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Amérique du Sud

Les Argentins, partagés entre la poursuite du confinement et sa suspension

Par Amanda Breuer-Rivera

Les. Argentins sont confinés depuis le 20 mars. Le gouvernement a repoussé six fois la date de délivrance. Malgré des chiffres de cas avérés plutôt bas, les mesures restrictives d'isolation de la population pourraient durer, au risque de diviser la société.

Angelo D'Amico/iStock

Quatre-vingt-un jours enfermé chez soi, soit plus que le périple de Jules Verne autour du monde et souvent moins divertissant. C'est l'épreuve à laquelle sont confrontés les Argentins et notamment ceux de la région de Buenos Aires, la capitale forte de 2,9 millions d'habitants. Depuis le 20 mars dernier, les autorités ont instauré un confinement strict : port du masque obligatoire dans tous les espaces public - y compris la rue -, demande de ne pas prendre les transports en commun, nécessité d'un justificatif pour sortir de son quartier et écoles suspendues. "Je ne vois personne circuler sans masque, raconte Chris 47 ans résident à Recoleta au centre de la ville. Il y a comme une paranoïa, les gens s'évitent et ont peur." Une pression qui se maintient dans les zones les plus peuplées du pays, mais qui se relâche dans les régions reculées qui ont entamé depuis quelques semaines un déconfinement progressif.

Pourtant l'inquiétude demeure. Malgré des chiffres encourageants - l'Argentine compte 44,5 millions d'habitants, 22 794 cas avérés et 670 décès, par rapport au Brésil 209,5 millions d'habitants, 691 758 cas et 36 455 morts, et le Chili 18,7 millions d'habitants, 134 150 cas et 1 273 morts - les autorités ne se considèrent pas comme sorties d'affaire. Depuis le mois de mai, le nombre de contaminations quotidiennes a doublé passant d'une petite centaine à 200, et culmine à présent entre 700 et 900 nouveaux cas découverts par jour. Une situation qui fait craindre la saturation des hôpitaux selon Rodrigo Quiroga bio-informaticien, membre de l'équipe de recherche de l'institution de contrôle scientifique nationale et professeur d'université dans les colonnes de la Nacion.

Relâchement

Pour le professeur d'université, la difficulté réside dans le manque de moyen. "Aujourd'hui nous sommes 250 personnes à effectuer le travail de recherche des contacts. Nous sommes en train de passer un accord avec une université pour avoir le renfort de 250 étudiants de dernière année, explique-t-il. Au Royaume-Uni, ils ont mobilisé 25 000 personnes pour cette tâche et ils ont une quantité similaire de nouveaux cas quotidiens. Leur nombre de contaminations diminue alors que le notre augmente." Il estime qu'un grand nombre de cas demeurent non-déclarés.

Pourtant le confinement qui s'éternise pousse à un certain relâchement malgré des règles strictes. "Ce n'est pas comme en Europe, ici on a le droit à 1 h de promenade le samedi et une autre le dimanche pas plus sinon on peut être emmené au commissariat," explique Chris. Pourtant sa compagne observe un certain laisser-aller : "je trouve qu'il y a pas mal de gens qui se promènent dans la rue et se posent dans les parcs", remarque Vanessa une expatriée française de 32 ans à Buenos Aires. Le 13 mai dernier, le ministre de la santé argentin a déclaré que l'essentiel des nouvelles contaminations ont été découvertes dans les quartiers populaires où "l'isolement est plus difficile à maintenir" rapporte le journal Clarin.

Aujourd'hui, certains Argentins veulent en finir avec le confinement en raison des difficultés économiques croissantes. "Le débat se cristallise autour des pro-confinements et anti-confinement, qui se résume à "santé" contre "économie". C'est typique d'ici où tout est blanc ou noir", regrette Chris. Fin mai, plusieurs manifestations "contre" ont eu lieu dans différentes villes du pays, dont une qui a réuni 300 personnes autour du célèbre obélisque de la capital. Parfois les protestataires ont défilés en voiture pour exiger la "libération de l'économie" et "le droit de travailler". Les gouvernements de Buenos Aires et de sa province ont annoncé qu'elles n'agiraient contre ces rassemblement que sur décision judiciaire. Une manière de faire pression contre l'exécutif afin qu'il lâche du leste. Pour l'heure, le confinement dure jusqu'au 28 juin, mais il sera probablement prolongé une septième fois. Un feuilleton qui s'éternise.