- Les malades atteints de BPCO s’étouffent progressivement dans leur mucus, qu’ils produisent en trop grande quantité.
- Un surplus de protéines nommées TFF pourrait être à l'origine de la viscosité accrue du mucus des patients.
- Les chercheurs veulent développer des médicaments pour réduire la viscosité du mucus afin de dégager les poumons des malades.
La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une infection pulmonaire se caractérisant par une baisse persistante de l’écoulement des gaz inspirés. D’après l’OMS, les symptômes s’aggravent progressivement avec un essoufflement de l’effort même au repos. La maladie est souvent provoquée par la fumée du tabac, due au tabagisme actif ou passif et “tend à être sous diagnostiquée et elle peut engager le pronostic vital”, alerte l’OMS. Les malades s’étouffent progressivement dans leur mucus, qu’ils produisent en trop grande quantité. Récemment, des chercheurs ont découvert pourquoi le mucus de ces patients était si épais. Leurs travaux, parus dans la revue Nature Communications, ouvrent la voie à un potentiel traitement pour guérir cette maladie aujourd’hui incurable.
Les cellules de la muqueuse respiratoire produisent du mucus en continu qui forme une couche protectrice. Le mucus est surtout composé de très longues protéines, les mucines, enrobées de glycanes, un type de molécule de sucre, mais il contient aussi une petite quantité de TFF, des protéines formant des boucles. “Les TFF sont connus depuis longtemps pour rendre le mucus plus visqueux (plus épais), et il a été postulé que cet épaississement se produit dans les maladies respiratoires. Cependant, jusqu'à présent, nous ne comprenions pas complètement comment les TFF y parvenaient”, explique Ethan Goddard-Borger, professeur associé au Walter and Eliza Hall Institute (Melbourne, Australie), qui a dirigé l’étude.
En effet, pour prouver que des TFF trop nombreux sont bien à l’origine de la viscosité accrue du mucus des malades, il faudrait pouvoir en inactiver l’action de façon spécifique. Si l’opération rend sa fluidité au mucus, c’est la preuve que le TFF provoquent bien des épaisses sécrétions. Au cours de leur étude, Ethan Goddard-Borger a montré que “les TFF ‘agrafent’ les filaments de mucine en se liant à leurs glycanes”. Ainsi, plus il y a d'agrafes, plus le filet est dense et plus le mucus devient épais.
Un progrès important dans la compréhension du mucus
Les chercheurs ont également remarqué que la bactérie Helicobacter Pylori, à l’origine d’ulcères, possédait aussi des glycanes similaires à ceux de nos mucines. Or, le mucus gastrique est le seul à être riche en TFF et elles peuvent donc s'y accrocher. “Nous supposons que les bactéries ont développé ce mécanisme pour les aider à coloniser le mucus gastrique”, explique donc le professeur Goddard-Borger à Sciences et Avenir.
Comprendre à quoi les TFF se lient et comment ils le font est un progrès important dans la compréhension du mucus et de son fonctionnement dans les voies respiratoires, gastro-intestinales et reproductives, se félicitent les chercheurs. Désormais, ces derniers souhaitent prouver que “les antagonistes de la TFF peuvent améliorer la clairance du mucus et la fonction pulmonaire dans les modèles précliniques [animaux, NDLR] de la BPCO”, annonce le professeur Goddard-Borger à Sciences et Avenir.
Il s’agira ensuite d’inhiber les liens créés entre les TFF et les brins de mucine, sachant que cette réussite permettrait éventuellement de conduire à de nouvelles thérapies dans le traitement des maladies respiratoires, espèrent-ils. “Nous cherchons à développer des approches innovantes pour réduire la viscosité du mucus afin d'aider à éliminer l'excès de mucus des poumons des patients atteints de maladies respiratoires chroniques, détaille Goddard-Borger dans l’article. Une quantité saine de mucus est très importante pour capturer et éliminer les menaces potentielles pour les poumons, telles que les particules de poussière, les cellules mortes et les bactéries, c'est pourquoi nous ne cherchons pas à éliminer complètement le mucus”, explique-t-il.
“Une influence significative sur la qualité et l’espérance de vie” des malades
La prochaine étape consiste à travailler avec des collaborateurs commerciaux pour faire progresser notre vision afin de développer de nouveaux médicaments mucolytiques qui peuvent plus efficacement éliminer le mucus des voies respiratoires”, ajoute le professeur. “Cela n'inverserait pas la progression de la maladie, mais pourrait aider à maintenir ou à améliorer la fonction pulmonaire afin d'améliorer la qualité et l'espérance de vie”, poursuit-il auprès de Sciences et Avenir.
Au-delà de la BPCO, “la réalisation de cet objectif pourrait avoir une influence significative sur la qualité de vie et l'espérance de vie des personnes souffrant de maladies respiratoires débilitantes", telles que l’asthme, la mucoviscidose, la fibrose pulmonaire idiopathique ou encore la dilatation des bronches.
De plus en plus de malades de BPCO à travers le monde
D’après une étude parue en novembre dans The European Respiratory Journal, le nombre de malades diagnostiqués de BPCO ne cesse d’augmenter à travers le monde. Selon les données de l’OMS, 175 millions de personnes étaient atteintes de cette maladie en 2015. En revanche, le taux de mortalité dû à cette maladie a diminué de 12% entre 2000 et 2015.
"Les données suggèrent que la proportion de patients atteints de BPCO qui meurent prématurément en raison de la maladie diminue dans l'ensemble, ce qui est très encourageant. Cela signifie que les gens peuvent être moins exposés aux facteurs de risque maintenant que la maladie est gérée plus efficacement”, analysaient donc les auteurs de l'étude. Toutefois, “même si le taux de mortalité due à la BPCO peut diminuer avec le temps, cette baisse est trop faible pour compenser le fait que chaque année, de plus en plus de personnes meurent de la BPCO en raison du vieillissement des populations.”
“Nous devons continuer à chercher des traitements plus efficaces et des moyens de prendre en charge la BPCO. Nous devons également réduire la stigmatisation entourant la maladie et sensibiliser la population aux facteurs de risque autres que le tabagisme- en particulier les dangers d'endommager nos poumons lorsque nous sommes enfants.” Espérons que la présente étude australienne parvienne à changer la donne.