Les tumeurs du système nerveux central sont les tumeurs solides de l'enfant les plus fréquentes. Elles représentent près de 30% des tumeurs, juste avant les leucémies. Elles touchent plus de 3 000 enfants par an en Europe et environ 500 par an en France. Dans 60% des cas, la tumeur est un gliome de bas grade, c’est-à-dire qu’elle est bénigne. Généralement, elle se soigne bien mais il arrive qu’elle ne puisse pas être retirée complètement par la chirurgie et que les opérations complémentaires soient suivies de rechutes. C’est pourquoi, des chercheurs français ont essayé de conjuguer deux molécules, le dabrafenib et le trametinib, déjà utilisées avec succès dans d’autres types de cancer, pour soigner des malades. Ils ont présenté les résultats prometteurs de leur étude lors de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), qui s’est tenu virtuellement du 29 au 31 mai. Ce traitement serait à la fois efficace et bien toléré par les jeunes malades.
“L'une des difficultés avec ces tumeurs est qu'elles ne sont pas toujours opérables car elles sont diffuses et proches des voies optiques. Autre particularité, elles ont aussi tendance à alterner des cycles de rechute/rémission avec les schémas de chimiothérapie standard actuelles. De plus, la radiothérapie ne peut souvent pas être proposée aux jeunes enfants en raison des séquelles neurocognitives et endocrinologiques associées», explique la docteure Isabelle Aerts, oncopédiatre à l'institut Curie (Paris), qui a participé aux recherches.
Lors de ces dernières, la chercheuse et ses collègues ont administré du dabrafenib et du trametinib, deux molécules “dont l’association a déjà fait ses preuves chez l’adulte et contre d’autres types de cancers”, à 36 patients. Celles-ci ciblent respectivement deux enzymes impliquées dans les voies de signalisation de certaines cellules cancéreuses. Les sujets étaient âgés de moins de 18 ans (dix ans en moyenne) et étaient atteints de gliomes particuliers, qui expriment le gène BRAF (20% des cas de gliomes). On leur avait diagnostiqué la maladie quarante mois plus tôt en moyenne et ils avaient déjà été traités par chimiothérapie.
“La maladie a pu être stabilisée dans 89% des cas”
Après 14 mois de traitement en moyenne, “très peu d’effets indésirables majeurs ont été observés et la maladie a pu être stabilisée dans 89 % des cas”, explique aujourd’hui l’Institut Curie. Dans le détail, 26 enfants sont encore sous traitement, “et certains le sont maintenant depuis plus de 40 mois” , détaille la docteure Brigit Geoerger, oncopédiatre et responsable du laboratoire Développement des thérapeutiques innovantes pour les tumeurs pédiatriques à l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif), qui a présenté les résultats de l’étude à l’ASCO.
Les principaux effets secondaires observés ont été de la fièvre et des manifestations dermatologiques (peau sèche, éruptions cutanées…) mais sans gravité. “Ces molécules se révèlent étonnamment mieux tolérées en combinaison qu’en monothérapie”, poursuit la docteure Birgit Geoerger. Elles “se sont révélées parfaitement gérables”. “Reste à savoir combien de temps ce traitement pourra être maintenu et là, nous n'avons, pas encore la réponse”, renchérit la docteure Aerts.
Forts de ces résultats, les chercheurs vont désormais approfondir l’essai, en comparant sur un an le bénéfice de la combinaison dabrafenib-trametinib à la chimiothérapie classique chez une centaine d’enfants nouvellement diagnostiqués avec un gliome de bas grade. Les résultats de ces travaux devraient tomber d’ici environ deux ans.
Les enfants atteints d’un cancer du cerveau étant souvent touchés très jeunes, le délai entre les premiers signes et le diagnostic de tumeur du système nerveux central peut être très long (il prend en moyenne 20 semaines). Parmi les signes cliniques chez le bébé, on compte par exemple un retard de marche ou l’arrêt de celle-ci. La tumeur peut en outre faire grossir la tête d’un nourrisson malade. Des crises convulsives peuvent également survenir chez certains enfants mais, bien malheureusement, les signes les plus fréquents comme une grande fatigue, des céphalées (surtout le matin), des nausées ou encore des vomissements, sont non spécifiques.