Une nouvelle inquiétante. Alors que la ville de Crépy-en-Valois (Oise) a été l’un des foyers de l’épidémie de Covid-19 en France, le taux de personnes présentant des anticorps contre le virus n’est pas suffisant, selon une nouvelle étude menée dans un lycée de la commune. Ainsi, selon résultats de ces travaux, menés par l’Institut Pasteur et parus dans la revue MedRix, l’immunité collective tant attendue n’est pas pour demain.
Pour leur étude, les chercheurs ont testé sérologiquement 661 personnes. Parmi elles, des enseignants, des personnes travaillant dans l’établissement scolaire, des lycéens et la famille de ces derniers (parents et frères et soeurs). Résultats : seules 171 personnes, soit 25,9% des sujets, ont été infectés par le virus et présentent des anticorps. Le taux diffère très visiblement entre le groupe composé des lycéens, des professeurs (40,9%) et celui des familles des lycéens (10,9%). Ainsi, la prévalence semble plus faible dans les foyers.
L’étude montre également qu’au moins 17% des personnes infectées n’ont pas eu de symptômes. De plus, assez étrangement, les chercheurs ont aussi remarqué que les fumeurs avaient été globalement moins infectés. En effet, au sein de l’échantillon testé, 7,2% des fumeurs avaient été touchés par le Covid-19 contre 28% chez les non-fumeurs. Si les auteurs de l’étude refusent bien entendu d’encourager le tabagisme, ces résultats vont dans le même sens que ceux de l’étude qui avançait que la nicotine pouvait freiner le Covid-19. Cependant “les fumeurs, en cas de contamination, risquent de souffrir de plus de complications de la maladie Covid-19”, rappellent les chercheurs. En effet, le virus se situe surtout dans les voies respiratoires.
Un taux insuffisant pour justifier le moindre relâchement
Au-delà du lycée, les chercheurs ont tenté d’estimer le taux d’immunité dans la population générale. “Nous avons testé 200 échantillons de deux banques de sang situées à 50 et 60 km de Crépy-en-Valois. Il s’élève à 3 % dans cette population-là, mais c’est un chiffre sans doute sous-estimé, car les donneurs sont des personnes asymptomatiques, explique Arnaud Fontanet, premier auteur de l'étude et responsable de l'unité Epidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur, au journal Le Monde. En extrapolant, on peut estimer que de 3 % à 10 % des Français ont rencontré le virus. Nous allons suivre la tendance en testant, toutes les trois semaines, des échantillons issus de banques de sang. Cette enquête sera mise en place dans cinq départements.”
En conclusion, le taux d’immunité observé est largement insuffisant pour justifier le moindre relâchement. D'autant que “d'autres régions de France sont quasiment indemnes” de contact avec ce virus, rappelle Arnaud Fontanet qui constate cependant “les effets positifs du confinement sur le ralentissement de l'épidémie : les vacances scolaires de février et le confinement dans l'Oise (intervenu le 1er mars, avant son extension au pays le 17 mars) ont fait diminuer fortement la circulation du virus dans les semaines qui ont suivi.”
Pour parvenir à l’immunité de groupe qui nous permettrait de stopper l’épidémie, il en faudrait 60% à 70% dans la population. Cependant, encore faudrait-il que les anticorps soient réellement protecteurs contre le coronavirus et que l’immunité en question dure au moins plusieurs mois. Dans le cas de l’épidémie de Sras au début des années 2000, des chercheurs avaient montré que 10% des patients n’avaient plus d’anticorps au bout d’un an. Concernant le nouveau virus, “nous n'avons pas de certitude sur le caractère protecteur des anticorps", explique Arnaud Fontanet.
La Corée du Sud inquiète
Normalement, quand un individu est infecté par un virus, son système immunitaire ne le reconnaît pas. Cela entraîne des symptômes et une ou plusieurs maladies avant que l’organisme ne puisse le combattre. Après l’infection, une mémoire immunitaire émerge, portée par la présence d’anticorps. C’est ce qui permet à l’organisme de mieux combattre le risque d’une seconde infection.
Toutefois, l’immunité de l’organisme au nouveau coronavirus fait encore débat. En effet, en Corée du Sud, des chercheurs ont récemment observé une résurgence du Covid-19 chez des personnes rétablies. Lundi 13 avril, le Centre coréen de contrôle et de prévention des maladies a en effet annoncé que 51 patients considérés comme guéris avaient de nouveau été testés positifs. D’après la directrice générale du Centre, Jeong Eun-kyeong, le virus aurait simplement pu ressurgir dans l'organisme de ces patients, testés positifs peu après leur sortie de quarantaine.
“Nous accordons beaucoup d'attention à cette réactivation du virus comme cause possible, nous menons une étude approfondie à ce sujet”, a-t-elle déclaré, précisant qu'“il y a eu de nombreux cas où un patient pendant le traitement sera testé négatif un jour et positif un autre.” Une enquête épidémiologique est actuellement en cours. Un patient est considéré comme complètement guéri quand deux tests réalisés à 24 heures d’intervalle donnent des résultats négatifs.
Aussi, pour Antoine Fontanet, “pour parvenir à l’immunité collective [en France, NDLR], il faut d’abord attendre que le nombre de cas soit suffisamment faible pour pouvoir les compter, puis être en capacité de détecter les nouveaux foyers si la transmission redémarre”, explique-t-il au Monde.