“C'est une grosse épreuve. Nous avons fait construire une maison et étions sur le point d'y emménager lorsque le confinement a été décrété. Ça fait un an et demi que mon mari vit chez sa mère et que je suis chez mes parents de 68 et 69 ans avec les enfants, pour financer ce projet. Le confinement a rendu les choses plus difficiles.
“C'est conflit sur conflit”
Nous sommes 6 dans un appartement sans espace extérieur. D'habitude, nous allons et venons pour travailler, aller à l'école… Là, nous sommes les uns sur les autres. Je suis passée à 50%, donc je télétravaille le matin. Pour être tranquille, je mets mes enfants de 4 et 2 ans devant la télé ou le portable. Je les fais manger à midi et les mets à la sieste vers 13h. Ils se lèvent à 15h et nous faisons les exercices que nous envoie la maternelle, ainsi que des activités comme de la peinture, mais ils ne sont pas concentrés l'après-midi. Ils veulent constamment jouer avec le téléphone, je sais que j'ai instauré de mauvaises habitudes avec ça.
Je pense que nous emménagerons la semaine prochaine, lorsque la fibre sera installée, car j'ai besoin d'une connexion internet pour travailler. Il me tarde. Les enfants pourront profiter du jardin, prendre l'air et mes parents souffler. Les petits sont turbulents, l'ambiance est pesante, je passe mes journée à crier, c'est compliqué. C'est conflit sur conflit. Mon frère de 29 ans vit avec nous. Il est séparé et n'a pas vu sa fille depuis le début du confinement. Pour les laisser respirer, j'ai été passé deux jours chez ma soeur qui vit juste à coté, mais c'est compliqué. Mes parents sont très inquiets, ils ne sortent pas, mon père passe son temps sur BFMTV à attendre que ça finisse.
“J'ai des symptômes psychologiques quand je sors”
Il est hémophile et s'est fait opérer des poumons, il ne doit vraiment pas être exposé au virus. Je suis la seule à sortir pour aller faire des courses, je mets des gants et fais attention. Je sors parfois les enfants en bas de l'immeuble quelques minutes pour qu'ils prennent l'air, mais on remonte aussitôt. La situation me fait peur. J'ai même des symptômes psychologiques quand je sors : j'ai mal à la gorge, la tête lourde, le souffle court. Puis plus rien quand je rentre. L'une de mes amies est infirmière dans un service réanimation et me raconte ce qu'il s'y passe : qu'ils avaient 20 lits auparavant mais que l'épidémie les a contraint à installer 46 lits, tous sont occupés par des patients infectés. Elle ne sait même pas où sont passés les patients qui y étaient installés avant l'épidémie. Il y a des décès tous les jours, parfois de patients qui avaient la quarantaine. Leur famille ne peut pas les voir. Ça fait peur.
Mon mari a eu des symptômes aussi pendant plus d'une semaine : il toussait beaucoup, avait des maux de tête, il saignait du nez, avait la diarrhée. Je suis sûre qu'il l'a eu. Aujourd'hui, il va mieux et a pu revoir les enfants, mais sans les approcher de trop près. C'est trop risqué, je ne veux pas que les petits soient infectés et qu'ils contaminent mes parents.
On ne sait pas comment on va reprendre une vie normale. Même si ça va nous faire du bien, ça va rester dans nos têtes pendant longtemps. Je suis inquiète de savoir qu'il n'y aura pas de ‘déconfinement’ total, je m'interroge sur la façon dont on va s'y prendre. Je trouve les autorités désorganisées, je trouve qu'elles gèrent mal et qu'on ne voit pas assez ce qu'il se passe dans les hôpitaux. Dans l'ensemble je me sens bien informée, mais parfois ça manque de précisions…”