La schizophrénie est un trouble psychiatrique qui toucherait 0,7% à 1% de la population mondiale. Cette maladie se manifeste globalement par une perception perturbée de la réalité, des idées délirantes, des hallucinations ou encore un isolement social et relationnel. Elle est si handicapante qu’en France, au moins un patient sur deux fait une tentative de suicide, selon l’Inserm. Cela en partie car les traitements sont limités et très lourds en effets secondaires.
En effet, les antipsychotiques généralement prescrits peuvent entraîner une importante prise de poids, de la fatigue ou encore une agitation des muscles. Une étude a même déjà établi un lien entre les antipsychotiques de première génération et la perte de tissu cérébral chez les patients atteints de schizophrénie. Toutefois, des découvertes récemment parues dans la revue Schizophrenia Bulletin, pourraient conduire à un nouveau traitement. Ici, les chercheurs ont remarqué que les malades présenteraient des déficits de substance blanche, la partie du cerveau comprenant les axones qui transportent l’influx nerveux entre les neurones.
Dans le passé, plusieurs études ont montré des différences dans les niveaux de sphingolipides, des molécules grasses jouant un rôle dans la formation de myéline, qui protège et isole certaines fibres nerveuses, chez les schizophrènes. Ici, les chercheurs ont donc décidé d’analyser ces niveaux dans le tissu cérébral post-mortem de 15 malades. Grâce à la spectrométrie de masse, une technique permettant d’identifier les particules présentes dans un échantillon en mesurant leur masse, ils ont découvert que les niveaux d'un sphingolipide appelé S1P étaient plus faibles chez les personnes atteintes de schizophrénie.
Un déficit spécifique à la schizophrénie
Dans le détail, ces niveaux étaient plus faibles dans une région du cerveau que l’on nomme corpus callosum. Des anomalies dans cette région riche en matières blanche peuvent provoquer un dysfonctionnement de communication entre les neurones.
“C'était la première étude psychiatrique du cerveau post-mortem à utiliser l'analyse par spectroscopie de masse, et notre découverte n'aurait pas été possible sans notre technique complète nouvellement établie pour le dépistage des sphingolipides”, se félicite le docteur Takeo Yoshikawa, chef d'équipe à RIKEN CBS (Tokyo, Japon), qui a mené l'étude.
Pour déterminer si ce dysfonctionnement était commun à tous les troubles mentaux, les scientifiques ont également analysé le cerveau de personnes souffrant de troubles bipolaires et de dépression majeure. Ils ont alors constaté que les niveaux de S1P chez ces personnes étaient normaux. En conclusion, ce déficit serait spécifique à la schizophrénie.
Stopper la dégradation de la sphingolipide S1P
D’autres expériences ultérieures ont ensuite montré que le problème pourrait être causé par une dégradation anormale de S1P et non par une production altérée. Auquel cas, des médicaments pourraient être développés pour arrêter la dégradation de S1P et traiter la schizophrénie. Un traitement déjà existant pourrait par ailleurs, marcher : le fingolimod (Gilenya), utilisé dans le traitement de la sclérose en plaques. En effet, il cible S1P, rappellent les chercheurs. Pour autant, avant que cela soit certain, des recherches supplémentaires sont toutefois nécessaires pour mieux comprendre le rôle exact du S1P dans la schizophrénie. Il s’agira donc désormais de travailler sur des animaux de laboratoire.
“Parce que nous n'avons pas d'autre angle d'attaque sur les causes de la schizophrénie, de nombreuses sociétés pharmaceutiques se retirent du développement de médicaments liés à la schizophrénie, explique le docteur Takeo Yoshikawa. Nous espérons que nos conclusions pourront fournir un nouvel angle d'approche et une nouvelle cible pour le développement de médicaments.”
D’après l’Inserm, 600 000 personnes seraient atteintes de schizophrénie en France. La maladie se déclarant le plus souvent entre 15 et 25 ans, il est indispensable de réussir à la prendre en charge le plus tôt possible afin de maîtriser les crises. Car si les patients ne guérissent jamais vraiment de la schizophrénie, après quelques années de traitement, environ un tiers d’entre eux arrivent à reprendre une vie sociale, affective et professionnelle normale.