On en apprend chaque jour un peu plus sur le Covid-19. On savait que le taux de mortalité chez les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires était de 10,5% et que les plus de 65 ans souffrant de maladies coronariennes ou d’hypertension étaient plus à risque de contracter la maladie et de développer des symptômes graves, susceptibles de conduire à une hospitalisation. Chez ces personnes-là, le virus pourrait entraîner des lésions cardiaques entraînant la mort. On a récemment appris que le Covid-19 pourrait même provoquer des lésions cardiaques même chez les patients ne souffrant d’aucun problème cardiaque. D’après un article de la revue Henry J. Kaiser, relayé par le média américain WebMD le 6 avril, cela pourrait entraîner une insuffisance cardiaque puis la mort, même chez les personnes qui ne présentaient aucun symptôme de détresse respiratoire.
Ces nouvelles données pourraient changer la façon dont les médecins et hôpitaux traitent les patients, surtout dans les premiers stades dans la maladie. A terme, cela souligne également l'importance de nouvelles précautions chez les personnes ayant des problèmes cardiaques préexistants, pose la question de l’équipement médical et nécessite de mettre au point de nouvelles stratégies de traitement pour le cœur endommagé des survivants.
Actuellement, la plus grande difficulté est de savoir si les problèmes cardiaques sont causés par le virus lui-même ou sont un effet de la réaction du corps à celui-ci. Une maladie grave peut suffire à abîmer le muscle cardiaque. Par exemple, une pneumonie peut entraîner une inflammation généralisée, pouvant à son tour entraîner une myocardite. Cette dernière peut causer l’affaiblissement du muscle cardiaque et à terme, une insuffisance cardiaque et un arrêt.
On ignore encore pourquoi certains patients subissent plus d’effets cardiaques
Toutefois, selon Robert Bonow, professeur de cardiologie à l'école de médecine Feinberg de l'université Northwestern (Etats-Unis) et rédacteur en chef de la revue médicale JAMA Cardiology, chez les patients atteints de Covid-19, les dommages observés pourraient être dus au fait que le virus infecte directement le muscle cardiaque. Le docteur Ulrich Jorde, responsable de l'insuffisance cardiaque, de la transplantation cardiaque et du soutien circulatoire mécanique pour le Montefiore Health System à New York (Etats-Unis) est du même avis. “Nous devons supposer, peut-être, que le virus affecte directement le cœur”, explique-t-il.
Les premières recherches suggèrent en effet que le coronavirus se fixe à certains récepteurs dans les poumons et que ces mêmes récepteurs se trouvent également dans le muscle cardiaque. Toutefois, d’après les cardiologues, certains patients pourraient être affectés par plusieurs voies à la fois.
En mars, des études chinoises ont montré que 19% patients atteints du Covid-19 présentaient des signes de lésions cardiaques. Ces personnes étaient nettement plus susceptibles de mourir que les autres : 51% des personnes ayant subi des dommages cardiaques sont mortes contre 4,5% chez les autres. Si les patients ayant une maladie cardiaque pré-existante avaient d’avantage tendance à présenter des lésions cardiaques après une infection au coronavirus, certaines personnes n’ayant jamais souffert de maladie cardiaque présentaient également des signes de lésions. Ils étaient même plus susceptibles de mourir du Covid-19 que les patients ayant déjà eu une maladie cardiaque mais n’ayant pas subi de dommage cardiaque à cause du virus.
Actuellement, les chercheurs ignorent encore pourquoi certains malades subissent plus d’effets cardiaques que les autres. Selon Robert Bonow, cela pourrait être dû à une prédisposition génétique ou parce qu’ils sont exposés à une charge virale plus élevée. Quoi qu’il en soit, ces incertitudes soulignent la nécessité d’une surveillance plus étroite des marqueurs cardiaques chez les personnes atteintes du Covid-19. Si les médecins pouvaient comprendre comment le virus affecte le cœur, ils pourraient être mesure de fournir un score de risque pour aider les cliniciens à mieux prendre en charge des patients, avance-t-il.
"Il est extrêmement important de répondre à la question : ‘leur cœur (des patients, NDLR) est-il affecté par le virus et pouvons-nous faire quelque chose à ce sujet ?’ Cela pourrait finalement sauver de nombreuses vies”, insiste quant à Ulrich Jorde.
