On en sait un peu plus sur la façon dont la France sera déconfinée à partir du 11 mai. Les départements seront répartis en deux catégories : ceux peu touchés par l’épidémie de coronavirus seront estampillés vert, les autres rouge, a annoncé le premier ministre Edouard Philippe alors qu’il présentait le plan du gouvernement sur la sortie du confinement mardi 28 avril à l’Assemblée nationale. Les couleurs seront choisies en fonction de trois critères : la circulation du virus sur le territoire, la capacité des hôpitaux à prendre en charge les patients graves et les moyens déployés pour identifier les nouveaux cas (“le système local de tests et de détection des cas contacts”).
A partir de jeudi 30 avril, des bulletins de santé seront rendus publics pour guider chaque département en vue du 11 mai. Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, présentera tous les soirs la carte avec les résultats départements par départements. Puis, le 7 mai prochain, nous saurons enfin la couleur des territoires et quelles mesures seront prises en fonction de la situation. “Il s’agit plus d’un allégement du confinement que d’une levée du confinement”, explique Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste à l’organisme de sécurité sanitaire Santé publique France (SpF), cité par Le Monde. Le Grand-Est et l’Ile-de-France, touchées de plein fouet par l’épidémie, seront sans donc doute classées rouge. Les départements du Sud-Ouest, épargnés, devraient au contraire être au vert. Ensuite, le 2 juin, en fonction de l’évolution du virus, d’autres mesures pourront être annoncées.
Ainsi, si chaque territoire devra se plier aux consignes générales du gouvernement, ce dernier entend laisser une marge de manœuvre aux acteurs locaux pour que ces derniers prennent des mesures en fonction de leur situation.
Ecoles, commerces, transports en commun…
Concernant le déconfinement des établissements scolaires, Edouard Philippe ainsi déclaré : “Je veux laisser le maximum de souplesse au terrain”. Les plus petits pourront retourner à l’école dès le 11 mai. Dans les crèches, ils devront être “par groupe de dix maximum”. A partir de la maternelle, le retour à l’école ne devra pas excéder “plus de quinze élèves par classe”. L’ouverture du primaire se fera quant à elle “partout sur le territoire et sur la base du volontariat” des parents. Puis, le 18 mai, “seulement dans les départements où la circulation du virus est très faible”, les collèges pourront rouvrir en commençant par les classes de 6e et de 5e. Fin mai, le gouvernement tranchera sur la réouverture ou non des lycées début juin, en commençant par les établissements professionnels. Les masques seront obligatoires pour les élèves à partir du collège et fournis à ceux qui n’ont pas pu s’en procurer. Des masques pédiatriques seront toutefois à la disposition des écoles si un enfant présente des symptômes. Enfin, “tous les enseignants et encadrant des établissements scolaires recevront des masques qu’ils devront porter lorsqu’ils ne pourront respecter les règles de distanciation physique.”
Pour ce qui est des commerces, si, sur le papier, ils pourront rouvrir le 11 mai, à l’exception des bars et des restaurants, cela se décidera surtout au cas par cas. En effet, certains marchés pourront ne pas rouvrir si un préfet ou un maire estime que cela pose un problème de sécurité sanitaire. Concernant les centres commerciaux, ceux dépassant plus de 40 000m2 devront rester fermés car ils favorisent des déplacements et des contacts “que nous ne voulons pas encourager”. Car, déconfinement ou pas, les mesures barrière restent bien évidemment de mise. Dans chaque magasin, le personnel devra canaliser les flux afin que les clients restent espacés au moins un mètre les uns des autres. Les commerçants sont par ailleurs appelés à distribuer du gel hydroalcoolique et à mettre des gants et des masques à disposition de leur personnel. Ils auront également le droit d’interdire l’accès de leur établissement à un client sans masque. Bien évidemment, ces règles générales devront être déclinées en fonction de la spécificité de chaque activité.
