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Réouverture

La distanciation sociale, un casse-tête pour les cafés et restaurants

Par Amanda Breuer-Rivera

Fermés depuis le 14 mars dernier, les établissements de restauration n'ont plus engrangé un centime de chiffre d'affaire. Tous attendent avec beaucoup d'appréhension les annonces du gouvernement concernant les conditions du redémarrage.

Michele Ursi/iStock

Parfois le remède est pire que le mal, du moins c'est ce que craignent les restaurateurs à quelques heures des annonces gouvernementales sur leurs conditions de reprise d'activité. Depuis le 14 mars dernier, Thierry Joubert, restaurateur du "Clapotis" à Saint-Avertin (37) observe l'argent s'évaporer de ses comptes bancaires. "En quelques mois on a perdu un peu plus de la moitié de la trésorerie qu'on a mis 30 ans à faire, lâche le chef de 58 ans. L'attente durant le confinement nous a beaucoup agacé car on a pas eu de réponse pour le chômage partiel pendant plus d'1 mois et demi ! En mai on a proposé des repas à emporter le week-end ça a permis de mettre de la rustine sur la trésorerie. Là on ne va pas baisser les bras. On attend de connaître les conditions de réouverture mais je sais que ça va être compliqué et qu'on ne rattrapera pas le temps perdu."

Si ce restaurateur du bord de Cher sait qu'il peut rouvrir dès le 2 juin, ce n'est pas le cas de son confrère Yoann Hessemans situé en zone rouge du déconfinement. "On est dans le flou, j'entends des propositions, des on-dits de syndicats et d'organismes, chaque personne interprète comme elle le souhaite certains bars font du à emporter ou des apéro-trottoirs c'est un peu l'anarchie, regrette le patron du Paddy O'Neills basé à quelques minutes de Melun (77). Les forêts sont rouvertes mais pas les parcs... Le ministre annonce qu'il y aura une fête de la musique mais nous on ne peut pas travailler tout de suite alors c'est le cas dans les autres pays européens. C'est n'importe quoi, on est tous un peu perdu."

Grandes attentes sur la distanciation

Ces deux restaurateurs comme tant d'autres suivront les annonces du Premier ministre ce jeudi 28 mai. À la clef connaître les conditions d'exercice et la date pour tenter enfin de se projeter. "Juin c'est le meilleur mois en Touraine et en plus j'ai une grande terrasse au bord de l'eau, explique Thierry Joubert. Par contre, j'accueille souvent des repas de famille et il n'est pas rare qu'ils soient une vingtaine à table avec les distances de 1 m certains risquent de se retrouver sur le parking !". Un mètre de distance entre les convives ou entre les tables ou alors une personne dans 4m&³2; change radicalement la physionomie de leur salle mais aussi leur chiffre d'affaire. Le Clapotis sert 150 couverts par jour en pleine saison, si Thierry Joubert peut en réaliser 80 à la reprise il s'estimera chanceux.

Pour Yoann Hessemans les perspectives sont plus sombres. "S'ils imposent une personne pour 4m&³2; ou du plexiglas et l'obligation de désinfecter tout le temps cela va créer une psychose alors je préfère rester fermer. Cela me coûtera moins cher d'attendre que d'ouvrir avec très peu de personnes dans mon bar, explique-t-il. Je souhaite reprendre mais normalement j'accueille entre 200 et 300 personnes si je suis limité à 80 ce ne sera pas la même ambiance et un bar à moitié vide ne donne pas envie de faire la fête. Si en plus je dois refuser des clients parce que j'ai atteint mon quota ça va être très compliqué à gérer."

Des lendemains difficiles

L'autre clef de voûte essentiel pour les restaurateurs est le comportement des clients. "Quel sera leur pouvoir d'achat? Auront-ils de l'appréhension ? C'est compliqué de se projeter" souffle Yoann Hessemans. Pourtant le retour ou non du public aura un impact direct sur le chômage. "On verra avec le comptable comment on fera travailler le personnel, reconnaît Thierry Joubert. J'ai déjà des demandes d'apprentissage pour l'année prochaine mais je ne sais pas quoi leur répondre. J'ai toujours 5 élèves en formation mais là ça va dépendre du travail à proposer."

Alors que le bar francilien, en zone rouge du déconfinement, est toujours paralysé par le manque de réponse, le restaurant tourangeau, en zone verte, voit l'impact de cette crise sur sa cuisine. "C'est fini l'abondance de choix ! Je ne trouve plus tout ce que je veux dans les centrales d'achat, assure-t-il. Je vais changer ma façon de travailler. Je vais passer de trois menus par semaine à une carte avec neuf plats que je changerai régulièrement. Il y aura moins de diversité mais plus de produits locaux, ce sera de la cuisine de marché. Ce n'est pas plus mal de se contenter de ce qu'on trouve et d'arrêter d'être toujours dans la consommation. J'espère qu'il y aura un changement de comportement de long terme, il le faut."

Encadré : L'UMIH de Paris attend les annonces de pied ferme

Frank Belvau, président de l'UMIH Paris-Île-de-France, organisation patronale, attend des réponses lors des annonces du Premier ministre ce jeudi. Sa plus grande crainte l'obligation de prévoir 4m&³2; pour chaque client de restaurant. "Si cette suggestion du gouvernement est finalement adoptée la plupart des bistrots parisiens ne pourront pas ouvrir" affirme-t-il. Si sa capacité d'accueil est réduite du 3/4 ce n'est pas la peine d'ouvrir, on attend de la Mairie de Paris qu'elle agrandisse nos terrasses on attend de voir comment cela va se faire."

Ce représentant syndical se réjouit des différentes aides obtenues et notamment du maintien du chômage partiel pour son secteur jusqu'à la fin de l'année. Pour lui la survie des restaurants dépendra de la décision des assureurs de prendre en charge ou non la perte d'exploitation due à la Covid-19 mais également au comportement des clients.