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La chronique du Docteur Lemoine

L'amusie

Par le Dr Jean-François Lemoine

L'amusie n’est pas le pays où l’on s’amuse, mais un mauvais fonctionnement de notre cerveau qui se traduit par une perte de l'habileté musicale, une impossibilité de reconnaître et de reproduire les sons musicaux.

Ilmar Idiyatullin / iStock
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L’amusie se manifeste par des perturbations de l'écoute. Par exemple, Che Guevara était paraît-il incapable de faire la différence entre une salsa ou une marche militaire. On dit que la musique est le langage des émotions. Il existe dans notre cerveau des zones et des circuits qui nous permettent de percevoir les aspects émotionnels de la musique comme sa gaîté ou sa tristesse. Cette fonction est différente de celle qui permet au musicien de lire et d'interpréter. Ce qui explique la différence entre le virtuose et le génie. Les capacités d'interprétation des deux sont sans doute équivalentes mais leur aptitude à capter l'émotion de la musique, et donc la retraduire, explique cet énorme petit rien qui façonne la légende des Rubinstein, Gould ou Karajan. La médecine s'intéresse plutôt à des patients comme cette femme qui, après avoir souffert d'une rupture d'anévrysme cérébral - un vaisseau de son cerveau qui avait explosé - était incapable de reconnaître la musique mais adorait l'écouter. Un de ses morceaux favoris était l'Adagio d'Albinoni. Après son accident, elle ne pouvait plus l'identifier, mais l'aimait bien parce que selon elle, il était triste et lent. Dans son cerveau, les zones de l'émotion étaient intactes, celle de la reconnaissance, touchée par un manque de circulation sanguine. Selon les chercheurs, cette perception émotionnelle est indépendante de la connaissance. Ce que confirment les travaux sur des sensations similaires comme la perception du danger qui ne fait appel que de façon très inconsciente à la connaissance.

Ce que l'histoire de la musique nous racontait déjà. Par exemple, Maurice Ravel, le célèbre compositeur du Boléro, ne pouvait plus à la fin de sa vie transcrire la musique qu'il entendait dans sa tête, alors qu'il avait gardé la capacité de jouer parfaitement d'autres morceaux. Il semble que l'habileté musicale soit innée, certains pensent même que notre première forme de langage était chantée. Il est plus probable qu'elle renforce la cohésion sociale, ce qui aurait fait du cerveau musical un avantage adaptatif retenu par la sélection naturelle.

Docteur Jean-François Lemoine

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