- De nombreux parents pensent que leur bébé est allergique au lait alors que ce n'est pas le cas
- Des symptômes courants comme pleurs ou régurgitations sont souvent jugés à tort comme des signes d'allergie
Chez les enfants de moins de deux ans, l’allergie au lait est la plus fréquente. Elle se divise en deux catégories : les allergies à médiation IgE et les allergies sans médiation IgE. Dans le premier cas, cela implique un composant du système immunitaire connu sous le nom de IgE. Les symptômes vont des vomissements à l’urticaire en passant — très rarement — par des difficultés respiratoires appelées anaphylaxie. Quant aux réactions non médiées par les IgE, elles peuvent comprendre des vomissements, de la diarrhée ou des pleurs excessifs. Toutefois, selon une étude récemment parue dans le le journal JAMA Pediatrics, ces symptômes sont souvent confondus avec des réactions normales de nombreux bébés non allergiques. Aussi, si jusqu’à 14% des familles pensent que leur bébé est allergique au lait de vache, ce n’est le cas que dans 1% des cas, alertent les chercheurs qui mettent en cause les directives officielles en vigueur dans de nombreux pays européens.
Pour en arriver à ces conclusions, des chercheurs de l’Imperial College de Londres (Royaume-Uni) et de l'université de Sechenov (Moscou, Russie) ont analysé neuf directives officielles relatives à l’allergie au lait de vache parues entre 2012 et 2019 dans divers pays, principalement européens. Ils ont alors découvert que de nombreuses directives citaient des symptômes tels que les pleurs excessifs, la régurgitation de lait et les selles molles comme des indications d'allergie au lait de vache. Toutefois, il s’agit de symptômes très courants chez les bébés en bonne santé, alertent les scientifiques.
“Dans les neuf lignes directrices que nous avons étudiées, sept d'entre elles suggéraient d'inclure des symptômes plus légers comme indication d'une allergie au lait de vache non-IgE, tels que le lait régurgitant, les pleurs et les éruptions cutanées, mais beaucoup de ces symptômes sont présents normalement chez les bébés, et s'atténueront avec le temps”, commente le docteur Daniel Munblit, professeur agrégé de pédiatrie à l'université de Sechenov et premier auteur de l'article.
Plusieurs conflits d’intérêt
Qui plus est, selon une récente étude ayant suivi plus de 12 000 nourrissons dans neuf pays européens, moins de 1% d’entre eux étaient allergiques au lait de vache. Toutefois, certaines études montraient que jusqu’à 14% des familles pensent leur bébé allergique.
L’analyse des experts montre d’ailleurs que la prescription de formules spécialisées pour les bébés allergiques au lait de vache a augmenté de manière significative entre 2000 et 2018 dans des pays comme l'Australie et l'Angleterre, sans qu'il y ait de preuve d'une augmentation de l'allergie au lait de vache. Or, ils ont découvert que huit auteurs sur dix de lignes directrices sur le sujet ont déclaré un conflit d’intérêts.
Enfin, l’analyse des chercheurs de 13 études sur la composition du lait maternel suggère que moins d'un millionième de la protéine du lait de vache, la bétalactoglobuline, passe dans le lait maternel, ce qui serait trop peu pour déclencher une réaction chez la plupart des enfants allergiques.
Un mauvais diagnostic aux conséquences lourdes
“De nombreux nourrissons étiquetés comme étant allergiques au lait ne souffrent pas de cette affection. Avoir un enfant suspecté d'être allergique au lait peut être une période stressante pour toute famille. Un mauvais diagnostic d'allergie au lait peut conduire à l'absence d'une autre affection présentant des symptômes similaires, ou à l'abandon de l'allaitement maternel par les mères qui suivent inutilement un régime alimentaire restrictif, voire même à l'arrêt total de l'allaitement. Cela peut également conduire les familles à payer inutilement des formules spécialisées onéreuses”, commente le docteur Robert Boyle, consultant spécialiste des allergies et auteur principal de la recherche de l'Institut national du cœur et des poumons de l'Impérial College.
“Les fabricants de préparations pour nourrissons pourraient avoir intérêt à promouvoir un diagnostic accru de l'allergie au lait de vache, en incitant les praticiens et les parents à utiliser une préparation spécialisée au lieu d'une préparation moins chère, et en sapant potentiellement la confiance des femmes dans l'allaitement, de sorte que des préparations spécialisées soient utilisées à la place du lait maternel”, poursuit-il.
“Nous devons non seulement évaluer de manière critique nos lignes directrices actuelles et dissocier l'élaboration des lignes directrices de ceux qui pourraient en tirer profit, mais aussi nous assurer que nous donnons à chaque famille les meilleurs soins possibles en évitant de surdiagnostiquer l'allergie au lait de vache.”
Comment diagnostiquer l’allergie au lait en France ?
En France, l’allergie aux protéines du lait de vache à manifestations aiguës est repérée par le biais d’une prise de sang recherchant les immunoglobulines E (IgE) spécifiques, soit les anticorps contre les protéines du lait de vache. Un test cutané peut également être réalisé au cabinet du pédiatre ou d’un allergologue qui piquera la peau superficiellement à travers une goutte de lait et observera les réactions de démangeaison, rougeur et gonflement typique de l’allergie. Cependant, ces deux tests se révèlent le plus souvent négatifs pour les personnes souffrant d’allergie chronique.
Un autre test cutané, appelé atopy test au lait de vache, étudie les réactions à retardement. Le principe de ce test, disponible en pharmacie, est de mettre le lait au contact de la peau pendant 48 heures et à lire les résultats au bout de 72 heures.