- Le premier Village dédié aux malades d'Alzheimer va ouvrir ses portes en France, à Dax, dans les Landes.
- L’objectif est de maintenir au maximum les repères quotidiens des malades et de créer des liens sociaux.
- En plus des soignants, 120 bénévoles formés à Alzheimer, s'occuperont des patients.
“Une très belle initiative”. Après deux ans de travaux et une ouverture reportée de quelques mois en raison de la crise sanitaire du coronavirus, le village Alzheimer de Dax, dans les Landes, est enfin prêt à ouvrir ses portes. Dès le 11 juin, le lieu entièrement dédié à l’accueil des personnes atteintes de la maladie, recevra les premiers de ses 120 patients. Il s’agit de la première initiative du genre en France. “J’espère qu’elle aura du succès”, commente le docteur Stéphane Epelbaum, neurologue spécialisé dans le diagnostic et la prise en charge des maladies à expression cognitive ou comportementale, auprès de Pourquoi docteur. Pour lui, il s’agit en effet d’une “innovation nécessaire dans le contexte actuel puisque la maladie est à la fois très fréquente et incurable.”
Le Village landais Alzheimer a été conçu comme un véritable village de la région et s’organise en quatre quartiers regroupant quatre maisonnées de 300 mètres carrés. Chacune d’entre elles aura la capacité de recueillir sept à huit malades, libres de leurs mouvements, est-il expliqué sur le site internet du projet. Doté d’un café-restaurant, d’une salle de spectacle, d’une épicerie et d’un salon de coiffure, il a pour but de permettre aux malades de poursuivre leur vie quotidienne dans des conditions optimales.
“Le Village landais Alzheimer développe un accompagnement centré sur la personne et des approches non médicamenteuses, portées par une attitude et des activités thérapeutiques permettant de préserver au mieux les capacités cognitives et pratiques des résidents”, est-il détaillé. Ainsi, l’objectif affiché est de maintenir au maximum les repères quotidiens des malades et de créer des liens sociaux, notamment grâce à l’implication de 120 bénévoles spécialement formés à Alzheimer, en plus des 120 soignants.
“Les bénévoles pourront exercer leurs activités dans le Village, en plein air (terrain de pétanque, jardin d’agrément, mini-ferme, potager) ou à l’intérieur (médiathèque, auditorium, salle de gym, restaurant, maisonnées, etc.), mais aussi dans l’agglomération dacquoise en accompagnant des résidents en sortie, à des manifestations extérieures (matchs, courses landaises, pièce de théâtre, etc...). Le Village sera un réel lieu de vie grâce à eux”, indique le site.
Des patients très isolés socialement
“C’est une initiative qui a le mérite d’être solidaire. Ca repose énormément sur les bénévoles. Je sais qu’il y a une attention particulière de façon à trouver des points communs entre les résidents de sorte qu’il y ait une vie sociale qui s’installe malgré la maladie, développe Stéphane Epelbaum. Nous, spécialistes de la maladie d’Alzheimer, sommes reconnaissants aux personnes qui travaillent à des approches innovantes et différentes pour prendre en charge ces patients, surtout ceux pour qui la maladie a évolué, en mettant en première ligne l’optimisation de la qualité de vie malgré la pathologie.”
“Ce sont des patients qui sont déjà très isolés socialement, qui ne voient pas grand monde et, quand ils ont une maladie d’Alzheimer assez avancée, le monde extérieur classique devient dangereux, soit parce qu’il y a des routes à traverser et qu’ils peuvent se faire heurter par une voiture car ils n’ont plus conscience de leur environnement, soit car des personnes peuvent vouloir tirer avantage de leur situation de faiblesse. Aussi, le fait d’avoir un environnement adapté, dédié à ces personnes me semble une bonne idée”, insiste-t-il.
Toutefois, la vie sociale de l’établissement devrait mettre un petit peu plus de temps que prévu à se mettre en place, crise sanitaire oblige. Ainsi, l’accès à un jardin potager et aux cours de cuisine devra attendre un petit peu. De plus, alors que les premiers patients devaient arriver en avril, leur admission s’échelonnera sur tout le mois de juin afin qu’ils puissent être testés avant et que leurs familles ne se croisent pas. Les aidants et le personnel ont quant à eux dû observer une quarantaine avant d’intégrer le site. Quant aux intervenants extérieurs bénévoles, ils devront attendre le mois de septembre avant de pouvoir intégrer le Village.
Etudier l’intégration des patients au fil du temps
Ce projet a coûté 29 millions d’euros. Il a été financé par l’Etat et les collectivités locales et s’inspire d’une initiative du même genre mise en place à Weesp, près d’Amsterdam, dans les Pays-Bas. Toutefois, au-delà de se contenter de prendre en charge les malades d’Alzheimer, le Village a également pour vocation à devenir “un lieu-ressource pour la recherche médicale et thérapeutique”, explique Paul Carrère, vice-président du conseil départemental des Landes chargé de la solidarité à l’AFP. “Plusieurs études d’évaluation seront menées afin de mesurer l’exemplarité et l’efficacité de ce mode de prise en charge innovante. Une étude portera aussi sur l'influence des nouvelles technologies et les nouvelles formes de rééducation de la perte cognitive”, poursuit-il.
“Comme toutes les approches innovantes, il faudra apprécier ce Village dans le temps, estime quant à lui Stéphane Epelbaum. Il faudra une étude de l’intégration des patients au fil du temps et pas seulement se dire que c’est une solution miracle. Il faudra l’évaluer dans la durée, mais, à priori, si on analyse ce qui s’est passé dans d’autres pays comme les Pays-Bas, où ce type de village existe, je pense que cela devrait marcher en apportant une plus-value pour les malades”, conclut le spécialiste.
La maladie d’Alzheimer est la première cause de démence liée à l’âge dans le monde. Cette pathologie neurodégénérative se caractérise le plus souvent par des troubles de la mémoire. D’autres fonctions cérébrales sont ensuite touchées et, peu à peu, les tâches quotidiennes deviennent de plus en plus difficiles et s’adapter à de nouvelles situations quasiment impossibles. En France, à l’heure actuelle, 900 000 personnes seraient concernées par la maladie. Mais avec 225 000 nouveaux cas tous les ans, le nombre de malades devrait dépasser deux millions d’ici vingt ans.