La Chine s’apprête-t-elle à subir deuxième vague de contamination de coronavirus ? Après 77 jours de confinement strict, la ville de Wuhan, où a démarré cet hiver la pandémie qui menace actuellement le monde entier, a rouvert ses portes le 8 avril dernier. Depuis, les habitants sont à nouveau autorisés à sortir de chez eux et à circuler sous conditions strictes. Toutefois, si la vie semble peu à peu reprendre son cours dans le pays, les experts et autorités sanitaires s’inquiètent du retour en force de l’épidémie sur le territoire.
Dans la ville de Suifenhe, située à la frontière avec la Russie, 79 nouveaux cas ont été enregistrés dans la seule journée de lundi 13 avril. Désormais, la zone de 70 000 habitants est confinée et seule une personne par foyer peut sortir faire des courses, une fois tous les trois jours. Les autorités locales ont également transformé un bâtiment administratif en hôpital de campagne, capable d’accueillir 600 patients, et les frontières avec la Russie sont fermées. Depuis vendredi 10 avril, la frontière avec la Birmanie, où 62 cas ont été confirmés, est aussi étroitement surveillée par des policiers et gardes-frontières.
Les autorités chinoises s’inquiètent également des personnes asymptomatiques, celles qui portent le virus en elles mais ne présentent pas de symptômes comme la toux, la fièvre, les migraines ou encore les difficultés respiratoires. Mardi 14 avril, 57 nouveaux cas asymptomatiques ont été enregistrés, soit la hausse la plus importante en deux semaines où la Chine a commencé à les recenser.
Un retour total à la normale prendra du temps
En tout, 6 700 cas asymptomatiques auraient été comptabilisés en Chine depuis le 28 janvier, soit 8% des cas. Toutefois, selon une étude parue le 2 avril dans le British Medical Journal, les chiffres seraient bien supérieurs puisque quatre cas sur cinq seraient asymptomatiques dans le pays. Malheureusement, comme partout, le manque de tests empêche d’y voir très clair.
Dans le doute, après avoir découvert des porteurs asymptomatiques dans la ville de Wuhan, les autorités ont replacé en confinement 70 quartiers résidentiels sur 7000. Dans le reste de la ville, les gens commencent à sortir avec prudence. Vendredi 8 avril, la municipalité de Wuhan a prévenu qu’un retour total à la normale prendrait du temps. Elle a appelé à éviter tout “relâchement” et encouragé à maintenir certaines restrictions, à limiter les rassemblements et à continuer à porter un masque.
Depuis cette date, plus de 94 000 voyages ont eu lieu par jour mais seules les personnes ayant un test sérologique négatif au virus ont le droit de prendre le train pour quitter la ville. A leur arrivée dans une nouvelle zone, ils doivent rester en quarantaine pendant quatorze jours. Mais même les tests ne sont pas fiables à 100% : il arrive qu’un malade soit testé négatif alors qu’il est contaminé.
Aussi, la Chine reste sur ses gardes. Récemment, une étude parue dans The Lancet évoquait les difficultés auxquelles le pays devrait faire face une fois le confinement terminé. “Maintenant que l'heure est au déconfinement et que la pandémie est mondiale, la Chine va devoir faire attention à une possible seconde vague épidémique. En effet, d'autres cas pourront être importés et relancer l'épidémie, étant donné que le confinement et l'absence de vaccin ont empêché l'immunité de groupe de se faire”, notaient les chercheurs.
Surveiller le R0 et le taux de cas graves
“Les cas pourraient facilement réapparaître à mesure que les entreprises, les activités des usines et les écoles reprennent progressivement et augmentent la mixité sociale, en particulier compte tenu du risque croissant de cas importés de l'étranger puisque Covid-19 continue de se répandre dans le monde entier”, avertissait le professeur Joseph T Wu de l'Université de Hong Kong, co-auteur de la recherche.
“Les tests massifs doivent aussi se poursuivre pour détecter d'autres cas potentiellement asymptomatiques. Cela donne une image de ce à quoi va ressembler le déconfinement en France. Finalement, pour préparer cette seconde vague probable, la Chine va devoir, comme chaque pays à l'heure du déconfinement, surveiller de très près deux paramètres : le R0 et le taux de cas graves”, notaient les chercheurs.
Le R0 désigne le taux de base de reproduction du virus : s’il dépasse le seuil 1, l’épidémie risque de repartir de plus belle. Les chercheurs rappellent notamment que c’est pendant la deuxième vague que la grippe espagnole du début du 20e siècle s’est avérée la plus meurtrière. “La surveillance en temps réel de l'effet de la mobilité et de la mixité sociale accrues sur la transmissibilité de Covid-19 pourrait permettre aux décideurs politiques d'affiner les mesures de contrôle pour interrompre la transmission et minimiser les répercussions d'une éventuelle seconde vague d'infections”, prévenait le Professeur Wu.