"Évitez les embrassades". Une consigne répétée inlassablement sur les affiches, spots publicitaires ou discours de prévention contre la propagation de la Covid-19. Un geste-barrière qui semble compris et respecté sous le confinement mais plus difficile à tenir sous le déconfinement. "C'est pesant face à ma mère, relate Sophie 29 ans. J'ai envie de l'embrasser et elle aussi se retient." Pourtant malgré la prise de conscience d'une possible contamination de ses proches et de soi-même la tentation demeure. "Juste avant le confinement, je demandais aux gens s'ils acceptaient la bise ou la poignée de main. Maintenant je ne demande plus, assure Karim 30 ans entrepreneur. Enfin, je ferai peut-être une exception pour des amis que je connais depuis longtemps."
Une habitude à éviter désormais qui rend certains nostalgiques. "C'est sympa de faire la bise ! avoue Carole 57 ans. Ça fait parti des rapports humains, c'est une manière plus personnelle de se dire bonjour ou au-revoir. C'est la différence entre les relations proches et éloignées." Un "signe d'affection" ou de convivialité ? Un faux débat pour d'autres. "On peut être chaleureux même avec un masque, souligne Karim. On peut rire ou sourire cela s'entendra très bien."
Un avenir incertain
De là à voir reculer et se raréfier ce petit rite entre connaissances il n'y a qu'un pas... que franchit David Le Breton, anthropologue et sociologue enseignant à l'Université de Strasbourg. Selon lui, la "survie" de la bise dépendra en partie de la durée de la pandémie. Sur le site de Franceinfo, il estime que la pratique pourrait revenir quand la menace du virus disparaîtra, à la réouverture des cafés et restaurants. "Dans des relations très fortes, amicales ou filiales, elle ne va pas disparaître", nuance-t-il.
Qu'en est-il dans les bureaux ? L'agence d'intérim Qapa a publié début avril le résultat d'un questionnaire réalisé auprès de ses utilisateurs sur les habitudes de travail post-Covid-19. Dans ce sondage, 28 % des répondants (dont 39% d'hommes) assuraient être prêts à claquer de nouveau la bise dans l'entreprise à la fin du confinement. Un chiffre qui tranche avec les 38 % de réponses négatives (dont 44% de femmes). Ces nouveaux résistants de la bise s'ajoutent aux 34 % qui déclaraient déjà éviter de tendre la joue avant le confinement. En somme 72 % d'entre-eux déclarent préfèrer se tenir à distance dont la moitié à la suite du confinement.
Si Carole et Sophie assurent reprendre cette habitude avec leur proche dès qu'il y aura un traitement au Covid-19, Joseph, 32 ans, est plus nuancé. "Au début du confinement je voulais respecter les consignes de sécurité et j'avais peur, reconnait ce cadre en banque. Maintenant j'ai pris le pli et je pense que je ne la referai plus par habitude ou par paresse." Qui vivra bisera (ou pas).