Si l'organisation d'un repas chez soi pouvait paraître anodine avant la crise sanitaire, elle demande désormais une certaine part de réflexion et de logistique. Notamment dans le contexte anxiogène dans lequel nous vivons depuis plusieurs semaines. "Je ne dirais pas que j'ai eu peur, mais j'étais forcément un peu inquiète. Je me suis posé la question de savoir si j'allais vraiment recevoir mes amis chez moi", raconte Bérengère. Le 11 mai au soir, cette jeune femme de 29 ans a invité quatre amis dans son appartement parisien.
"J'ai fini par me dire que ça irait si on faisait bien attention, mais je me suis pas mal interrogée : comment éviter au maximum les risques de transmission ?", se remémore-t-elle. La vingtenaire a protégé son canapé avec des plaids – qu'elle a mis à la machine à laver dès la soirée terminée – et a demandé à ses convives de se déchausser en entrant. "Évidemment, pas d'embrassades, malgré l'envie !", indique-t-elle. Pas de contacts directs non plus, tandis que le respect des distances de sécurité était de mise.
"J'ai transvasé immédiatement tout ce qui allait nous servir pour l'apéritif dans des contenants, et j'ai jeté les emballages directement, en me lavant les mains entre chaque, raconte Bérengère. En bref, j'ai essayé d'être le plus attentive possible, mais je pense que c'était le côté 'première soirée' post confinement, avec ce côté inédit, où on est encore marqués par les dernières semaines. D'autre part, j'avais la sensation que ce n'était malgré tout pas assez, et que notre comportement était contradictoire : par exemple, on piochait nos chips dans le même saladier...".
"On était plus dans la réflexion que dans l'émotion"
Dans une société où la bise et les accolades sont monnaie courante, il serait tentant de croire que les précautions prises pour éviter la transmission du Covid-19 puissent gâcher l'ambiance des retrouvailles. "Je ne dirais pas ça car on était trop heureux de tous se revoir après ce qui nous a semblé être une éternité, estime Bérengère. Mais c'était un peu étrange, car forcément moins naturel : il fallait davantage réfléchir à nos faits et gestes".
Par exemple, la jeune femme a dû se retenir de prendre ses convives dans ses bras lorsqu'ils entraient chez elle, puis s'est imposée de leur proposer immédiatement du gel hydroalcoolique et de trouver un endroit pour qu'ils posent leur masque. "Finalement, on était plus dans la réflexion que dans l'émotion, analyse-t-elle. En revanche, tout le monde s'y prêtait volontiers et a adopté rapidement les réflexes. D'ailleurs, on n'a pas pu s'empêcher de faire des blagues sur le sujet. Maintenant, je constate que tout devient de plus en plus naturel, comme le fait de se saluer différemment, par exemple".
Deux gestes essentiels à respecter au cours d'un repas avec ses proches
Ainsi, quels sont les bons réflexes à prendre lorsque l'on organise un repas avec ses proches ? Quand on projette d'inviter des amis ou de la famille chez soi, il convient de garder en tête le mode de transmission de la Covid-19. "C'est un virus respiratoire, qui peut aussi être manuporté, rappelle Faïza Bossy, médecin généraliste. C'est le fait de porter sa main à son visage qui fait que l'on se contamine. C'est fondamental de bien comprendre cela pour saisir l'importance du port du masque et de la distanciation physique".
La professionnelle recommande d'abord de tenir informé ses proches de son état de santé : si on a eu l'un des symptômes de la Covid-19 dans les quinze jours précédant le repas, il vaut mieux prévenir son hôte ou ses invités. "Si personne n'a été malade, cela ne veut pas dire que l'un des convives n'est pas en train de le devenir", indique Faïza Bossy. Pour elle, il y a donc deux gestes essentiels à respecter. Premièrement, un lavage des mains de 20 secondes, au moins, dès l'arrivée chez l'hôte.
"Cela peut être difficile, mais il faut aussi respecter la distanciation physique d'1m50, rapporte la professionnelle de santé. Malheureusement, on ne doit pas faire d'embrassades et s'en tenir à des coucous de loin". La médecin le martèle : le but est de casser la chaîne de contamination, même si cela requiert de prendre sur soi. De même, le nombre d'invités ne devrait pas être laissé au hasard, afin de prévoir 4 m2 par personne et de prendre en compte la largeur des zones de croisement. "Par exemple, il ne faut pas stationner dans un couloir", souligne Faïza Bossy.
"L'apéritif est plus convivial, mais ce n'est pas une bonne idée"
La médecin préconise un repas à table où tout le monde est assis, avec ses propres couverts, plutôt qu'un apéritif dinatoire, pendant lequel chacun picore dans des bols et assiettes. "Il ne faut pas oublier que l'on met sa main sur le visage en moyenne 60 fois par jour, sans s'en rendre compte, précise la professionnelle de santé. Or, si quelqu'un se frotte le nez par réflexe puis met la main dans le paquet de chips et qu'une autre personne prend le quart de chips derrière, la contagion peut avoir lieu. L'apéritif est plus convivial, plus facile à préparer, mais ce n'est pas une bonne idée". Si les hôtes optent néanmoins pour, Faïza Bossy les invite à privilégier les contenants individuels pour chacun.
Pour Bérengère, le choix du mode de diner s'était avéré être un véritable casse-tête. "Au départ, je voulais faire un repas pour éviter les contacts dans un saladier, mais je me suis dit que, de toute façon, il y en aurait forcément entre ma main et les assiettes, par exemple, se remémore la journaliste. Je ne voyais pas comment le contact zéro 'différé' était possible en organisant une soirée chez soi. Donc j'ai pris le risque d'organiser un apéritif, bien que ce soit sûrement contradictoire !".
Les précautions ne s'arrêtent pas avec le repas
Lors de la préparation du repas, il convient de se laver les mains le plus souvent possible, ainsi que la nourriture. Autre point important : s'assurer que la vaisselle soit propre. "Pour ne pas s'embêter, on peut utiliser du carton, envisage la médecin. C'est moins glamour, mais si les gens sont un peu angoissés, le plus important est de les rassurer pour réussir ses retrouvailles". Les hôtes peuvent néanmoins être plus souples quant aux chaussures et aux manteaux.
"Ils peuvent proposer aux convives de déposer leurs affaires à l'entrée du couloir, mais je ne pense pas qu'il y ait une raison qui nécessite particulièrement de se déchausser, par exemple", indique Faïza Bossy. Pour elle, les précautions ne s'arrêtent pas avec le repas. "Il faut inviter ses proches à réfléchir après coup : s'ils sont venus manger chez vous et développent des symptômes dans les quinze jours qui suivent, il faut qu'ils aient le réflexe de vous appeler", estime la professionnelle de santé. Une forme "d'auto tracking" qui aiderait à limiter la propagation de la Covid-19.