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Covid-19 : un essai français est une étape majeure dans la prévention de la "tempête immunitaire "du 7ème jour

Par le Dr Jean-Paul Marre

Chez les malades Covid-19 avec pneumonie et besoins en oxygène, le tocilizumab réduit le risque d’évolution vers une forme grave, le passage en réanimation et l’intubation. L'impact très significatif de ce traitement des maladies inflammatoires systémiques, un médicament anti-IL6R, est démontré dans un essai randomisé monté en très peu de temps. Un évènement majeur qui change le pronostic de la maladie et l’encombrement futur des réanimations.

anyaivanova/istock
Un médicament anti-inflammatoire permettrait d'éviter le choc inflammatoire qui aggrave de nombreux cas de Covid-19 le 7ème jour
Cet essai a été réalisé par une plateforme rassemblant des chercheurs Français pour tester l'efficacité des traitements

C’est une nouvelle que l’on attendait avec impatience, chez les malades hospitalisés pour une pneumonie avec besoins en oxygène (pneumonie hypoxémiante jusqu’au stade 5 de l’OMS) dans le cadre d'une Covid-19 : le tocilizumab, un inhibiteur du récepteur de l’IL6 habituellement utilisé dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde, réduit statistiquement le risque d’intubation et de décès (critère primaire).

Ces résultats (non détaillés) ont été présentés en conférence de presse de l’AP-HP et sont issus d’une étude randomisée versus placebo, à paraître dans une revue avec comité de lecture. Une nouvelle qui est susceptible de profondément changer la prise en charge et le pronostic de cette maladie et une recherche de qualité montée en très peu de temps.

Un virage inflammatoire vers le 7ème jour

Chez les malades souffrant d’une forme "hypoxémiante" de pneumonie Covid-19 (nécessitant un apport en oxygène), il est admis qu'un « orage cytokinique », avec fort relargage d’IL6 d'origine immunologique, peut survenir chez certaines personnes et c'est ce qui peut les conduire à un insuffisance respiratoire aigüe (SDRA) et au passage en réanimation avec intubation. Cet orage cytokinique n’est, de plus, sans doute pas anodin pour le pronostic de l'état des poumons pour les malades qui survivent, avec un risque de fibrose pulmonaire et d'insuffisance respiratoire ultérieur.

Il y a une persistance du virus dans le poumon et le sang, mais c’est ce virage inflammatoire de la maladie d’origine immunitaire qui fait toute la gravité de la Covid-19, dans la majorité des cas (il y a des cas de surinfection et d'embolie pulmonaire), et qui est le principal responsable de l’engorgement des réanimations (plus de malades et plus longtemps.

Un essai multicentrique randomisé

Cet essai randomisé, multicentrique, en ouvert, a comparé de façon contrôlée le tocilizumab, un anticorps monoclonal qui bloque le récepteur de l’interleukine-6, et qui est utilisé notamment dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Horton, au traitement usuel.

Du fait des concentrations invraisemblables d’IL-6 qui peuvent être atteintes dans le sang chez ces malades, un inhibiteur du récepteur de l’IL6 a été préféré à un anti-IL6, car plus facilement blocable qu'un grand nombre de molécules. Une injection de 8 mg par kilogramme de poids corporel a été administrée, qui pouvait être suivie d’une autre trois jours plus tard en cas de non réponse ou d’augmentation des besoins en oxygène.

Les patients ont été sélectionnés sur la base d'une hospitalisation pour pneumonie "hypoxémiante" Covid-19, moyenne ou sévère, mais ne nécessitant pas de réanimation au moment de l'admission (oxygénothérapie simple, en plus du traitement de support). Le critère de jugement primaire était un critère combiné associant le recours à une ventilation (mécanique ou non invasive) ou le décès à J14.

Une étude sur 129 malades

Au total, 129 malades ont été randomisés, dont 65 dans le groupe traitement habituel avec administration de tocilizumab (à J1 et J3) et 64 dans le groupe traitement habituel seul. Le critère de jugement principal a été atteint chez une proportion très significativement plus faible de patients dans le bras tocilizumab. Du fait de la taille modeste de l’essai, le bénéfice est donc certainement important au plan médical.

Les résultats de cet essai sont soumis pour publication et ils doivent, bien sûr, être confirmés de manière indépendante dans un autre essai. Compte tenu du contexte de la pandémie et de l’importance de ces résultats, les chercheurs (et le promoteur) se sont sentis obligés de communiquer ces informations, avant publication, tout en continuant le suivi plus long de ces patients.

Une structure de recherche mise en place très rapidement

Cet essai multicentrique a été conduit en un temps record par la collaboration de recherche académique Covid-19 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris/Universités/INSERM-REACTing. D'autres essais CORIMUNO testant d'autres inhibiteurs des récepteurs de l’IL-6 et d'autres immunomodulateurs sont actuellement en cours d'analyse.

La plateforme CORIMUNO-19 a été mise sur pied au début de la pandémie pour tester l'efficacité et la tolérance de divers traitements chez les patients adultes avec Covid-19 sévère, grâce à une série d'essais randomisés, contrôlés, multicentriques, qui ont été lancés le 27 mars 2020. Tout ceci démontre, si c'était encore nécessaire, que l'on peut faire de la très bonne recherche médicale et scientifique en "période de guerre" et sans perdre de temps.

C’est une remarquable performance et un résultat porteur de beaucoup d’espoirs, y compris en vue du déconfinement, appelé de ses vœux par le gouvernement. Une étape majeure vient d’être franchie.