Existe-t-il une forme de traitement plus efficace que les autres pour lutter contre les mélanomes ? C'est la question que s'est posé Alain Algazi, professeur agrégé au Département de médecine de l'Université de Californie à San Francisco. Avec son équipe, le chercheur s'est intéressé au traitement des mélanomes avec des mutations dans le gène BRAF, qui provoquent une croissance rapide des cellules cancéreuses.
Si près de la moitié de tous les mélanomes diagnostiqués impliquent une mutation BRAF, les scientifiques se sont concentrés sur les traitements pour les patients présentant les mutations de mélanome les plus courantes, soit BRAFV600E et BRAFV600K. Il s'agit de cancers pouvant être difficiles à traiter car ils deviennent souvent résistants aux médicaments destinés à cibler les mutations BRAF, et peuvent revenir des mois après le traitement, encore plus difficiles à vaincre.
Une première étude réalisée en 2013 chez la souris
Les chercheurs sont partis d'une étude de grande ampleur menée en 2013 chez la souris. Elle suggérait que l'administration intermittente d'une association standard de médicaments pouvait être un moyen de vaincre le cancer et d'aider les patients à vivre plus longtemps avant qu'il ne se développe ou se propage. On appelle cela la "survie sans progression".
L'équipe a voulu tester cette approche chez l'homme au cours d'un essai clinique, dont les résultats ont été présentés à la réunion annuelle virtuelle 2020 de l'American Association for Cancer Research, lundi 27 avril.
249 patients suivis pendant cinq ans
Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont travaillé avec 249 patients atteints d'un mélanome sur une période de cinq ans. Chacun d'entre eux s'est vu attribuer le traitement généralement prescrit, soit une association de dabrafenib et de trametinib, des inhibiteurs des mutations BRAF et MEK. Les scientifiques ont divisé les participants à l'étude en deux groupes : un premier, à qui le mélange de comprimés a été donné tous les jours jusqu'à ce que leur cancer évolue.
Un second, dont les membres ont pris le même mélange quotidien pendant cinq semaines, avant de faire une pause de trois semaines, de commencer à nouveau le traitement pour cinq semaines, et ainsi de suite, jusqu'à ce que leur cancer évolue. Toutes les huit semaines, chaque patient faisait l'objet d'un scanner pour mesurer la taille de la tumeur, en plus de prélèvements sanguins et tumoraux.
Des pistes pour de prochaines études
Résultat : si le cancer des patients ayant reçu les médicaments en continu n'a pas évolué pendant neuf mois, celui des participants ayant pris les comprimés en intermittence n'a pas progressé pendant cinq mois. Ainsi, les résultats positifs du traitement en intermittence trouvés chez les souris ne s'appliquent pas aux humains.
"Ce qui fonctionne dans les études précliniques ne marche pas toujours dans les essais cliniques de la vie réelle", reconnaît Alain Algazi. Selon le chercheur, les échantillons de sang et de tissu prélevés durant l'essai pourraient contenir des pistes pour déterminer pourquoi le traitement en continu est plus efficace. De même, ils pourront être utilisés dans le cadre de prochaines études.