Ce n’est pas une nouvelle alerte sanitaire, mais plutôt une énorme fraude scientifique qui vient d’être mise à jour. Le 11 juillet dernier, le président d'une université japonaise a reconnu officiellement qu'une étude clinique menée dans son établissement sur l’antihypertenseur Valsartan avait été trafiquée. Ce médicament commercialisé par le groupe pharmaceutique Novartis, est connu en France sous le nom de Tareg, et sous celui de Diovan notamment aux Etats Unis. Ces scientifiques auraient donc délibérément manipulé les résultats de leur essai, afin de vanter les bénéfices de cette molécule, non seulement sur le traitement de l’hypertension artérielle, mais surtout afin de lui attribuer des effets protecteurs inconnus jusque là, sur les angines de poitrine et le risque d’AVC. Chose rare, la soit disant découverte de ces « effets bénéfiques » par ces chercheurs nippons avait entraîné, à l’époque, l’arrêt prématurée de l’étude. Ces derniers estimaient qu’il était non-éthique que les patients témoins ne prennent pas du Valsartan eux aussi. Et ces données truquées ont malheureusement été publiées 2007 dans le Lancet, puis en 2009 dans l’European Heart Journal. Par conséquent, ces résultats ont été diffusés à grand bruit dans la communauté scientifique.
Ecoutez le Pr Jean Michel Halimi, président de la Société Française d’hypertension artérielle : « C’est un scandale sans nom. S’apercevoir que dans une étude majeure incluant plus de 3000 patients les données ont été falsifiées. C’est une situation insupportable. »
L'enquête universitaire révèle l’affaire
« Les données ont été manipulées », indiquait le 11 juillet Toshikazy Yoshikawa, président de l’Université japonaise mise en cause lors d’une conférence de presse. C’est en mars 2013, alors que certains spécialistes et notamment des blogueurs mettent en doute ces données depuis 2011, que l’Université préfectorale de médecine de Kyoto diligente une enquête interne. 223 dossiers de patients (sur un total de 3000) issus de l’étude sont ré-analysés, il en ressort que 34 dossiers ont été falsifiés. Les problèmes cardiaques des patients du groupe témoin ont été exagérés. Et à l’inverse, ceux des patients sous Valsartan ont été minorés. Après une nouvelle étude statistique des données, ce médicament n’a finalement pas plus d’effet protecteur sur les AVC ou les angines de poitrine que les autres traitements contre l’hypertension.
Pour le moment les auteurs de cette fraude n’ont pas été clairement identifiés par l’enquête universitaire. Elle révèle toutefois, qu’un individu impliqué dans la gestion des données statistiques de cette étude était employé par Novartis à l’époque. Un conflit d’intérêt qui n’avait été mentionné nulle part dans la publication. Le 12 juillet dernier, Novartis a d'ailleurs contesté dans un communiqué les accusations de manipulation volontaire des données.
Pas de remise en cause de l’efficacité contre l’hypertension
Plusieurs spécialistes de l’hypertension confirment toutefois que ce scandale scientifique ne remet pas en cause l’effet anti-hypertenseur du Valsartan. Les patients sous ce traitement ne doivent en aucun s’inquiéter ou encore moins, interrompre leur traitement. Cette molécule est certes moins miraculeuse que cette étude japonaise semblait l’indiquer en 2009, malgré cela, aucun effet secondaire majeur n’a été signalé la concernant. C’est aussi le message de la Société Française d’hypertension artérielle, l’utilisation du Valsartan dans l’hypertension ou dans l’insuffisance cardiaque n’est pas du tout remise en question par cette affaire.
Ecoutez le Pr Jean Michel Halimi : « C’est un médicament qui a été évalué dans d’autres études et aussi par la commission de transparence. Le Valsartan ne pose aucun souci. »
Sécuriser davantage les études cliniques
Quoiqu’il en soit, cette falsification jette le trouble dans la communauté scientifique. De nombreuses précautions sont censées éviter ce type de fraude. Il existe, en principe, un comité d’adjudication qui doit contrôler les événements critiques survenant dans les études cliniques. C’est ce comité qui doit normalement reconnaître officiellement la survenue notamment de décès, d’AVC ou d’infarctus. Enfin, dans toutes les études, surtout de cette ampleur, il existe généralement un comité de surveillance.
Alors comment cette fraude a t-elle pu lui échapper ? Malheureusement même si c'est rare, ce n’est pas la 1ère fois qu’une telle supercherie scientifique est démasquée. En 1998 une étude britannique publiée dans le Lancet montrant un lien entre le vaccin rougeole-rubéole-oreillon et l’autisme avait entraîné un effondrement du taux de vaccination. En 2010 pourtant, ce même article a été retiré des archives du journal et jugé « non éthique, malhonnête et irresponsable ».
Ecoutez le Pr Jean Michel Halimi « Il faut probablement encore réfléchir à la manière dont on peut sécuriser les bases de données comme celles-là. »