Etre traité pour un cancer serait un facteur aggravant de risque d'infection par le coronavirus. C'est ce que démontrent plusieurs études réalisées en Chine, là où l'épidémie a commencé en décembre 2019. Pour les patientes suivies pour un cancer du sein, ce risque supplémentaire n'est pourtant pas systématique. "Il faut distinguer selon le stade auquel se situe la maladie et selon le type de traitement que la patiente reçoit", explique Jean-Yves Pierga, oncologue médical à l'Institut Curie.
Il y a selon lui deux cas dans lesquels la question de savoir si le cancer aggrave le risque face à Covid-19 trouve très vite une réponse. Lorsque la patiente est en rémission avec un traitement de suivi en hormonothérapie, le risque n'est pas plus important que pour n'importe quelle personne. En revanche, lorsque la patiente souffre d'un cancer à un stade très avancé, elle est évidemment fragilisée par la maladie, ce qui la rend plus vulnérable face à une éventuelle infection par le coronavirus.
"A un stade précoce, ce n'est pas un facteur aggravant"
Pour toutes les patientes dont le cancer n'a pas évolué vers une forme grave, le risque est moins systématique et surtout dépend davantage des traitements que de l'état de santé de la patiente. "Sur les personnes qui sont à un stade précoce de la maladie, on n'a en fait pas d'élément sur une plus grande fragilité ou d'éventuelles complications en cas d'infection par le coronavirus, on manque encore de recul; mais on peut tout de même dire que si la patiente est dans un bon état général et ne souffre pas d'autres comorbidités comme le diabète, l'hypertension ou un surpoids important, le traitement d'un cancer du sein ne constitue pas un facteur aggravant majeur", souligne Jean-Yves Pierga qui mentionne évidemment aussi l'importance de l'âge de la patiente.
Quant à l'impact des traitement sur le risque face à Covid-19, il concerne surtout les patientes traitées par chimiothérapie. " Dès le début de cette épidémie, c'est sur ce sujet que nous nous sommes interrogés parce que ces traitements entraînent une baisse de l'immunité de façon transitoire et fragilisent les patientes face à un risque d'infection", rappelle le cancérologue en soulignant que l'infection est même "LA complication que l'on redoute pour les patientes sous chimio".
"Avec le coronavirus on n'est pas dans des mécanismes comparables à d'autres infections"
Pourtant, là encore, rien n'est établi avec certitude. "On sait qu'il faut un peu booster les défenses immunitaires pendant une chimiothérapie mais on ne sait pas si le fait de suivre une chimiothérapie peut influer sur la gravité d'une infection par le coronavirus, explique Jean-Yves Pierga. On prévient habituellement nos patientes qu'elles doivent par exemple se faire vacciner contre la grippe qui risque d'affaiblir leurs organismes, mais avec le coronavirus on n'est pas, forcément dans des mécanismes comparables à ceux que l'on rencontre dans des infections plus courantes".
En revanche, la baisse des défenses immunitaires liée à la chimiothérapie est, selon lui, une raison de plus de recourir durant cette épidémie aux tests génomiques. En évaluant les particularités de chaque tumeur, ils permettent de valider ou non l'efficacité, donc l'opportunité, d'un traitement par chimiothérapie dans le cancer du sein. "La période que nous traversons peut faire pencher la balance du côté où il ne faut pas faire de chimiothérapie quand on est sur une décision un peu tangente, précise Jean-Yves Pierga qui rappelle que l'intérêt de ces tests génomiques est aussi, en dehors des situations particulières liées à l'épidémie de Covid-19, de diminuer autant que possible le recours aux chimiothérapies.
La nécessité du suivi et des soins
Et, au-delà de toutes les interrogations qui existent encore sur l'impact réel de cette épidémie sur les patientes traitées pour un cancer du sein, le message de l'oncologue avance une certitude : la nécessité de poursuivre le suivi et les soins, même si des précautions particulières doivent être prises :"Après la vague de cas graves de Covid-19, attention à la vague des patientes qui auront trop attendu pour la prise en charge de leur cancer !", avertit Jean-Yves Pierga.
Ci-dessous : l'émission Questions aux Experts avec le Dr Jean-Yves Pierga :