“Si une patiente a un bon état général et pas d'autres comorbidités, le traitement pour un cancer du sein n'est pas un facteur aggravant de risque face à Covid-19.” L'affirmation de Jean-Yves Pierga, oncologue médical à l'Institut Curie, est de nature à rassurer toutes les femmes qui affrontent cette maladie durant l'épidémie de coronavirus. Les premières études faites juste après l'apparition de celle-ci présentaient en effet les personnes atteintes de cancer comme plus exposées.
“Les patientes qui sont à un stade très avancé de ce cancer sont effectivement fragilisées, mais pour les autres, c'est davantage le traitement que la maladie elle-même qui peut poser problème”, précise Jean-Yves Pierga, en évoquant notamment les chimiothérapies qui ont des répercussions sur le fonctionnement du système immunitaire. Pour les patientes qui doivent subir une intervention chirurgicale, la question qui se pose est en revanche celle de l'opportunité de décider une hospitalisation en pleine épidémie.
“La question à laquelle nous avons réfléchi pour les patientes en attente d'une intervention, c'est savoir si celle-ci devait être maintenue ou reportée”, explique Jean-Yves Pierga. Une question motivée essentiellement par un risque de contamination dans les établissements de santé par ailleurs très accaparés par la prise en charge des malades Covid-19.
Pour les cancers agressifs, pas question de perdre du temps
“Il n'y a pas un seul type de cancer du sein, certaines formes sont peu proliférantes”, rappelle l'oncologue. Pour ces formes-là, le report d'une intervention chirurgicale jusqu'à 3 ou 4 mois peut être envisagé. "Ce qui est important, c'est que la patiente reste bien sous contrôle, précise Jean-Yves Pierga, mais on peut sans prendre de risque différer une intervention et mettre en place durant le temps de l'attente des traitements anti-hormonaux qui calment la maladie.”
Cependant, lorsque le cancer du sein d'une patiente est une forme agressive, pas question en revanche de perdre le moindre temps. “Dans ce cas, le traitement du cancer doit rester prioritaire, affirme Jean-Yves Pierga, sa prise en charge doit être sanctuarisée.” Toutefois, un petit délai peut être décidé, mais pas, au-delà de deux semaines. “De toute façon dans de tels cas, il y a une discussion pour savoir si on accompagne cette intervention d'une chimiothérapie, avant ou après l'opération, selon la nature de la tumeur et selon le contexte”, précise l'oncologue de l'Institut Curie.
Des examens à réaliser dans des délais normaux
Ces cas de cancer du sein agressif nécessitent également de savoir régulièrement où en est la maladie. Cela permet de définir et d'ajuster éventuellement la façon de traiter ce cancer, d'où la nécessité de réaliser des examens de suivi là encore dans les délais normaux, même si, pour ces examens également, il peut y avoir une réserve sur le fait de se rendre dans un établissement de santé. “Pour les IRM, ces établissements prennent évidemment des précautions supplémentaires pour la désinfection des installations”, rassure Jean-Yves Pierga.
Quel que soit le mode de prise en charge d'un cancer du sein, ce spécialiste, comme tous les autres médecins d'ailleurs, rappelle l'importance de poursuivre le suivi des patientes: “Il ne faudrait pas que cette période qui fait gagner des vies de patients atteints de formes sévères de Covid-19 se paie par des retards de prise en charge des autres pathologies!”, avertit Jean-Yves Pierga.
Ci-dessous l'émission Questions aux Experts avec le dr Jean-Yves Pierga :