- La préfecture de police de Paris utilisait depuis le mois de mars des drones pour surveiller le respect des mesures de distanciation sociale
- Le Conseil d'Etat a interdit cette utilisation pour préserver le respect de la vie privée
Drones au sol. Le 18 mai, le Conseil d'État a enjoint la Préfecture de police de Paris à suspendre son utilisation de drones pour surveiller l'espace public dans le cadre du Covid-19. L'argument des policiers d'observer la "physionomie générale de l'affluence sur le territoire parisien pour détecter (...) les rassemblements de public contraires aux mesures de restriction en vigueur" n'a pas suffit à convaincre la plus haute instance judiciaire administrative. Au nom de l'atteinte au respect de la vie privée et au non-respect des règles de protection des données personnelles, elle ordonne à la Préfecture de Police de cesser cette activité et détruire toutes les images captées dans ce contexte.
Une victoire pour les associations la Quadrature du Net et la Ligue des droits de l'homme à l'origine de ce recours."C'est une victoire historique contre la surveillance par drone, assure la Quadrature du net. D’après le Conseil d’État, cette illégalité ne saurait être corrigée que par un arrêté ministériel pris après avis de la CNIL. Dans l’attente d’un tel arrêté, (...) la police devra maintenir au sol la grande majorité de ses drones dans l’ensemble du pays" estime-t-elle.
Vide juridique
Depuis le 18 mars dernier, la Préfecture de police utilisait quotidiennement un de ses drones pour transmettre en direct des images de certains sites ciblés au Centre d'information et de commandement de la préfecture. Depuis les bureaux, un opérateur donnait des instructions selon les circonstances aux pilotes du drone sur place afin de déplacer l'appareil ou utiliser un haut-parleur intégré. Cependant rien ne garantit aux yeux du Conseil d'État un possible détournement de cet œil volant. "[Ces drones] sont dotés d’un zoom optique et peuvent voler à une distance inférieure à celle fixée par la note du 14 mai 2020 sont susceptibles de collecter des données identifiantes, explique l'ordonnance. [Ils] ne comportent aucun dispositif technique de nature à éviter, dans tous les cas, que les informations collectées puissent conduire, au bénéfice d’un autre usage que celui actuellement pratiqué, à rendre les personnes auxquelles elles se rapportent identifiables."
Or le Conseil d'État souligne également l'absence d'un texte réglementaire qui autoriserait la création et encadrerait les modalités d'utilisation de ces données par des drones. "Contrairement à la vidéosurveillance dont les dispositifs doivent obéir à certaines contraintes (emplacement et orientation des caméras, paramétrages interdisant de capter des images relatives aux entrées d’immeuble, à l’intérieur des bâtiments et des espaces privés…), les images filmées par des drones captent nécessairement des images relatives à ces espaces protégés, portant ainsi atteinte aux libertés fondamentales que sont le droit à la vie privée et le droit à la protection des données personnelles" abonde pour sa part la Ligue des droits de l'homme.
Contrôles dans d'autres villes
Cette décision ne signe pas l'interdiction du drone comme outil de surveillance par les forces de l'ordre. Dans son ordonnance, le Conseil d'État explique qu'il faut soit bâtir une règlementation autour de la récolte des données par des drones en concertation avec la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), soit brider les drones avec des "dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées."
Pour sa part, l'autorité indépendante, la Cnil, assure avoir envoyé les premières demandes d'information, dès le 23 avril, sur l'usage des forces de l'ordre de ces drones durant le confinement et à l'heure actuelle. Elle assure avoir "diligenté des contrôles auprès du ministère de l’Intérieur concernant l’usage de drones dans plusieurs villes. Ces contrôles visent des services de la police nationale et de la gendarmerie. Des vérifications similaires sont effectuées auprès de plusieurs communes dont les polices municipales ont elles aussi, semble-t-il, eu recours à des drones."