Mettre en place une réponse coordonnée
Pour mieux déterminer si le muscle cardiaque est bien infecté par le coronavirus, les médecins devraient pouvoir faire des biopsies du cœur. Le problème est que les patients atteints de Covid-19 sont souvent si malades qu’ils ne peuvent pas subir de procédures invasives de ce genre. Qui plus est, réaliser plus de tests pourrait mettre en danger les professionnels de santé : de nombreux hôpitaux n’utilisent pas d’électrocardiogramme sur les patients afin d’éviter d’impliquer du personnel supplémentaire.
Toutefois, aux Etats-Unis, les hôpitaux font un effort concerté pour coordonner les tests nécessaires et inscrire les résultats dans les dossiers médicaux, assure le docteur Sahil Parikh, cardiologue interventionnel au Centre médical Irving de l'université Columbia à New York (Etats-Unis). “Nous reconnaissons tous que parce que nous sommes à la pointe, pour le meilleur ou pour le pire, nous devons essayer de compiler des informations et de les utiliser pour faire avancer le domaine”, explique-t-il.
A New York, dans le New Jersey et dans le Connecticut, des cardiologues partagent les dernières informations sur le virus par le biais d’un groupe WhatsApp. Dans le même temps, les médecins de New York testent des nouveaux médicaments et traitements dans le cadre d’essais cliniques. Parikh et plusieurs de ses collègues ont notamment récemment rédigé une compilation des connaissances sur les complications cardiaques de Covid-19. L’article a été immédiatement disponible en ligne.
Les médecins ont notamment découvert que l’infection pouvait imiter les effets d’une crise cardiaque. Ainsi, alors que pendant des années, les hôpitaux ont transporté d’urgence les patients suspectés de crise cardiaque directement au laboratoire de cathétérisme, désormais “nous prenons du recul”, explique Parikh. “Nous envisageons de faire venir les patients aux urgences pour qu'ils soient évalués brièvement, afin de pouvoir déterminer : Est-ce que cette personne est vraiment à haut risque pour le Covid-19 ? Cette manifestation que nous appelons une crise cardiaque est-elle vraiment une crise cardiaque ?”
De nouveaux protocoles à mettre en place
Désormais, les nouveaux protocoles prévoient l’intervention d’un cardiologue et la réalisation d'un ECG ou d'une échographie pour confirmer un blocage. “Nous faisons cela dans une large mesure pour protéger le patient de ce qui serait une procédure autrement inutile, mais aussi pour nous aider à décider quel type d'équipement de protection individuelle nous utiliserons dans le laboratoire de cathétérisme”, détaille Parikh.
Enfin, pour ce qui est du long terme, une fois rétablis, les patients qui auront été atteints de Covid-19 pourraient subir les effets à long terme des lésions cardiaques. Toutefois, il existe des traitements pour diverses formes de dommages cardiaques qui devraient être efficaces une fois l’infection virale disparue, assure le docteur Ulrich Jorde.
Qu’est-ce qu’une maladie cardiovasculaire ?
Les maladies cardiovasculaires constituent un ensemble de troubles affectant le cœur et les vaisseaux sanguins. Elles comprennent les cardiopathies coronariennes (qui touchent les vaisseaux sanguins alimentant le muscle cardiaque), les maladies cérébro-vasculaires (vaisseaux sanguins alimentant le cerveau), les artériopathies périphériques (vaisseaux sanguins alimentant les bras et les jambes), les cardiopathies rhumatismales (elles affectent le muscle et les valves cardiaques et résultent d’un rhumatisme articulaire aigu, causé par une bactérie streptocoque), les malformations cardiaques congénitales (malformations de la structure du cœur déjà présentes à la naissance), les thromboses veineuses profondes et les embolies pulmonaires (obstruction des veines des jambes par un caillot sanguin, pouvant se libérer et de migrer vers le cœur ou les poumons).
Ces maladies sont la première cause de mortalité au monde. En France, elles arrivent juste après les cancers et sont à l’origine d’environ 140 000 morts par an. Plusieurs facteurs de risque sont connus tels que l’hypertension, l’hyperglycémie, le surpoids, l’obésité ou encore le stress. On a également constaté qu'éviter le tabac, les abus d'alcool, avoir une activité physique régulière et une alimentation équilibrée réduisait les risques.