- Un essai randomisé américain avec l'antiviral remdézivir a donné des résultats positifs
- Une première étude chinoise avait suscité moins d'espoirs mais elle avait dû être interrompue
- Ce produit pourrait devenir un standard de traitement de Covid-19
L'antiviral remdésivir serait-il le nouvel espoir dans le traitement de Covid-19 ? Un essai randomisé américain sur plus de 1 000 malades évoqué lors d'un briefing à la Maison Blanche par le Pr Anthony Fauci, serait positif. On ne connaît pas encore les détails de ce dernier essai si ce n'est qu'il aurait aidé des malades hospitalisés à se rétablir 31% plus rapidement et que le remdésivir bloquerait la réplication du virus.
Une précédente étude, menée en Chine chez 237 malades hospitalisés souffrant de formes sévères de la Covid-19, avait, elle, conclu que le remdésivir n'accélèrait pas significativement la guérison et ne réduisait pas le nombre des décès par rapport au placebo. Mais cet essai randomisé, réalisé à Wuhan et publié dans The Lancet avait été interrompu prématurément en raison de la difficulté à recruter des malades avec la fin de l'épidémie dans ce pays. Bien que l’efficacité du remdésivir reste incertaine dans cet essai, il y avait des signaux positifs, en particuliers chez les malades qui ont été traités avant 10 jours.
Guérison accélérée
L'autre essai randomisé, parrainé par le NIH et l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses aux Etats-Unis, est terminé et serait, lui, positif. Il a recruté 1 063 malades hospitalisés pour une Covid-19 avérée, avec nécessité d'un apport en oxygène, qui ont reçu du remdésivir ou un placebo (même protocole que celui du Lancet). Le temps de guérison a été en moyenne de 11 jours pour le groupe remdésivir, contre 15 jours pour le groupe placebo, soit une réduction significative de 31%.
Il n’y a pas encore de publication, mais lors d'un briefing à la Maison Blanche, le Pr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, a déclaré que cet essai avait montré que le remdésivir pouvait accélérer la guérison chez les malades infectés par le coronavirus. L'amélioration du temps de guérison « ne semble pas être un KO à 100% », a concédé le Pr Fauci. « Il y a, par ailleurs, moins de décès dans le groupe remdésivir, mais le résultat n'a pas atteint la signification statistique » (8% versus 11,6%, soit -31%), a déclaré le Dr Fauci, mais « le remdésivir devrait devenir un standard du traitement de la Covid-19 ».
Bénéfice potentiel du traitement précoce
L'essai randomisé chinois du Lancet montrait également que le délai d'amélioration clinique et la durée de la ventilation invasive (intubation) étaient plus courts. Mais seulement dans le cas des malades traitées dans les 10 jours suivant l'apparition des symptômes.
L'interprétation de ces résultats est limitée du fait de l’interruption prématurée de l’étude, en raison du recrutement insuffisant de patients avec le contrôle de l’épidémie, mais cela semblerait indiquer qu'il faudrait traiter les malades avec un antiviral avant le 10ème jour, délai à partir duquel peut survenir un virage inflammatoire de la maladie avec survenue d'une maladie à la fois virale et inflammatoire et une endothélite systémique qui complexifie la physiopathologie et le traitement.
Cependant, et contrairement à l'étude américaine, dans l'étude du Lancet, le traitement par le remdésivir ne réduirait pas significativement la charge virale (quantité de SARS-CoV-2 dans l'organisme), ni la détection du virus dans les voies respiratoires supérieures ou inférieures.
Un antiviral développé contre Ebola
Le remdésivir est un antiviral qui a été développé à l'origine contre le virus Ebola. C’est une prodrogue et un analogue des inhibiteurs nucléotidiques des ARN polymérases, l’enzyme essentielle à la réplication du SARS-CoV-2, virus contre lequel le remdésivir a démontré une activité in vitro.
Il a été démontré que le remdésivir a une activité dans d'autres infections à coronavirus comme le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et contre le SARS-CoV-2 dans des études sur les animaux.
Des études observationnelles ont également fait état d'un bénéfice du remdésivir chez certains patients gravement malades de la Covid-19, mais il n'y avait pas eu d'essais randomisé. Un étude semble avoir précisé les doses et une durée de traitement de 5 jours serait suffisante.
Le problème des études pendant les pandémies
L'étude du Lancet, randomisée en double aveugle versus placebo sur des malades sévères, mais arrêtée prématurément souligne les difficultés que pose la réalisation d'études de qualité en période de pandémie. C'est un défi dans ce contexte, mais il faut résister à la tentation d'abaisser le niveau de preuves, car l'adoption de stratégies de traitement inefficaces et potentiellement dangereuses ne risque que de nuire aux malades, tout en rendant encore plus difficile la mise en route des essais indispensables.
C'est ce qu'ont fait le National Institute of Health américain et le laboratoire Gilead qui semblent avoir mené un essai de qualité contre Trump et la pression du public. Les résultats ont conduit la FDA, l'agence américaine de santé, a lancer une approbation du médicament en urgence.
On espère que cette molécule sera également rapidement disponible en Europe et en France et que notre administration délivrera les ATU indispensables, sachant que le laboratoire Gilead fourni la molécule gratuitement en ce moment. D'autres études sont en cours sur des formes plus précoces et moins sévères de la Covid-19. Pour les formes sévères, probablement virales et inflammatoires, il faudra sans doute tester l'association remdésivir associé au tocilizumab, par exemple.