L’intestin est parfois qualifié de deuxième cerveau car son état influence notre santé et même notre humeur. Il pourrait aussi être notre médicament : dans une nouvelle recherche, des scientifiques montrent que la greffe fécale pourrait soigner les patients souffrant d’infections résistantes aux antibiotiques. Cette technique consiste à prélever de la flore intestinale chez un donneur sain avant de l’implanter chez un patient malade. Les conclusions devaient être présentées lors de la Digestive Disease Week, qui devait se tenir de 2 au 5 mai à 2020 à Chicago. Suite à la crise du coronavirus, l’évènement a été annulé, mais l’étude sera publiée en mai dans Gastroenterology, d’après le site Eurekalert!.
Vingt patients ont participé à l’étude, dont une partie était en attente d’une greffe de cellules-souches et l’autre d’une transplantation rénale. Tous ont été infectés par des organismes multi-résistants comme Escherichia Coli, des entérocoques résistants à la vancomycine ou des bêta-lactamases à spectre étendu, qui sont des bactéries résistantes à la plupart des antibiotiques. Les chercheurs ont procédé à une greffe de matières fécales dans les intestins de ces patients.
Des effets positifs variés
Les participants ont été suivis pendant les six mois qui ont suivi l’étude, puis, les chercheurs ont étudié leur état de santé global. Pour établir une comparaison et mesurer l’efficacité de cette technique médicale, les scientifiques n’ont pas utilisé un groupe de contrôle, mais ils ont comparé l’état des patients avant et six mois après l’étude. Quarante-et-un pour cent d’entre eux n’avaient plus de traces de la bactérie dans leur organisme à l’issue de la recherche. D’autres effets positifs ont été constatés plus largement, comme la diminution du nombre de jours passés à l’hôpital, la baisse du nombre d’infections sanguines ou encore le traitement plus facile des infections. Selon les chercheurs, ces bons résultats de la greffe ne sont pas uniquement liés à l’élimination de la bactérie résistante, mais aussi à des mécanismes propres au microbiote. D’autres analyses seront nécessaires pour les mettre au clair.
“Beaucoup de ces patients ont pris des traitements antibiotiques lourds de manière récurrente, des médicaments avec une forte toxicité et faisaient régulièrement des séjours à l’hôpital, précise Benjamin Mullish, chercheur à l’Imperial College de Londres. Ils avaient arrêté de travailler ou certains membres de leur famille ont dû arrêter leur activité professionnelle pour pouvoir s’occuper d’eux, ce qui a des conséquences importantes sur la qualité de vie. Après ce traitement expérimental, nous avons vu beaucoup de personnes capables de retourner au travail, de jouer avec leurs petits-enfants et, plus généralement, d’avoir une meilleure qualité de vie.”
Les intérêts multiples de la greffe fécale
En avril 2019, une recherche montrait déjà les bénéfices de la greffe fécale, en comparaison aux traitements antibiotiques. Cinquante patients souffrant d’une infection à Clostidrium difficile avaient participé à cette recherche. La greffe fécale a permis de les soigner et d’éviter en moyenne 17 jours d’hospitalisation chaque année.
Quelques mois plus tard, des chercheurs canadiens ont constaté une corrélation entre système intestinal et dépression chez des souris. Ils leur ont greffé la flore intestinale d’humains déprimés, peu de temps après, les rongeurs ont eux-mêmes commencé à souffrir d’anxiété ou de symptômes dépressifs. La recherche doit être poursuivie chez l’humain.