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Décision de justice

Coronavirus : la justice suspend l'arrêté imposant le port du masque dans la ville de Sceaux

Par Raphaëlle de Tappie

Alors que la ville de Sceaux avait pris en début de semaine un arrêté obligeant le port du masque dans l'espace public, jeudi 9 avril, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise saisi par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) a décidé de le suspendre. 

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Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les masques sont une source de polémique. En Ile-de-France, région la plus touchée par le virus, la mairie de Sceaux (Hauts-de-Seine) pris en début de semaine un arrêté imposant à ses administrés de sortir le visage couvert dans les rues de la ville. Jeudi 9 avril, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par la Ligue des droits de l’Homme (LDH), a décidé de le suspendre.  

Selon la LDH, "les pouvoirs de police générale des collectivités territoriales ne permettent pas à l'autorité municipale de prendre des mesures plus restrictives que celles édictées dans le cadre de l'état d'urgence". C’est pourquoi, le juge des référés a considéré que le recours à une telle mesure n'est "justifié par aucune circonstance locale et porte une atteinte grave à la liberté fondamentale d'aller et de venir et à la liberté personnelle des personnes concernées", explique l’association à France Info. Sans surprise, son avocat, Me Patrice Spinosi, s’est dit très content de cette décision. Pour lui, celle-ci "démontre que les maires ne peuvent pas se comporter comme des shérifs dans leur ville, en décidant comme bon leur semble des règles relatives au confinement". La ville de Sceaux a quant à elle décidé de faire appel devant le Conseil d’Etat.

Le maire UDI de la ville, Philippe Laurent, avait pris cette décision lundi 6 avril pour obliger les habitants de plus de dix ans à sortir le visage couvert à partir du mercredi 8. Il s’était basé sur un avis de l'Académie de médecine émis le 3 avril. Ce dernier proposait de rendre obligatoire à chaque sortie le port port d'un dispositif buccal et nasal afin de lutter contre la propagation du nouveau coronavirus. Il n’avait en revanche pas évoqué la possibilité d’une amande, préférant s’en remettre au bon sens de ses administrés. « En aucun cas, j’impose le port d’un masque chirurgical ou FFP2, insiste-t-il. Un masque artisanal, une écharpe ou un foulard peuvent faire l’affaire, du moment que la bouche et le nez sont couverts. Ce n’est pas un effort insurmontable. Beaucoup le font déjà », avait-il alors expliqué à la presse. 

La position incertaine du gouvernement 

Mais prendre ce genre de décision est du recours du préfet. Ce sont les représentants de l’Etat dans chaque territoire qui peuvent prendre cette décision. Pour se faire, il faudrait donc que le gouvernement se positionne en ce sens. Ainsi, alors que le tribunal examinait le référé, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a demandé aux préfets de retirer les arrêtés pris par les maires rendant obligatoire le port des masques dans la rue. Selon il s’agit d’un « sujet problématique », « pas médicalement démontré ».  

Car depuis le début de l’épidémie, tout et son contraire a été dit sur l’intérêt de porter un masque pour le grand public. “Nous devons réserver les masques médicaux et chirurgicaux au personnel en première ligne. Mais l'idée d'utiliser des masques recouvrant les voies respiratoires ou la bouche pour empêcher que la toux ou le reniflement projette la maladie dans l'environnement et vers les autres (...) n'est pas une mauvaise idée en soi”, a toutefois récemment déclaré le docteur Mike Ryan, expert en situations d'urgence à l'OMS, à l’origine sceptique sur la question.

 “Si nous avons l'accès à des masques, nous encourageons effectivement le grand public, s'il le souhaite, à en porter, en particulier ces masques alternatifs qui sont en cours de production”, a par la suite déclaré le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, vendredi 3 avril. “Des travaux avaient montré par le passé que porter un masque en toute circonstance dans la rue n'était pas efficace, d'autres montraient qu'on avait intérêt à le porter. Cette discordance justifiait une attitude prudente”, a précisé François Bricaire, infectiologue et membre de l'Académie de médecine à Franceinfo

Des masques bientôt distribués dans plusieurs villes à l'intention du grand public 

C’est pourquoi, le gouvernement a récemment pris la décision de fournir des « masques non-sanitaires » aux Français. Ces derniers, qui devront être en tissu, ne protègent donc pas les porteurs mais devraient permettre de limiter les risques de propagation envers les autres via des goutelettes. Car de nombreuses personnes sont infectées par la maladie et donc contagieuses sans même le savoir. Par ailleurs, les masques devraient empêcher les gens de se toucher le visage quand ils se trouvent à l’extérieur.

Mardi 7, la mairie de Paris a annoncé une distribution prochaine de masques aux Parisiens. "On a lancé une [initiative] avec un réseau d'une trentaine de petites entreprises de l'économie sociale et solidaire pour fabriquer deux millions de masques réutilisables en tissu fabriqué à Paris qui seront offerts aux Parisiennes et aux Parisiens", a expliqué Anne Hidalgo sur France Info. "Comme le disent beaucoup de médecins depuis longtemps, il faut que chacun puisse avoir une protection : n'importe quel type de foulard ou de masque est mieux que rien", a-t-elle poursuivi. Ces masques seront en tissu, réutilisables et lavables en machine à 60 degrés et réalisés sur le modèles des patrons de fabrication de l'Afnor. Cette dernière garantit par ailleurs une efficacité pendant quatre heures.

A Nice, le maire Christian Estrosi assure qu'une fois les masques distribués aux habitants, il prendra "un arrêté portant obligation à toute personne sur le domaine public de le porter". Lundi 6 avril, l'édile a annoncé que la mairie fournirait "d'ici huit à dix jours" à chaque Niçois "un masque lavable et réutilisable pendant un mois, qui respecte toutes les mesures sanitaires". La ville de Bordeaux a également annoncé une prochaine livraison de masques à la population, également dans les normes de l’Anfor. Enfin, d’autres villes de taille plus modestes telles que Cannes ou Antibes se sont également engagées à fournir des masques très prochainement à leurs administrés. 

Rappelons toutefois que ces masques ne dispenseront en rien des gestes barrières (distanciation sociale, se laver régulièrement les mains, utiliser un mouchoir à usage unique et le jeter immédiatement après, tousser dans son coude…). Il s’agit d’un complément, d'autant plus utile pour organiser le déconfinement, quand beaucoup plus de Français seront présents dans l’espace public.