- Durant le confinement, les prescriptions d'antibiotiques ont augmenté pour tenter de soulager les patients Covid
- Cette surconsommation d'antibiotiques engendre une résistance de plusieurs pathologies bactériennes
- En France, la consommation d'antibiotiques à baissé depuis 2008 mais reste encore trop élevée
Outre les dégâts sanitaires et socio-économiques qu'ont déjà engendré le nouveau coronavirus à l'échelle mondiale, il pourrait également intensifier le processus d'antibiorésistance, problème majeur de santé publique.
Depuis plusieurs mois, en l'absence de traitement efficace, les médecins tentent tout ce qu'ils peuvent pour apaiser les symptômes des patients Covid, quitte à augmenter les prescriptions d'antibiotiques. Or, comme nous le savons désormais, “les antibiotiques ne sont pas automatiques” et notre surconsommation rend les bactéries et les virus plus résistants. Les antibiotiques, jadis ultra-efficaces puisqu'ils ont contribué à faire disparaitre de nombreuses maladies bactériennes comme la tuberculose, la lèpre ou encore le typhus, sont de moins en moins performants.
L'effet boomerang
Six mois après le début de la pandémie, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) redoute les répercussions liées à cette sur-prescription d'antibiotiques. Lors d'un point-presse le 1er juin, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a confirmé que “la pandémie de Covid-19 a conduit à une utilisation plus importante d’antibiotiques”, alors que seuls les patients ayant développé des formes d’infection en avaient réellement besoin. Ce dernier a également évoqué le “nombre inquiétant” de pathologies infectieuses en train de devenir résistantes aux médicaments habituellement utilisés pour les traiter.
“La pandémie de Covid-19 a conduit à une augmentation de l'usage d'antibiotiques, ce qui conduira à terme à une plus haute résistance antibiotique, qui aura une influence sur le traitement des maladies et le nombre de morts, pendant la pandémie et au-delà”, a averti le directeur de l'OMS.
L'antibiorésistance, un vieux phénomène
Comme l'explique le gouvernement, “les bactéries exposées aux antibiotiques évoluent et développent des mécanismes de défense qui leur permettent d’échapper à leur action”. L'antibiorésistance n'est pas un phénomène nouveau puisque depuis la découverte de la pénicilline au XIXe siècle, “chaque nouvelle génération d’antibiotiques a vu apparaître des mécanismes de résistance lui correspondant. Les premières résistances à la pénicilline apparaissent en 1940. Les premières bactéries multi-résistances (BMR) apparaissent, elles, dans les années 1970, tandis que les bactéries hautement résistantes (BHRe) surgissent dans les années 2000”. Néanmoins, de nouvelles résistances se multiplient aujourd'hui et obligent les médecins à prescrire des traitements plus forts, lorsqu'ils existent. Lorsque ce n'est pas le cas, on parle alors d'“impasse thérapeutique”.
La consommation d'antibiotiques en France
En 2015 déjà, l'ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait commandé un rapport sur la résistance bactérienne aux antibiotiques aux docteurs Jean Carlet et Pierre Le Coz. Intitulez Tous ensemble sauvons les antibiotiques, le document stipulait qu'en France, “chaque année, plus de 150 000 patients développent une infection liée à une bactérie multi-résistante, et plus de 12500 personnes en meurent”. A cette époque, la France dépensait “entre 71 millions (par rapport à la moyenne européenne) et 441 millions d’euros (par rapport à la moyenne des pays les plus vertueux) de plus que ses voisins en antibiothérapie en ville.”
Néanmoins, selon Santé publique France, la consommation d'antibiotiques a baissé et est passée entre 2008 et 2018 de 24,1 à 23,5 doses pour 1 000 habitants et par jour. “En 2018, il a été vendu en France 728 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé humaine et 471 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé animale”. Précisons que qu'“en santé animale, 95% des utilisations d’antibiotiques concernent les animaux destinés à la consommation humaine.”