Enfin, au niveau des transports, chaque collectivité devra se débrouiller pour redémarrer les métros, les bus et les trains à un rythme plus régulier. En région parisienne, le premier ministre souhaite ainsi revenir à 70 % de l’offre habituelle sur les réseaux franciliens de la RATP dès le 11 mai et “rapidement” à 100 %. Pour prendre le moins de risque possible, des règles très rigoureuses devront être mises en place, avec le port obligatoire du masque au moins pendant les trois semaines suivant le déconfinement, la condamnation d’un siège sur deux et un marquage au sol. Pour limiter le flux, des agents pourront refuser l’accès d’un transport à des passagers.
Quelles mesures annoncées à l’échelle nationale ?
Edouard Philippe a également profité de cette allocution devant les députés pour donner plus de précisions sur les mesures nationales qui seront prises à partir du 11 mai. Si cette date signe la fin des attestations de sorties, il restera impossible de s’éloigner à plus de 100 km de son domicile. Les déplacements interdépartementaux ou interréginaux devront être réduits “aux seuls motifs professionnels ou familiaux impérieux”, a précisé le premier ministre.
Concernant les entreprises, le maintien du télétravail est vivement encouragé. Si elles ne peuvent pas fonctionner de la sorte, elles devront essayer de distribuer des masques à leurs employés. Une trentaine de guides et de fiches métiers ont été édités par le ministère du Travail pour conseiller les compagnies dans la mise en place des mesures barrière. L’Etat et les régions aideront les très petites entreprises et les indépendants à instaurer celles-ci.
Quant au dispositif du chômage partiel, qui couvre déjà un salarié du privé sur deux, il sera maintenu jusqu’au 1er juin. “Il nous faudra ensuite l’adapter progressivement, afin d’accompagner la reprise d’activité si l’épidémie est maîtrisée”, a précisé Edouard Philippe. Les secteurs professionnels devant rester fermés continueront à être “protégés”. Une rencontre aura lieu jeudi 30 avril avec les partenaires sociaux.
En ce qui concerne les réunions publiques et des évènements, les contraintes resteront fortes. Tout rassemblement dans l’espace public ou privé sera limité à 10 personnes. La pratique du sport dans les lieux couverts restera interdite et les plages fermées jusqu’au 1er juin minimum. Les petits musées ou bibliothèques pourront rouvrir le 11 mai mais ni les grands sites ni les cinémas ou théâtres. Quant aux manifestations rassemblant plus de 5 000 personnes, elles sont déjà reportées jusqu’en septembre, au moins. “La saison 2019-2020 de sport professionnel, notamment de football, ne pourra pas reprendre”, a notamment prévenu le premier ministre, avant d’évoquer les rassemblements religieux.
Si le Premier ministre prend acte de “l’impatience” des fidèles, il estime “légitime de ne pas organiser de cérémonies avant cette barrière du 2 juin”. Les autorités se décideront fin mai sur l’autorisation des célébrations. Dans le milieu épiscopal, le report de la date de reprise des cultes et la place donnée à cette question, en fin de discours, après le sport, a fortement déplu. “On ouvre les médiathèques mais on maintient fermées les églises, s’insurge au prélat auprès du Figaro. Et même pas un signal pour des messes qui aurait pu être autorisées dans les départements verts peu touchés par le virus! Aucun geste, non plus, pour faire passer par exemple, de vingt à trente le nombre de personnes pour les obsèques…”
Dans un communiqué officiel paru à la suite du discours d’Edouard Philippe, la Conférence des évêques qualifie quant à elle de “sévère” le confinement imposé au religieux. C’est “au nom de tous les évêques” que le conseil permanent de la Conférence des évêques de France “prend acte avec regret de cette date qui est imposée aux catholiques et à toutes les religions de notre pays”. “Nous voyons mal que la pratique ordinaire de la messe favorise la propagation du virus et gène le respect des gestes barrières plus que bien des activités qui reprendront bientôt.” Enfin, parce que la “dimension spirituelle et religieuse” de l’homme dans l’épreuve est indispensable et que la “la liberté de culte” est “un élément constitutif de la vie démocratique”, les évêques ont demandé “une rencontre avec les pouvoirs publics”.