- Un nouvelle étude sur les effets de la chloroquine a été menée sur des patients Covid-19 américains
- Ces patients avaient un âge et un état de santé qui les rendaient plus à risque que la moyenne
- Sur cette population, l'antipaludique n'a pas été d'une grande efficacité
La controverse autour de l’hydroxychloroquine continue. Selon une étude préliminaire à grande échelle, cet antipaludique administré aux malades du Covid-19 du monde entier, ne serait pas d’une grande efficacité. Les résultats de ces travaux sont parus le 16 avril dans la revue MedRxiv. Cependant, ils n'ont pas encore été évalués par le comité de lecture d'une revue médicale.
Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont étudié 368 patients atteints du coronavirus du réseau des hôpitaux publics pour anciens combattants américains. Ces derniers, des hommes, en majorité noirs et d’un âge médian de plus de 65 ans, sont soit morts, soit sortis de l’hôpital avant le 11 avril. Les scientifiques ont réparti les sujets en trois groupes : ceux traités avec de l’hydroxychloroquine seule (HC) ; ceux à qui on a administré le cocktail hydroxychloroquine-azithromycine (un antibiotique), promu en France par le professeur Didier Raoult, directeur de l’IHU Méditerranée à Marseille, et ceux qui n’ont jamais reçu d’hydroxychloroquine. Résultat : ils ont observé que plus de personnes étaient décédées dans le groupe hydroxychloroquine seule (28 %), comparé au groupe cocktail (22 %) et au groupe sans HC (11 %).
Etant donné qu’au départ les patients ayant reçu de l’hydroxychloroquine étaient plus malades et plus à risques que les autres (fumeurs, personnes atteintes de diabète ou ayant des antécédents cardiovasculaires et pulmonaires), les chercheurs ont corrigé ce déséquilibre initial statistiquement ce déséquilibre. Malgré tout, “le risque accru de mortalité dans le groupe hydroxychloroquine-seule persistait”, notent-ils, rappelant toutefois que la spécificité des patients étudiés empêche de pouvoir généraliser ce constat à toute une population.
Quid de la controverse autour de l’hydroxychloroquine ?
L’hydroxychloroquine, un médicament utilisé depuis de nombreuses années contre le paludisme et contre le lupus, est administré dans de nombreux pays en urgence aux cas graves de Covid-19, mais ses conséquences sont très controversées.
En France, ce traitement est surtout vanté par le professeur Didier Raoult qui l’associe avec un antibiotique pulmonaire du nom d’ azithromycine. “Après six jours de traitement, 75% des patients sont guéris du virus”, assure-t-il dans une première étude parue le 20 mars, réalisée sur 26 patients (dont six ont abandonné l’expérience en cours). “La majorité des patients (81,3%) avaient des résultats favorables (...). Seulement 15% ont nécessité une oxygénothérapie”, a ensuite écrit son équipe en conclusion d’une deuxième étude portant sur 80 personnes. Dans son ultime recherche, réalisée sur 1 061 personnes dépistées positives au Covid-19, un “bon résultat clinique” ainsi qu'une “guérison virologique” ont été obtenus en dix jours chez 91,7% des patients testés. En revanche, 47 malades (4,4%) étaient toujours infectés par le virus à la fin du traitement. Un “mauvais résultat clinique” a également été observé chez 46 patients (4,3%), dont cinq sont morts (0,47%).“L'association de l'hydroxychloroquine et de l'azithromycine, lorsqu'elle commence immédiatement après le diagnostic, est un traitement sûr et efficace contre le Covid-19, avec un taux de mortalité de 0,5%”, conclut Raoult, assurant que ce traitement “évite les complications et élimine la persistance du virus et la contagiosité dans la plupart des cas.”
Toutefois, ces études ont essuyé beaucoup de critiques. La dernière n’a été publiée que sous forme de résumé, ce qui rend difficile son évaluation, estiment des spécialistes. Qui plus est, de nombreux scientifiques s’interrogent sur les patients étudiés. Sur 38 617 patients testés par l'IHU Méditerranée entre le 3 mars et le 9 avril, 1 061 patients ont été retenus pour l'étude parce qu'ils répondaient aux “critères d'inclusion”. Certains se demandent donc si les malades les plus atteints ou à risque n’auraient pas été écartés de l’expérience. Enfin, l’absence de groupe témoin, sans traitement, empêche de comparer l’échantillon traité.
Plusieurs essais à grande échelle en cours pour comparer des traitements potentiels
C’est pourquoi, plusieurs essais à grande échelle comparant des groupes de malades du Covid-19 suivant différents traitements, ou pas, sont actuellement en cours. Parmi eux, l’essai européen Discovery, mené par la professeure Florence Ader, infectiologue à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, qui testera quatre remèdes potentiels contre le coronavirus.
“On a mené un certain nombre de travaux in vitro, c'est-à-dire dans un laboratoire, et on a retenu un certain nombre de molécules qui étaient des molécules qu'on a utilisées dans le VIH ou une autre molécule qui a déjà été testée dans Ebola (…) On teste d'autres drogues qui ne sont pas nécessairement des drogues et des médicaments utilisés dans le cadre des infections virales, et notamment la chloroquine et l'hydroxychloroquine, explique Florence Ader à la presse. L’idée, c’est que quand on progresse et qu’on comprend beaucoup mieux la façon dont le virus est structuré, la façon dont il fonctionne et la façon dont il interagit avec l’organisme, ça vous permet à ce moment-là d’avoir des stratégies complètement spécifiques au virus. Ça aboutit à deux innovations, qui sont d’une part de trouver des cibles qui nous permettent d’élaborer de nouveaux médicaments mais qui sont complètement spécifiques à ce virus — ce sont des médicaments dits de ‘deuxième génération’ — et on est déjà dans cette dynamique-là. Bien sûr, le Graal, c’est de trouver un vaccin ou des vaccins qui soient assez spécifiques pour générer une réponse immunitaire qui soit complètement ciblée sur ce virus.”