Depuis deux mois et demi, les gestes barrières ont intégré le quotidien des Français. Distanciation physique d'1m50, lavage des mains, utilisation du gel hydroalcoolique, port du masque… Chacun a mis en place des nouvelles habitudes afin de rompre la chaîne de contamination de la Covid-19. Néanmoins, si à la mi-mai 95% des Français disaient respecter les gestes barrières depuis le déconfinement, certains remarquent qu'ils ont tendance à prendre moins de précautions qu'il y a encore quelques semaines.
C'est le cas d'Élodie, 26 ans. Pendant la majeure partie du confinement, la jeune femme respectait à la lettre les consignes de sécurité. Par exemple, lorsqu'elle revenait des courses, elle se déchaussait et se déshabillait dans son couloir, avant de mettre immédiatement ses vêtements dans la machine à laver. "Progressivement, dès la fin du mois d'avril, j'ai arrêté, confie l'esthéticienne. Bien sûr, je continue à me laver systématiquement les mains dès que je rentre chez moi, mais c'est vrai que je suis moins rigoureuse".
"C'est comme si les retrouvailles m'avaient un peu fait oublier le contexte actuel"
Autre point sur lequel elle constate un relâchement : la distanciation physique. "Je me suis confinée dans le Val d'Oise, donc, quand je sortais faire mon heure de marche quotidienne, je ne croisais quasiment personne", se remémore Élodie. Les rares fois où c'était le cas, elle avait toute la place de s'écarter afin de respecter la distance d'1m50. "Quand je suis retournée à Paris à la mi-mai, j'ai eu beaucoup plus de mal à éviter les gens dans la rue, regrette-t-elle. Quitte à perdre du temps, je faisais d'énormes détours pour ne pas les croiser".
Néanmoins, lorsqu'elle a vu un ami pour la première fois depuis le début du déconfinement, la vingtenaire a moins fait attention. "Nous nous sommes promenés à Montmartre un vendredi après-midi. Il y avait un petit peu de monde, et, comme j'étais happée par notre conversation, je prenais moins la peine d'éviter les gens qu'en temps normal, remarque Élodie, en soulignant qu'elle ne respectait pas non plus les distances de sécurité avec son ami. Même si je portais mon masque, c'est comme si les retrouvailles m'avaient un peu fait oublier le contexte actuel".
"Tu n'as qu'une envie en revoyant tes amis : c'est que ça redevienne comme avant"
Même constat pour Camille, qui a revu son groupe d'amis sur les quais de Seine. Très à cheval sur les gestes barrières depuis le début de la crise sanitaire, l'étudiante de 20 ans ne s'est déconfinée qu'une semaine après le reste des Français. "Dans le métro pour rejoindre mes copains, je respectais tous les gestes barrières, assure-t-elle. Mais, dès que j'ai retrouvé mon groupe d'amis, j'ai enlevé mon masque, alors que, d'habitude, je l'aurais gardé. J'avais envie de parler normalement avec eux".
Bien que tout le monde s'était désinfecté les mains au gel hydroalcoolique avant de commencer l'apéritif, Camille n'a pas l'impression d'avoir été particulièrement rigoureuse. "On avait pris la peine de distribuer des chips dans les assiettes de chacun pour ne pas piocher dans le paquet, mais on ne l'a pas fait pour les tomates cerise, note-t-elle. Puis, on a joué aux cartes, et, clairement, on ne se re-désinfectait pas les mains à chaque fois qu'on les touchait. C'est le fait de retrouver tes amis. Tu viens de passer 1 heure dans les transports à adopter des gestes pas naturels et tu n'as qu'une envie en revoyant tes amis : c'est que ça redevienne comme avant".
"La joie des retrouvailles surpasse mes craintes d'attraper le virus"
Sylvie, 50 ans, a également tendance à faire moins attention en présence de ses proches. Toujours aussi rigoureuse sur les gestes barrières dans les transports et les magasins, la professeure des écoles n'a pu s'empêcher de refaire la bise à ses deux filles il y a déjà trois semaines. "Avant, on respectait scrupuleusement les distances, se remémore la quinquagénaire. À l'extérieur, je fais attention, mais je me sens plus en confiance avec ma famille. Par exemple, samedi soir je suis invitée chez mon beau-frère pour l'anniversaire de mes nièces, et ça ne me gênerait pas du tout de leur faire la bise. Je ne le ferai pas par rapport à elles car j'aurais peur de les contaminer sans le savoir, mais la joie des retrouvailles surpasse mes craintes d'attraper le virus".
"Une façon de faire revenir la normalité, en restant attentive, mais pas paranoïaque"
Pour sa part, lorsque Bérengère a accueilli ses amis chez elle le soir de la levée du confinement, la journaliste de 29 ans s'est montrée plus que prudente : elle a protégé son canapé avec des plaids – qu'elle a mis à la machine à laver dès la soirée terminée – et a demandé à ses convives de se déchausser en rentrant. "Au premier apéritif, je me souviens que l'on avait tous respecté religieusement une distance d'un mètre ; on était à deux doigts de mesurer, raconte la vingtenaire. Par la suite, on a continué à éviter les contacts de type bise, à se laver très souvent les mains, mais on était moins rigoureux quant à la distance pure. Moins méfiants, aussi, je dirais".
Bérengère décrit l'impression d'être moins consciencieuse, de voir décroître la vigilance assez élevée qu'elle s'imposait. "Peut-être parce que je suis de moins en moins stressée avec le temps qui passe, peut-être car je vois mes amis faire pareil chez eux, peut-être car je me dis que, tant qu'on évite la proximité et qu'on fait bien attention à se laver souvent les mains, ça suffit..., énumère-t-elle. Je pense que c'est aussi une façon de faire revenir la normalité, en restant attentive, mais pas paranoïaque".