L’une des mesures phares du déconfinement est le retour à l’école. Pour le préparer au mieux, le ministère de l’Éducation nationale a publié, lundi 4 mai, une série de recommandations pour accompagner les enseignants dans la réouverture des écoles. Publié sur la plateforme Eduscol, il s’agit de plusieurs “documents de référence et des recommandations pédagogiques qui ont pour objectif d'accompagner les professionnels dans le processus de reprise des cours”. Ces textes, qui visent plusieurs thématiques, “soulignent les points de vigilance à porter à certaines situations et l'importance à accorder à la parole des élèves.”
“On a l'impression que toute forme de critique est interdite”
Ces documents ont vivement fait réagir chez les enseignants, dont certains estiment que ces textes bâillonnent toute forme de critique. La cible principale des critiques est une fiche de trois pages intitulée Écouter et favoriser la parole des élèves. Il est ici question de potentielles discussions avec des enfants qui pourraient “tenir des propos manifestement inacceptables”, sans précision sur la teneur éventuelle de ces propos. Les enseignants, eux, sont invités, dans ces cas-là, à évoquer “la référence à l'autorité de l’État pour permettre la protection de chaque citoyen, sans entrer en discussion polémique.”
Pour les syndicats d’enseignants, cette recommandation est de trop. “On nous demande de ne pas remettre en cause la gestion de la crise”, regrette Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, à Franceinfo. Une inquiétude partagée par Frédérique Rolet, secrétaire nationale et porte-parole du Snes-FSU, syndicat national des enseignements de second degré. Cette dernière déclare que “le problème de ces fiches, c'est qu'elles sont de nature très différentes. Et certaines posent problème idéologiquement. On a l'impression que toute forme de critique est interdite.”
Un document similaire à celui reçu après les attentats
Ces recommandations sur la gestion de l’après-confinement sont les mêmes, pour certaines, qu’après les attentats de Charlie Hebdo en 2015. “On ne peut pas comparer la situation sanitaire actuelle avec une situation terroriste”, s’étonne Francette Popineau. Le professeur Rachid Zerrouki n’a pas hésité à partager sur Twitter les deux textes pour les comparer et se rendre compte que les mêmes mots ont été utilisés. Le ministère de l'Éducation nationale, contacté par Franceinfo, assure que ces documents ont simplement pour objectif “d'accompagner les enseignants, dans cette situation inédite, en leur proposant des tests d'évaluation pour savoir où les élèves en sont et comment les accompagner sur ces deux prochains mois.”
Enfin, la présence de fiches sur les “risques de dérives sectaires” et de “replis communautaires” ont fait réagir. Là encore, certaines formulations ont interpellé les syndicats. Il est indiqué que “la crise du Covid-19 peut être utilisée par certains pour démontrer l'incapacité des États à protéger la population et tenter de déstabiliser les individus fragilisés. Divers groupes radicaux exploitent cette situation dramatique dans le but de rallier à leur cause de nouveaux membres et de troubler l'ordre public.” Un “amalgame” selon Francette Popineau, qui laisserait à penser que “le communautarisme et la façon de comprendre cette crise sanitaire ont un rapport.”