Mi-mars, il a fallu expliquer aux enfants et aux adolescents qu'ils ne pourraient plus sortir, qu'il en allait de leur sécurité et de celle de leurs proches. Un mois après, alors que le danger n'est toujours pas écarté, on leur explique qu'ils vont sans doute retourner à l'école d'ici quelques semaines. Comment leur en parler et les rassurer ? Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne spécialisée dans le domaine de l'enfance, de l'adolescence et de la famille et auteure de La charge mentale des enfants (éd. Larousse) nous offre son expertise.
N'est-ce pas anxiogène pour les enfants et les adolescents de se voir renvoyés à l'école après avoir pris la mesure du danger lié au Covid-19, sachant qu'il est toujours présent ?
Bien sûr, il peut y avoir une anxiété, du fait que le virus n'a pas disparu, que des personnes sont toujours hospitalisées, mais les enfants et les adolescents ressentent surtout l'angoisse des parents ou des adultes référents (tuteurs, grands-parents… NDLR) : leur sentiment est soit atténué, soit amplifié par la réaction de ces derniers. Néanmoins, il y a une ambivalence entre sortir dehors, retourner à l'école et voir les copains.
Quand les enfants vont ressortir, le sentiment de joie fera peu à peu diminuer celui de l'anxiété. Ils verront que quelque chose a changé, que des mesures ont été prises dans leur établissement, qu'il y a de nouvelles règles (masques, groupes, bureaux séparés…) mais ils vont se conditionner et s'adapter rapidement. Ce qu'ils ressentiront, ce sera l'angoisse des parents ou des personnels pédagogiques. Si l'enfant est réellement anxieux en revanche, il faut respecter ça, car cela dépend de la façon dont il aura vécu son confinement et/ou ce que lui auront transmis ses adultes de référence.
Quel est le rôle de l'adulte durant ce processus de “retour à la normale” ?
Déjà, il faut utiliser le terme “peut-être” tant que ce n'est pas acté, pour éviter une déception. Ensuite, il faut faire attention aux angoisses que l'on projette sur les enfants et les adolescents. Malgré les risques que l'on connaît et qui sont réels, les adultes peuvent essayer de se montrer un peu plus positifs si ce n'est pas déjà le cas. Il est important de leur parler et de les écouter : il peut dire “le président a dit que tu pouvais retourner à l'école”, puis lui demander s'il en a envie, ce qu'il ressent, s'il s'inquiète ou à l'inverse, s'il est impatient.
Il est également important de lui demander comment il imagine ce retour en classe : “Comment tu l'imagines toi cette reprise scolaire? Tu penses que tu vas jouer avec tes amis comme avant ou que ce sera plus compliqué?” Bien entendu, il est préférable d'amener le sujet doucement, au fil des jours et d'établir un échange sur le long terme jusqu'à la date de reprise. Il peut aussi lui expliquer que oui le virus est toujours là, même s'il y a moins de gens à l'hôpital, et qu'il faut continuer à faire attention.
Comment le parent ou le tuteur légal peut-il rassurer l'enfant ?
En lui préparant un petit sac “anti virus” avec sa propre bouteille d'eau, son gel hydroalcoolique pour se laver les mains et son masque. J'utilise beaucoup cette astuce dans ma pratique, notamment pour les enfants qui souffrent de phobie scolaire, c'est quelque chose de rassurant pour eux. On peut aussi customiser son masque, rendre ça plus ludique. L'adulte peut aussi rassurer l'enfant en lui disant que s'il a peur ou qu'il angoisse, il peut lui en parler.
Faut-il redouter des discriminations à l'école envers les enfants des personnels soignants ?
Il y en aura, c'est sûr, cependant là encore, ça ne viendra pas d'eux, mais des discours qu'ils auront entendus au sein de foyer ou dans l'immeuble… Dans la même logique, certains enfants auront conscience des efforts fournis par les parents soignants de leurs camarades et les féliciteront. C'est au personnel pédagogique de réagir au besoin.