- Le lien entre mauvais sommeil et prise de poids a déjà été établi
- Une nouvelle étude suggère que c'est le surpoids qui entraînerait un mauvais sommeil et non l'inverse
Il a été prouvé à maintes reprises qu’un mauvais sommeil favorisait une prise de poids. En effet, chez l’humain, une perturbation aiguë du sommeil peut entraîner une augmentation de l'appétit et de l'insulinorésistance. Aussi, les personnes dormant chroniquement moins de six heures par nuit ont un plus grand risque d’obésité et de diabète de type 2. Toutefois, la façon dont le sommeil et l’alimentation sont liés reste floue. D’après une nouvelle étude parue dans la revue Plos Biology, c’est en fait l’excès de poids qui pourrait favoriser un mauvais sommeil.
“Nous voulions savoir ce que le sommeil fait réellement. Le manque de sommeil et d'autres maladies chroniques, comme le diabète, sont liés, mais ce n'est qu'une association. Il n'est pas clair si le sommeil court est à l'origine de la propension à l'obésité, ou si l'obésité, peut-être, est à l'origine de la propension au sommeil court”, explique Alexander van der Linden, professeur associé de biologie à l'université du Nevada (Etats-Unis) et co-auteur de l’étude.
Pour étudier l'association entre le métabolisme et le sommeil, ses collègues et lui ont travaillé sur des vers microscopiques appelés Caenorhabditis elegans (C. elegans) et modifié chez eux un gène appelé KIN-29 pour éteindre un neurone contrôlant le sommeil. Car ce gène est homologue au gène de la kinase inductible au sel (SIK-3) chez l'homme, connu pour signaler la pression du sommeil. Ainsi, les vers ont perdu leur capacité à dormir. Les chercheurs ont alors constaté chez les vers insomniaques une baisse importante des niveaux d'adénosine-triphosphate (ATP), la monnaie d'échange énergétique du corps.
“Cela suggère que le sommeil est une tentative de conservation de l'énergie ; il ne provoque pas réellement la perte d'énergie”, explique le co-auteur de l'étude, David Raizen, professeur associé de neurologie et membre du Chronobiology and Sleep Institute de Penn (Etats-Unis).
Libérer les réserves de graisse pourrait favoriser le sommeil
En neutralisant KIN-29 pour créer des vers insomniaques, le gène mutant a également accumulé un excès de graisse similaire à l’obésité humaine. Ainsi, la libération des réserves de graisse est un mécanisme qui pourrait favoriser le sommeil, avancent les chercheurs. Les vers mutants seraient donc devenus insomniaques car ils ne peuvent pas libérer de graisse. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont de nouveau manipulé les vers en exprimant cette fois-ci une enzyme qui a libéré leur graisse. Les animaux ont alors pu dormir à nouveau.
Selon les chercheurs, ces résultats pourraient en partie expliquer pourquoi les personnes souffrant d’obésité sont sujettes aux insomnies. “Il pourrait y avoir un problème de signalisation entre les réserves de graisse et les cellules du cerveau qui contrôlent le sommeil”, explique Raizen.
Un modèle fiable du sommeil des mammifères
“Nos résultats suggèrent que si vous jeûnez pendant une journée, nous prédisons que vous pourriez vous endormir parce que vos réserves énergétiques seraient épuisées, détaille-t-il. Il y a un sentiment commun et général dans le domaine du sommeil selon lequel le sommeil est une affaire de cerveau ou de cellules nerveuses, et notre travail suggère que ce n'est pas nécessairement vrai.”
Si ces découvertes sur les vers ne se traduisent pas directement chez l'homme, C. elegans offre un modèle fiable du sommeil des mammifères, assurent les chercheurs. En effet, comme tous les autres animaux qui ont un système nerveux, ils ont besoin de sommeil. Mais contrairement aux humains, qui ont des circuits neuronaux complexes, un C. elegans n'a que 302 neurones — dont un régulateur du sommeil.
Aussi, bien qu'il y ait encore beaucoup à découvrir sur le sommeil, cette découverte pourrait permettre d’avancer dans la compréhension de l’une de ses fonctions essentielles et peut-être, à terme aider, à traiter ses troubles, espèrent les chercheurs.
“Le manque de sommeil chronique est commun dans nos sociétés modernes”
Généralement, la prise de poids est plutôt vue par les scientifiques comme possible conséquence du manque de sommeil chronique. En 2016, par exemple, une étude anglaise, publiée dans la revue European Journal of Clinical Nutrition a montré que les personnes qui dormaient moins consommaient en moyenne 385 calories en plus dans les 24 heures suivant une mauvaise nuit.
“Nos résultats pointent le sommeil comme troisième facteur potentiel dans la prise de poids, après le régime alimentaire et l’exercice, expliquaient les chercheurs. La réduction du temps de sommeil est l’un des facteurs les plus basiques, et potentiellement le plus facilement corrigeable, pour obtenir des gains en termes de risques sur la santé. Le manque de sommeil chronique est commun dans nos sociétés modernes, et de plus amples recherches sont nécessaires pour évaluer son effet à long terme sur l’obésité, et dans quelle mesure le sommeil peut être un facteur préventif.”