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Cardiologie

De nouveaux traitements pour la fibrillation atriale

Par Mathias Germain

Près de 800 000 personnes touchées, deux millions en 2050, la fibrillation atriale est devenue un enjeu de santé publique. Des nouveaux traitements faciliteront sa priseen charge.

« Lorsqu'une crise de fibrillation auriculaire ou atriale se déclenche, c'est un phénomène très inquiétant pour le patient, il a l'impression qu'il va mourir, témoigne un cardiologue. Il est nécessaire de le rassurer. En général, les patients confondent souvent avec la fibrillation ventriculaire. » Cette arythmie des oreillettes n'entraîne pas la mort subite, mais elle n'est pas sans danger. Pour le patient, le risque de mortalité est multiplié par 2 en comparaison avec une personne en bonne santé du même âge.
Selon les dernières études, la fibrillation auriculaire ou atriale est responsable de 15 % des AVC en France. Plus de 750 000 personnes sont touchées par cette pathologie, en majorité des personnées âgées. Du fait du vieillissement de la population, elle s'impose comme un des troubles majeurs de la cardiologie. « L'analyse de la courbe de prévalence montre que le risque commence à la quarantaine, commente le Pr Pascal Guéret, président de la Société française de cardiologiet, elle s'accélère à partir de 65 ans, avec un pic d'âge médian autour de 70 ans ».
Les épidémiologistes américains estiment que le nombre de malades sera multiplié par 2, 5 en 2050. « Cette évolution peut être transposée à la France, juge le Pr Le Guéret. Nous pouvons craindre qu'il y ait près de 2 millions de patients d'ici quarante ans. Il y a quelques années, on ne mesurait ni l'ampleur du problème, ni les risques suscités par ce trouble. »

Aujourd'hui, la fibrillation atriale est considérée, non plus comme une maladie isolée, mais comme un marqueur de risque cardiovasculaire. En effet, les trois quarts des personnes qui ressentent des trémulations auriculaires, ont une hypertension artérielle : un tiers est concerné par une maladie coronaire, un quart par des problèmes d'insuffisances cardiaques. « Cette nouvelle approche incite à réaliser un bilan cardiovasculaire rigoureux lorsqu'on découvre une fibrillation atriale, explique le Pr Jean-Yves Le Heuzey, chef du service de cardiologie à l'hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP). Le bilan doit inclure outre l'enregistrement de l'électrocardiogramme (ECG), une échographie cardiaque susceptible de dépister une maladie valvulaire, coronaire et myocardique. »

L'ECG caractérise la gravité de la fibrillation : « paroxystique récidivante » ou « permanente ». Mais, la difficulté ne réside pas dans le diagnostic mais dans le choix thérapeutique. « En fonction des cas, le cardiologue choisit de rétablir le rythme sinusal ou pas, de prescrire des anticoagulants ou de l'aspirine », explique le Pr Le Heuzey. Le suivi du patient est complexe.


Des molécules au robot

L'année 2009 devrait apporter quelques nouveautés. « Alors qu'aucun médicament anti-arythmique n'avait été mis au point depuis 20 ans, une nouvelle molécule, la dronédarone, a été soumise aux agences du médicament américaine et européenne, souligne le Pr Le Guéret. Cette molécule, d'après l'étude Athena, permet de réduire l'incidence de la première récidive de 28 %. En outre, cinq molécules anticoagulantes sont en développement. Ces médicaments, qui ne sont pas des anti-vitamines K, ont été conçus pour avoir la même efficacité sans imposer les mêmes difficultés de surveillance. »

Outre les traitements médicamenteux, les cardiologues ont la possibilité de supprimer les zones arythmogènes au niveau des veines pulmonaires ou dans la cavité cardiaque. « Les techniques d'ablation ne sont indiquées que dans certains cas, précise le Pr Le Heuzey. Elles s'adressent aux patients les plus jeunes, sans cardiopathies sous-jacentes, qui ont une fibrillation très gênante ». Le taux de succès est pour eux de 80 %. « L'ablation peut aussi s'adresser à une personne plus âgée atteinte d'une insuffisance cardiaque, mais le taux de succès n'est que de 60 % », ajoute le Pr Le Heuzey. Ces résultats pourraient changer car les techniques d'ablation s'améliorent de manière constante. Il y a dix ans les Pr Michel Haïssaguerre et Pierre Jaïs mettaient au point, au CHU de Bordeaux, l'ablation par radiofréquence. « Au début, nous isolions une seule veine pulmonaire, mais comme nous étions obligés de réintervenir, maintenant nous isolons les quatre, explique le Pr Haïssaguerre.

En 2004, l'équipe du Pr Le Heuzey a mis au point la cryo-ablation, qui présente moins de risques de former des caillots que la radiofréquence. La dernière avancée en cardiologie interventionnelle date de 2006. L'équipe bordelaise réalisait la première ablation à distance chez un patient de 76 ans grâce à un robot qui téléguide le cathéter par champ magnétique. « Le pilotage du cathéter à son extrémité par le champ magnétique permet de gagner en précision et en rapidité », explique le Pr Haïssaguerre. Pour le moment, il n'existe qu'un seul système de navigation magnétique en France. L'équipement est encore très coûteux. Mais pour les cardiologues interventionnels, cette technique est très prometteuse.


Questions au Pr Jean-Yves Le Heuzey,
chef du service de cardiologie à l'HEGP et membre de la SFC

"Nous allons manquer de cardiologues" 
 


Pourquoi avoir mis l'accent sur la fibrillation atriale lors des journées européennes ?
Pr Jean-Yves Le Heuzey. Cela peut paraître étonnant car la fibrillation atriale est le trouble du rythme le plus anciennement connu. Mais, ces dernières années ont modifié la vision que nous avions de cette pathologie. Aujourd'hui, elle est vraiement considérée comme une pathologie sérieuse, alors qu'autrefois elle était la cinquième roue du carosse, derrière les valvulopathies.
En outre, la prévalence est en augmentation du fait du vieillissement de la population. Les cardiologues sont de plus en plus confrontés au suivi de ce trouble du rythme cardiaque. On estime que le nombre de patients sera multiplié par 2, 5 en 2050.


Les cardiologues seront-ils suffisamment nombreux pour faire face ?
Pr J.-Y. L. H. 
Nous allons certainement manquer de cardiologues, notamment de spécialistes dans les techniques interventionnelles. En France, il n'existe qu'une vingtaine de centres spécialisés. Or, même si l'ablation atriale n'est pas indiquée pour tous les patients - environ 20 % - nous ne serons pas suffisamment nombreux pour faire face à la demande. C'est un problème d'autant plus crucial qu'il faut du temps, une dizaine d'années, pour former un cardiologue rythmologue,

Que représente cette pathologie en terme de coûs financiers ?
Pr. J.-Y. L. H.
 A l'échelle d'un individu, les coûts de santé dus à la fibrillation atriale s'élèvent à 3209 euros par an. A l'échelle de la France, ils s'élèvent à 2, 5 milliards d'euros par an. La moitié de ces dépenses sont dues aux hospitalisations, un quart aux médicaments. La fibrillation atriale est un véritable enjeu de santé publique.
Entretien avec MG