Le cancer est la deuxième cause de décès dans le monde après les maladies cardiovasculaires. D’après l’OMS, en 2015, il aurait fait 8,8 millions de morts à travers la planète. Parmi les principaux traitements proposés aux malades, la chirurgie, la radiothérapie ou encore la chimiothérapie. Dans ce dernier cas, les médicaments, connus scientifiquement sous le nom d’agents antinéoplasiques, sont ensuite rejetés par les humains par leurs excréments. Ils pénètrent alors dans l’environnement aquatique par l’intermédiaire du traitement des eaux usées. Dans un papier paru mardi 7 avril dans Environmental Toxicology and Chemistry, des chercheurs s’inquiètent de ce que très peu d’études aient déterminé les effets des agents antinéoplasiques rejetés dans ces milieux.
Alors que des centaines d'agents antinéoplasiques sont actuellement en phase finale de développement clinique, il est essentiel de comprendre la toxicité de ces composés dans les environnements aquatiques afin d'informer les futures réglementations, interpellent les chercheurs en préambule de leur article.
“La population mondiale vieillit, et des produits pharmaceutiques anticancéreux sont détectés dans les systèmes aquatiques. Nous devons être proactifs en tant que communauté scientifique et identifier les lacunes potentielles dans nos connaissances concernant les conséquences de l'exposition aux anti-néoplasiques dans les organismes aquatiques”, s’alarme l'auteur correspondant Christopher J. Martyniuk, de l'université de Floride au Collège de médecine vétérinaire (Etats-Unis).
“Les scientifiques de l’environnement doivent jouer un rôle proactif”
“Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour déterminer la toxicité aiguë et chronique dans l'eau des agents antinéoplasiques courants. Cependant, des antinéoplasiques hormonaux, tels que le tamoxifène, ont été détectés dans les eaux de surface à des concentrations comprises dans la fourchette des valeurs de toxicité. L'exposition chronique au tamoxifène d'origine hydrique peut entraîner des effets différentiels dans les populations aquatiques”, notent les chercheurs.
Après analyses d’études, ces derniers ont déterminé que les organismes aquatiques étaient vulnérables “aux effets des antinéoplasiques hormonaux d'origine hydrique, le tamoxifène provoquant des perturbations endocriniennes, des dommages oxydatifs et des effets tératogènes”. “Nous avons également déterminé que les effets de l'exposition chez les invertébrés et les oiseaux n'ont pas été suffisamment pris en compte pour un grand nombre de ces produits pharmaceutiques”, alertent-ils.
Ils établissent un parallèle avec la pilule contraceptive, réputée nocive pour l’environnement. “Les scientifiques de l'environnement doivent jouer un rôle proactif dans l'évaluation de la prévalence des agents antinéoplasiques dans les masses d'eau en les incluant dans les dépistages de routine des contaminants. Nous devons également évaluer la toxicité de ces nouveaux contaminants dans les organismes non ciblés”, interpellent-ils. Pour aller plus loin, ils proposent donc d’orienter les prochaines expériences vers l’évaluation des signes aigus et chroniques des principaux agents antinéoplasiques au moins au niveau des individus et des populations dans les écosystèmes aquatiques.
Les effets néfastes des perturbateurs endocriniens sur l’environnement
Ces dernières années, plusieurs études ont montré les méfaits de la pilule contraceptive sur l’environnement. En 2014, des scientifiques espagnols ont étudié des groupes de mulets sur la côte basque. Ils ont découvert qu’entre 12 et 64% des poissons montraient des signes d’intersexualisation, avec la présence d’embryons d’ovules dans leurs testicules par exemple. Selon les chercheurs, ces résultats prouvent qu’“il existe des indicateurs biologiques clairs de la féminisation des poissons et ils confirment la corrélation existante entre la présence des polluants et le phénomène de féminisation.”
Dans le même temps, une équipe de l’université du Havre a constaté une hausse la féminisation des gardons dans les rivières françaises ces 15 dernières années. La faute, là encore, aux perturbateurs endocriniens qui modifient le fonctionnement reproductif des poissons.
Outre la pilule, de nombreux autres médicaments contenant des hormones de synthèse sont mis en cause, comme la fluoxétine contenue dans le Prozac par exemple. Cette dernière inciterait même certains poissons mâles à tuer des femelles. Les résidus de plastiques et de détergents ainsi que ceux des pesticides sont également épinglés par les scientifiques, à cause de leur teneur respective en bisphénol-A et en glyphosate.