Aussi surprenant soit-il, la crise sanitaire et économique pousse de nombreux Français à investir. Philippe Lachenal, gérant de trois agences immobilières Laforêt dans les Hauts-de-Seine, assure n'avoir jamais vu un tel phénomène malgré près de 30 ans d'activité. "C'est étonnant mais les acheteurs sont rapidement revenus, raconte-t-il. Et le taux de contact est comparable à celui avant le confinement mais surtout les gens savent davantage ce qu'ils veulent."Un engouement qui touche également la location. "J'ai l'impression que le confinement a exacerbé leur problème de logement, avance-t-il. Nous n'avons plus besoin de passer des heures à sonder leurs désirs ou à les convaincre, ils sont motivés et savent ce qu'ils veulent ce qui nous fait gagner du temps et de l'énergie."
Même son de cloche pour les annonces en ligne. "On voit que l'activité reprend, les gens cherchent et surtout les vendeurs sont au rendez-vous" affirme Séverine Amate, porte-parole du groupe Seloger. Une attitude qui valide l'étude du 7 avril dernier de l'Observatoire du moral immobilier du groupe Seloger. basée sur 2652 futurs acquéreurs en avril dernier, Elle avait mesuré, sur une base de 2652 futurs acquéreurs, que malgré la pesanteur sanitaire et économique du confinement une majorité d'entre eux voulait reprendre leur projet dès que possible - et ceux avant même de connaître la date du déconfinement. Comme eux, Sophie, propriétaire de 30 ans, souhaite rapidement vendre son 34m2 au centre de Paris pour acheter plus grand dans la métropole. "Comme c'est en ce moment que se vendent la plupart des deux-pièces c'est pour cela qu'on n'a pas voulu attendre davantage pour diffuser l'annonce, explique-t-elle. On préfère saisir l'opportunité maintenant avant que les taux n'augmentent."
Avenir incertain mais désir de déménager
L'ombre d'une augmentation des taux d'emprunt à cause de la crise économique semble être l'un des moteurs de cette dynamique d'achat. Une crainte supérieure à celle d'une possible baisse des prix de l'immobilier. Selon l'étude d'avril de Seloger, 55% des acquéreurs le pronostiquent contre 50% des vendeurs - une tendance en nette hausse depuis février dernier où il n'était que 10% à le penser. Pourtant si 58% des acquéreurs estiment qu'il y aura prochainement une baisse du pouvoir d'achat généralisée et progressive en France, ils pensent à 74% pouvoir y échapper. Pourtant malgré cette impression d'un nouveau rapport de force entre acheteurs et vendeurs ne semble pas se traduire dans les transactions en cours. "Nous ne constatons pas de changement dans les prix dans notre secteur pour l'instant, assure Philippe Lachenal. Malgré une légère hausse des taux avant le confinement il n'y a pas d'hésitation sur les prix. La valeur des biens se maintient et les produits bien positionnés partent vite." Selon le baromètre des prix immobilier - Seloger et l'IPI - de mai, si le volume de transaction a chuté de 47% en avril la hausse du prix de l'immobilier dans l'ancien s'est maintenu. "Les tensions sur les prix [de l'immobilier] ne relâchent donc pas avec la crise" affirme l'IPI. Malgré l'alignement des bonnes volontés Séverine Amate tempère cette lune de miel autour de la pierre : "attendons encore de voir si tous ces projets se concrétisent, prévient-elle. Nous ne savons pas si ce sera aisé de réaliser des tractations dans cette période de déconfinement. Par exemple, je ne sais pas si les notaires sont toujours en chômage partiel ou non et si d'autres choses peuvent freiner cet engouement."
Alors une bulle ou véritable reprise ? Les avis divergent. "Nous avons des échos des premiers licenciements, soupire Séverine Amate porte-parole du groupe Seloger. À mon avis la vague de chômage va arriver à l'automne et là ce sera plus dur. Si cela arrive cette détérioration économique risque de gripper le marché de l'immobilier et de fragiliser le secteur mais je n'ai pas de boule de cristal." "Je suis confiant et optimiste, assure Philippe Lachenal. Je pense que comme les Français ont été privé de liberté de consommation ils ont une réserve d'argent disponible et veulent l'utiliser. Par ailleurs, je pense que le confinement les a vraiment marqué et que la possibilité d'une deuxième vague est réelle. C'est donc une motivation supplémentaire dans leur volonté de changer de logement."