"Le samedi 14 mars, j'ai fini ma journée, puis j'ai été mis au chômage partiel. Je travaille pour une marque spécialisée dans la chemise dans un grand magasin à Paris. Mon entreprise a fait partie des premières à avoir dû fermer, alors que le confinement n'avait pas encore été annoncé. Je devais reprendre mon activité dans la semaine du 1er juin mais ma société préfère finalement nous faire revenir progressivement ; je ne sais pas encore si je reprends le 8 ou le 15.
Jusqu'ici, je vis bien le fait d'être au chômage partiel car j'ai la chance de ne pas être sur Paris. Là où j'habite, dans les Yvelines, j'ai de l'espace et la possibilité de bouger : je ne me sens pas du tout cloisonné, puis, ma famille est à coté. Mais c'est sûr qu'après tout ce temps je commence à me dire : 'vivement la reprise'. De la même manière, grâce à mes conditions de vie, je n'ai pas la lassitude qui me fait penser qu'il faut vraiment que je reprenne le travail, mais, clairement, il me tarde d'y retourner.
Je sens qu'il me manque vraiment quelque chose
Pour l'heure, ma routine est celle d'un jeune retraité. Je remplace mes journées de travail en m'occupant du mieux que je peux mais je tourne beaucoup en rond, surtout dernièrement. Au-delà de deux mois, ça devient un peu pesant. Tout ce qui devait être fait l'est : une fois que tu as repeint tous les murs de ta maison, comment est-ce que je m'occupe? Je fais le ménage, à manger, je sors un minimum, mais, à part ça, c'est assez limité. Mes journées sont rythmées par les courses et les repas.
Mon rythme d'avant me manque ; j'ai envie de casser la routine dans laquelle je me suis installé depuis deux mois et demi. Au final, elle n'est pas normale quand on vient du monde du travail. Je sens qu'il me manque vraiment quelque chose ; même si travailler n'est pas un besoin primordial, le fait de ne pas avoir repris alors que d'autres, commence un peu à me peser.
Je me pose des questions sur mon entreprise
Néanmoins, être inactif pendant plus de deux mois ne m'a pas particulièrement fait m'interroger sur mon rapport au travail. Je me suis réorienté assez récemment ; je suis entré dans monde de la vente et de la sur-mesure il y a un peu moins de deux ans, donc je n'en ai pas encore fait le tour. Ça me passionne vraiment, c'est un domaine dans lequel je veux rester et durer.
Par contre, c'est vrai que je me pose des questions sur mon entreprise : est-ce qu'elle va tenir le coup ? Elle avait déjà des problèmes financiers avant la Covid-19 et je sais que la suite va être compliquée : si ça se trouve, dans un mois, ma société va fermer. À partir du 1er juin, certaines entreprises ont dû reprendre leurs employés car l'État n'assure plus la prise en charge complète du chômage partiel : des sociétés vont pouvoir survivre et d'autres non.
Je ne suis pas angoissé à l'idée de prendre les transports, mais ça va me peser
Le statut de chômage partiel fait que les emplois ont pu être sauvés, mais on ne sait pas vraiment vers quoi cela nous mène. Il vaut mieux que je sois sur le terrain pour avoir un regard plus direct sur comment se porte la société et obtenir les réponses à mes questions.
Pour la reprise, ma société ne pourra pas se permettre de nous payer des voitures Uber pour revenir travailler, donc je prendrai les transports en commun. Je ne suis pas angoissé à l'idée de prendre les transports, mais ça va me peser, c'est sûr. L'autre jour, quand je suis allé sur Paris, j'ai mis 30 minutes de plus que d'habitude ; je passe d'un train toutes les 15 minutes à un toutes les heures. C'est un véritable périple. Et encore, pour le travail, j'ai de la chance car j'arrive à Saint-Lazare, d'où j'ai seulement 5 minutes de marche pour atteindre mon lieu de travail.
Je ne pense pas connaître à nouveau le plaisir de travailler dès la reprise
Même si j'ai plutôt hâte de recommencer je ne pense pas connaître à nouveau le plaisir de travailler dès la reprise : quand on est dans la vente mais que l'on ne peut pas avoir une interaction directe avec son client, c'est compliqué. J'imagine qu'il faudra se tenir à 2 mètres au moins les uns des autres et que je passerai mon temps à me répéter car on m'entendra difficilement avec mon masque ; ça va être quelque chose.
Je suppose que ça ne va pas être très productif et que mes journées seront réglées autour des gestes barrières et de comment les faire respecter. Surtout qu là où je travaille, il y a 4 000 employés : je n'ai pas encore de retours sur la manière dont ils vont s'occuper de la distanciation entre tous. Il n'y a pas de murs, toutes les marques confondues se trouvent sur un étage, c'est comme un grand open space. Tout cela m'intrigue beaucoup".