Environ 10 millions de personnes souffrent de la maladie de Parkinson à travers le monde. Cette maladie neurodégénérative se caractérise par des tremblements, une rigidité des membres, une lenteur des mouvements et une perte d’équilibre. Elle résulte d’une perte de cellule nerveuses dans une partie du cerveau appelée substance noire qui produisent de la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le contrôle des mouvements. La plupart des malades ont plus de cinquante ans quand ils reçoivent le diagnostic mais certains développent des symptômes moteurs avant, comme des problèmes musculaires par exemple. Avant ces premiers symptômes moteurs, d’autres signes comme une diminution de l’odorat, de la constipation, des changements d’humeur et un trouble du comportement du sommeil paradoxal peuvent également apparaître quand les cellules nerveuses productrices de dopamine commencent à arrêter de fonctionner correctement.
En 2017, il a été prouvé pour la première fois que l’auto-immunité pourrait être responsable des dommages causés par les cellules nerveuses. Aujourd’hui, une nouvelle étude parue dans la revue Nature Communications apporte de nouvelles preuve de ce phénomène. Et d’après les chercheurs, cette attaque auto-immune pourrait commencer plus de dix ans avant que le malade ne reçoive le diagnostic de la maladie de Parkinson.
En 2008, un homme a commencé à développer des symptômes moteurs. Un an plus tard, alors qu’il était âgé de 47 ans seulement, les médecins lui ont annoncé qu’il était atteint de Parkinson. Il a alors donné des échantillons de son sang, prélevé entre 1998 et 2018 aux scientifiques de l'Institut d'immunologie de La Jolla (LJI), en Californie (Etats-Unis) afin de les aider à avancer dans leurs travaux sur la maladie.
Diagnostiquer la maladie plus tôt pourrait « faire une énorme différence »
En analysant son sang, les chercheurs ont découvert que des cellules T du système immunitaire avaient réagi à une protéine appelée alpha-synucléine au moins dix ans avant qu’on ne lui diagnostique Parkinson. Cette protéine agit comme une balise pour les cellules T, les amenant à attaquer les cellules du cerveau et contribuant ainsi à l’évolution de la maladie.
Pour étudier l’évolution de la réactivité auto-immune dans les années qui suivent le diagnostic de Parkinson, les scientifiques ont recruté 97 personnes qui avaient été diagnostiquées de la maladie il y a moins de dix ans et ont prélevé des échantillons de leur sang. Ils ont ensuite comparé la réactivité immunitaire à l'alpha-synucléine de ces derniers à celle du sang de 67 participants sains du groupe témoin. Ils ont alors découvert que les cellules T ciblant l'alpha-synucléine étaient plus abondantes au moment du diagnostic. Au fur et à mesure que la maladie progresse, leur nombre diminue. Résultat : peu de ces cellules subsistent encore 10 ans après le diagnostic. Des recherches antérieures avaient déjà montré que le nombre de cellules nerveuses dans la substance noire diminuait jusqu'à 90% dans les 4 premières années après le diagnostic.
"Une fois que ces cellules ont disparu, elles disparaissent", commente Cecilia Lindestam Arlehamn, docteur en médecine, premier auteur de l'étude. Cela pourrait expliquer pourquoi personne n’a encore réussi à mettre au point un traitement visant à ralentir la progression de Parkinson. Mais si les patients pouvaient recevoir un traitement immunosuppresseur avant de développer des symptômes moteurs, cela pourrait protéger leurs cellules. "Si vous êtes capable de diagnostiquer la maladie le plus tôt possible, cela pourrait faire une énorme différence », poursuit Cecilia Lindestam Arlehamn.
Identifier des signes précoces efficaces de la maladie pour développer un traitement
"Les tentatives de mise au point d'un traitement pour ralentir la progression de la maladie de Parkinson ont jusqu'à présent échoué. L'un des facteurs importants de cet échec est qu'il peut être difficile de modifier la maladie lorsque le traitement est initié après que la majorité des [cellules nerveuses de la substance noire] ont déjà été perdues. Ainsi, l'identification de prédicteurs précoces efficaces de la maladie de Parkinson est d'une importance fondamentale pour le développement de futures thérapies", développent les auteurs de l’étude.
Mais ces nouveaux résultats indiquent " que la détection des réponses des cellules T pourrait aider au diagnostic des personnes à risque ou aux premiers stades du développement de la maladie, lorsque de nombreux symptômes n'ont pas encore été détectés", s’enthousiasme Alessandro Sette, professeur de LJI et auteur correspondant de l’étude. "Il est important de noter que nous pourrions rêver d'un scénario dans lequel une interférence précoce avec les réponses des cellules T pourrait empêcher la maladie de se manifester ou de progresser".
Atténuer la réponse immunitaire avant l’apparition de symptômes moteurs
Des études futures devront toutefois déterminer si les cellules T ciblent également l'alpha-synucléine dans d'autres maladies neurodégénératives. Afin de déterminer si cette réactivité est spécifique à Parkinson, les chercheurs prévoient de suivre des personnes présentant un risque génétique élevé de développer la maladie, ainsi que celles présentant des symptômes précoces tels que le trouble du sommeil paradoxal.
Si leurs cellules T réagissent à l'alpha-synucléine, les participants pourraient bénéficier de traitements expérimentaux pour atténuer leur réponse immunitaire. Il existe déjà des preuves comme quoi une sorte d'immunothérapie, appelée traitement par le facteur de nécrose tumorale (TNF), pourrait fonctionner….
En janvier 2020, selon une étude parue dans la revue spécialisée Nature Medicine, des chercheurs avaient déjà découvert que l’accumulation d’alpha-synucléine dans les neurones dopaminergiques pourrait expliquer le développement de Parkinson à un âge précoce. D’après eux, cette accumulation pourrait s’expliquer à cause de lysosomes défectueux, des micro organites cellulaires qui agissent comme des “poubelles” pour qu'une cellule se décompose et élimine les protéines.