble de ces sujets “en lien avec des gynécologues” et Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes.
“Aligner les pratiques médicales sur les besoins sociaux”
Mardi 31 mars, plus d’une centaine de professionnels de l’IVG avaient interpellé les politiques sur la question de l’avortement en période de confinement dans une tribune du Monde. “Nous, professionnels de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), avons dès le début de l’épidémie réorganisé la prise en charge des femmes afin de pouvoir répondre à toutes les demandes dans le délai le plus bref et en limitant au maximum tout déplacement. Il est essentiel de protéger les droits des femmes et de maintenir l’accès à l’avortement”, expliquent-ils.
Toutefois, malgré l’investissement collectif, les signataires de cette tribune se disent confrontés “aujourd’hui à trois problèmes dont les femmes sont les premières victimes”. “Le premier est lié aux questions de ressources humaines avec des soignant(e)s également malades, ce qui met les équipes en tension, notent-ils. Pour limiter la sollicitation des équipes hospitalières, nous souhaitons que les avortements puissent être autorisés par voie médicamenteuse au domicile jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée, soit sept semaines de grossesse. Cette option est validée par l’OMS et ne présente pas de danger particulier.”
Concernant la limitation des déplacements des femmes, pour la respecter au mieux ils demandent que les mineures “soient dispensées du délai de quarante-huit heures qui leur est actuellement imposé avant leur IVG et puissent bénéficier d’une IVG dans la foulée de leur première consultation.”
Ils évoquent ensuite le drame des violences domestiques, en augmentation depuis le début du confinement. Cette quarantaine a pour conséquence “des retards de diagnostics et des demandes hors délai. Nous souhaitons pouvoir, à titre exceptionnel pendant la durée du confinement, réaliser des aspirations jusqu’à seize semaines d’aménorrhée, soit quatorze semaines de grossesse, réclament-ils alors. La loi doit aligner les pratiques médicales sur les besoins sociaux. Nous y sommes prêt(e)s, et sommes également prêt(e)s à nous mettre hors-la-loi pour appliquer ces trois mesures.”