- En Allemagne, l'Université de Tübingen avait initié deux études en double aveugle pour tester l'efficacité de l'hydroxychloroquine sur les malades du coronavirus.
- Ces recherches ont toutefois été interrompues à la suite d'une publication dans "The Lancet" dénonçant les effets néfastes de ce traitement.
- L'étude ayant depuis été retirée par ses auteurs, les recherches allemandes pourraient reprendre bientôt.
On n’a pas fini d’entendre parler de l’hydroxychloroquine, dérivé de la chloroquine (antipaludique), utilisée dans le traitement de maladies auto-immunes. Alors que l’université Eberhard Karl de Tübingen (Allemagne), a dû suspendre deux études sur les effets de ce médicament contre le coronavirus à cause de l'étude controversée parue fin mai dans The Lancet, ces dernières pourraient bientôt reprendre et nous éclairer un peu plus sur la question.
L’Université de Tübingen a lancé sa première étude sur l’hydroxychloroquine le 29 mars. Celle-ci portait sur 220 patients hospitalisés des symptômes aigus de Covid19. La moitié des patients ont reçu une “dose normale” de sulfate d'hydroxychloroquine, soit une première dose de 800 mg, puis 600 mg du deuxième au septième jour, comme cela est prescrit en cas de maladie auto-immune ou lors des premiers jours de la malaria. L’autre moitié des patients ont quant à eux reçu un placebo.
La deuxième étude a été lancée le 22 avril. Ici, les chercheurs ont suivi 2 700 patients ne présentant que des symptômes atténués de la Covid-19 et ne nécessitant pas d’hospitalisation. Là encore, la moitié des patients en ambulatoire ont reçu une dose quotidienne de 600 mg de sulfate d'hydroxychloroquine pendant 7 jours.
Les premiers résultats doivent être examinés par une commission indépendante
Mais le 29 avril, l'Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux (BfArM), l'autorité de réglementation médicale émet un premier avertissement sur l’hydroxychloroquine. Puis, le 22 mai, l’étude publiée dans The Lancet bouleverse la donne dans le monde entier. Après analyse de données récoltées par la société américaine Surgispheren et concernent 96 000 patients hospitalisés entre décembre et avril dans 671 hôpitaux à travers le monde, les chercheurs n’avaient trouvé aucun bénéfice à l’utilisation des traitements à base de chloroquine sur les patients atteints du Covid-19. Pire, ce traitement serait dangereux en raison de ses effets secondaires, notamment cardiovasculaires.
A la suite de cette publication, l’OMS décide de suspendre tout essai clinique utilisant de la chloroquine ou son dérivé. En Allemagne, le BfArM renouvelle ses avertissements. Après quoi, le ministre de fédéral de la Santé et l'université de Tübingen décident de mettre en pause les deux études pendant deux semaines, révèle le journal local The Spiegel le 28 mai. “Je suis convaincu que nous pouvons poursuivre le process”, assure toutefois le directeur de l'Institut, le professeur Peter Kremsner, au quotidien allemand. Selon lui, l’hydroxychloroquine peut, dans certains cas être utilisée chez des patients chez qui le risque d’effets secondaires est particulièrement élevé.
Les premiers résultats obtenus par l’université de Tübingen doivent désormais être examinés par une commission indépendante. Cette dernière décidera ensuite, en collaboration avec le BfArM et la commission éthique compétente, d'une reprise éventuelle des recherches.
L'étude parue dans The Lancet a finalement été retirée
S’il a entraîné la suspension de nombreuses études dans le monde entier, l’article paru dans The Lancet est aujourd’hui très controversé et plusieurs essais incluant des traitements à base de chloroquine ont repris depuis. Dès le lendemain de la publication, 120 scientifiques apposent leur signature dans une lettre ouverte pour exprimer leurs inquiétudes sur les méthodes employées au cours de l’étude. “Cet examen a soulevé à la fois des inquiétudes liées à la méthodologie et à l’intégrité des données”, avancent notamment les scientifiques.
La comparaison de données de plusieurs hôpitaux aux protocoles différents ou encore l’origine des données questionne les spécialistes. Est-ce qu’ils “peuvent donner les noms des hôpitaux canadiens dont ils affirment qu’ils ont contribué aux données, pour qu’elles puissent être vérifiées de façon indépendante ?”, s’interroge par exemple Todd Lee, expert en maladies infectieuses à l’université canadienne McGill, sur Twitter.
La polémique prend une telle ampleur que The Lancet s’empresse de publier un communiqué reconnaissant “d’importants doutes” sur la fameuse étude. Quelques jours plus tard, trois des quatre auteurs du papier décident de le retirer de la prestigieuse revue scientifique britannique. Le 3 juin, l’OMS annonce reprendre les essais à base de chloroquine. En France, l’Agence française du médicament (ANSM) déclare qu’elle reverra sa position après avoir suspendu seize essais cliniques en cours sur le territoire.