Beaucoup de bruit pour rien. Après des mois de polémique sur l’hydroxychloroquine, dont les mérites contre le coronavirus sont vantés haut et fort par le professeur Didier Raoult, l’OMS a décidé lundi 15 mai de l’exclure de tous les essais cliniques dont elle est partenaire. Le test européen Discovery sera donc concerné, révèle Franceinfo ce mardi 16 mai. Rappelons que l'hydroxychloroquine est un dérivé de la chloroquine, prescrite depuis des années contre le paludisme, mieux toléré et prescrit en France sous le nom de Plaquénil, contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. C'est généralement cette seconde forme qui est testée dans les études contre la Covid-19.
L’OMS a pris cette décision après la publication d’une étude dans la revue médicale The Lancet. Cette dernière porte sur 96 000 patients et montre que ni la chloroquine, ni l’hydroxychloroquine ne sont efficaces pour lutter contre la Covid-19. Au contraire, le dérivé augmenterait même les risques de décès par arythmie cardiaque. Selon son auteur principal, le docteur Mandeep Mehra, il s'agit de la “première étude à large échelle” à montrer une “preuve statistique robuste” que ces traitements “ne bénéficient pas aux patients du Covid-19”. De son côté, Didier Raoult juge l’étude “foireuse” car réalisée “par des gens qui n’ont pas vu de patients”.
Toutefois, cet essai n’est pas le premier à discréditer l’hydroxychloroquine dans le combat contre la Covid-19. Récemment, deux papiers parus dans le BMJ attestaient de son inefficacité. La première étude, française, porte sur 181 adultes admis à l’hôpital à cause d’une pneumonie due au coronavirus, nécessitant qu’on leur administre de l’oxygène. En tout, 84 de ces patients ont reçu de l’hydroxycholoroquine quotidiennement. Résultat : ce traitement n’a rien changé, que ce soit pour les transferts en réanimation ou pour la mortalité des malades. “L'hydroxychloroquine a reçu une attention planétaire comme traitement potentiel du Covid-19 après des résultats positifs de petites études. Cependant, les résultats de cette étude n'étayent pas son utilisation chez les patients admis à l'hôpital qui nécessitent de l'oxygène”, concluent donc les chercheurs.
Discovery était déjà bien mise à mal
Selon la seconde étude, menée par une équipe chinoise, l'hydoxychloroquine ne permettrait pas d'éliminer le virus plus rapidement que des traitements classiques chez des malades souffrant d'une forme “légère" ou “modérée" de la Covid-19. Qui plus est, des effets secondaires plus importants ont été observés chez les patients traités avec ce médicament. “Considérés dans leur ensemble, ces résultats ne plaident pas pour une utilisation de l'hydroxychloroquine comme un traitement de routine pour les patients atteints du Covid-19", conclut donc dans un communiqué de presse la revue médicale britannique BMJ, où les deux études ont été publiées.
Désormais, la décision prise par l’OMS risque donc de changer la donne pour beaucoup d’études, notamment l’essai européen Discovery, déjà mis bien mis à mal. Lancé le 22 mars dernier, cet essai teste cinq traitements contre la Covid-19, dont quatre expérimentaux. Parmi les traitements au banc d’essai, le remdesivir, un antiviral développé sans succès durant l'épidémie d’Ebola, une combinaison de deux antiviraux (le lopinavir/ritonavir) utilisés contre le VIH, ces deux antiviraux auxquels est ajouté l'interféron bêta, des molécules du système immunitaire, et, enfin, l’hydroxychloroquine.
“Identifier très vite les effets secondaires”
A l’origine, cette étude devait être menée sur 3 200 patients infectés à travers l’Europe mais outre la France, la plupart des pays engagés n’ont pas joué le jeu. Surtout à cause de Solidarity, une autre étude menée par l’OMS sur 3000 patients. Pour autant, Florence Ader, investigatrice principale de l’étude Discovery, ne souhaite pas abandonner. Elle espère encore que la Belgique, l’Autriche et l’Allemagne rejoindront l’essai. “Le temps que ça nous a pris de mettre l'essai en place en France a été un temps qui n'a été dédié qu'à ça, du 1er au 22 mars, expliquait-elle la semaine dernière à Europe 1. Ensuite, on est entré dans une deuxième phase, on a commencé à comprendre qu'il allait nous falloir un peu plus de temps pour le mettre en place dans un certain nombre de pays européens.” “On a besoin encore d’un tout petit peu de temps et on reviendra probablement sur une analyse au début du mois de juin qui nous dira si on peut commencer à libérer des informations”, renchérissait le professeur Bruno Lina, virologue au CHU de Lyon et membre du conseil scientifique, à RTL, alors que les premiers résultats étaient attendus pour le 15 mai.
Ce mardi 26 mai, Bruno Lina s’est exprimé sur RTL quant à la décision de l’OMS. Pour le virologue, la vaste étude de The Lancet “identifie le fait que l’hydroxychloroquine n’a aucun effet en termes de résultats virologiques et il identifie potentiellement un effet délétère de la mise en place du traitement. (…) Dans l’essai Discovery, on a pris la décision, premièrement d’arrêter les inclusions de patients dans le bras hydroxychloroquine et deuxièmement de retourner vers ces patients. Car s’il y a des effets secondaires qui sont apparus, il faut les identifier très vite et que l’on confirme ou infirme le message qui a été passé par l’étude”, a-t-il précisé, assurant n’avoir pris aucun risque dans l’essai.
Quant à Solidarity, les chercheurs souhaitent examiner leurs propres données et les comparer à celles de l’étude parue dans The Lancet. Après avoir arrêté d'administrer de l’hydroxychloroquine pendant quelques jours, le comité exécutif décidera de réintégrer ou pas la chloroquine et son dérivé.