- Des coagulations anormales ont été constatées chez des patients Covid-19
- Cela peut provoquer crises cardiaques et AVC
- Les causes de ce phénomène restent inconnues sinon que la formation de caillots accompagne parfois les maladies aigües
On en découvre un peu plus chaque jour sur les sombres conséquences du nouveau coronavirus. A l’origine perçue comme une virulente affection respiratoire, il s’est avéré que la maladie pouvait également atteindre d’autres organes comme les reins. Récemment, des chercheurs se sont aperçus que le SARS-CoV-2 pouvait entraîner la formation de caillots dans les vaisseaux sanguins chez les malades. D’après une étude néerlandaise parue le 10 avril dans la revue Thrombosis Research, parmi 184 patients atteints du Covid-19 dans une unité de soins intensifs, 38 % avaient du sang qui coagulait anormalement. Ce phénomène a également été décrit par de nombreux médecins américains, en ouvrant les poumons de patients décédés du Covid-19, où de minuscules caillots ont été retrouvés.
Or, des caillots dans les vaisseaux sanguins peuvent avoir des conséquences dramatiques. Quand ils se forment dans les veines de la jambe, ils peuvent remonter vers les poumons, y bloquer les artères et provoquer une embolie pulmonaire. Dans le cœur, ils peuvent entraîner une crise cardiaque, et dans le cerveau, un accident vasculaire cérébral. Dans le monde entier, de plus en plus de médecins observent ces cas chez leurs patients atteints du Covid-19. Pour la docteure Jeanne Marrazzo, professeure de maladies infectieuses à l’université d’Alabama à Birmingham (Etats-Unis), les micro-caillots pourraient également être responsables de l’un des symptômes uniques du Covid-19 : la perte soudaine de l’odorat.
Aux Etats-Unis, les médecins ont d’abord remarqué des anomalies au niveau des jambes de leurs patients, qui devenaient bleues et gonflaient. Plusieurs unités de soins intensifs américaines ont constaté de nombreux cas similaires en même temps. Un phénomène si violent que des appareils de dialyses utilisés pour filtrer les impuretés dans le sang quand les reins sont défaillants se retrouvaient bouchés plusieurs fois par jour par ces caillots.
“Nous avons peur”
À NYU Langone (New-York City, Etats-Unis), le médecin Shari Brosnahan, spécialiste des poumons, suit actuellement deux quadragénaires en réanimation. L’un d’entre eux risque de perdre une main, et l’autre, les quatre membres. Le nombre de cas où les caillots remontent dans les veines a plus que doublé depuis le début de l’épidémie chez les patients en état critique, s’inquiète-t-elle auprès de l’AFP.
Chaque année, les médecins traitent des patients souffrant de complications liées à la coagulation et “ils ne coagulent pas comme ça”, s'alarme quant à lui le docteur Lewis Kaplan, médecin de l’université de Pennsylvanie et directeur de la Société américaine de médecine des soins intensifs. “Le problème que nous avons est que si nous comprenons qu’il y a un caillot, nous ne comprenons pas encore pourquoi il y a un caillot. Nous ne savons pas. Et donc, nous avons peur”, explique-t-il au Washington Post.
Généralement, des anticoagulants comme l’héparine sont administrés contre les caillots. Cependant, cela ne fonctionne pas toujours et entraîne parfois une hémorragie interne, car souvent, les caillots provoqués par le SARS-CoV-2 sont des micro-caillots qui se forment jusque dans les capillaires, les vaisseaux sanguins les plus petits. Auquel cas, il est impossible d’opérer et l’amputation est souvent la seule solution.
Cette formation de micro-caillots pourrait également parfois expliquer pourquoi les respirateurs artificiels sont parfois inefficaces. En effet, quand ils se forment dans les poumons, le sang ne peut pas y circuler et repart dans le corps sans s’être oxygéné.
Plusieurs hypothèses ont été avancées
Les chercheurs travaillent donc désormais à comprendre pourquoi et comment le virus entraînerait-il cette coagulation. Cela pourrait s’expliquer car de nombreux patients en état critique souffrent d’antécédents cardiovasculaires ou pulmonaires. Une autre hypothèse suggère que les caillots sont une conséquence de la flambée inflammatoire associée à la maladie.
“Une des théories est qu’une fois que l’organisme est ainsi engagé dans une lutte contre un envahisseur, le corps commence à consommer les facteurs de coagulation, ce qui peut entraîner soit des caillots sanguins, soit des saignements. Dans le cas d’Ébola, l’équilibre était plutôt en faveur des saignements. Dans le Covid-19, c’est plus des caillots de sang”, avance notamment Harlan Krumholz, cardiologue au centre hospitalier de Yale-New Haven, (Etats-Unis).
Toutefois, “toute maladie aiguë, en elle-même, prédispose à la création de caillots”, nuance Behnood Bikdeli, spécialiste en médecine interne au centre médical universitaire de Columbia (Etats-Unis), interrogé par l'AFP. Qui plus est, “les virus font souvent des choses étranges, commente Shari Brosnahan. On est juste en train de découvrir les choses étranges que ce virus produit.” Enfin, si la diversité des complications liées au Covid-19 donne le tournis, la recherche sur ce nouveau virus n’en est qu’à ses débuts. “Il est possible que tout soit causé par une chose unique, et qu’une solution unique existe”, conclut Shari Brosnahan.