La fin d'un silence pesant. Depuis la semaine dernière, les murmures retentissent de nouveau dans cette salle aux métaux du musée du 11 Conti - Monnaie de Paris. Devant les vitrines présentant le nickel, l'argent, l'or ainsi que les autres métaux souvent utilisés comme matière première pour la monnaie, les commentaires s'échangent comme avant la crise sanitaire. Une résurrection pour ce musée qui comme d'autre ont été condamné à la solitude durant deux mois et demi. "J'ai hésité à venir parce que y'avait pas beaucoup de musées ouverts, souffle Philippe poitevin de passage à Paris. Côté sanitaire : on se nettoie les mains, on met un masque, on ne touche pas trop les objets et ça devrait bien se passer."
La peur de la Covid-19 semble s'être évanouie laissant place à l'attente. "J'avais envie de retourner avec mon fils au musée pour reprendre une vie normale en va dire tout comme j'attends la réouverture des théâtres, des cinéma aussi",avoue Delphine mère de famille yvelinoise venue avec son fils Hilaire.
Protocole sanitaire strict
Pourtant malgré cette légèreté apparente, tous les visiteurs de ce mercredi matin portent un masque. Y compris le jeune Hilaire qui en toute discrétion baisse son masque de tissu épais bleu pour se gratter le bout du nez. "C'est vrai que c'est pas évident d'avoir un masque sur le visage pour faire les visites on a un peu chaud mais on s'y fait, répond Delphine. Et puis c'est vrai qu'on est pas envahi par la foule, c'est appréciable." Chaque groupe s'isole devant sa vitrine en évitant autant que possible de s'approcher de ses voisins. Des pastilles au sol ainsi que des affiches à l'effigie de la semeuse d'Oscar Roty - celle qui a ornée le verso des pièces de Francs - rappellent les gestes-barrière.
Ce musée "vivant" permet aux visiteurs en semaine d'observer le travail des ouvriers d'Art - eux aussi masqués - de la Monnaie de Paris, dont le musée n'est qu'une aile parmi cette usine élégante du cœur de Paris. Pour permettre les démonstrations les samedis et dimanches des graveurs de métal à se poursuivre, des parois en plexiglas ont été montées sur leur ilot de travail au centre des salles. En ce qui concerne les nombreux écrans tactiles, l'équipe du musée a opté pour deux mesures protectrices : la mise à disposition de stylet à chaque personne la durée de la visite - pour lui éviter de manipuler ces écrans publics -, ainsi que l'achat et le camouflage de présentoirs de gel hydroalcoolique à proximité se déclenchant avec le pied.
Une dépense que Stéphanie Molinard - responsable de la médiation et des publications du musée - "ne souhaite pas estimer". "On a réfléchis autrement, on s'est dit que se désinfecter les mains c'était une bonne pratique qui pouvait servir sur le long terme donc on a plutôt vu ça comme des investissements, assure-t-elle. Le gel hydroalcoolique et les stylets n'évitent pas seulement le Covid ils peuvent éviter d'autres choses comme les gastro' de l'hiver !"
Gratuité en juin, outil de reconquête des visiteurs
Malgré cette période de difficulté économique, le musée a également voulu instaurer la gratuité de son entrée pour le mois de juin. "On a voulu faire un geste auprès du public qui a été durement impacté par le confinement sur le plan mental et économique alors on a voulu faire un geste" explique la responsable de la médiation. Un geste de 12 € par personne d'autant plus généreux que le nombre de visiteurs a été drastiquement diminué. Avec les normes de distanciations sociales, l'équipe du musée a décidé de réduire son accès à 10 visiteurs par quart d'heure. Pourtant, le succès semble au rendez-vous. "Cela faisait un moment que je voulais venir et comme c'était gratuit j'en ai profité" sourit Delphine. L'ensemble des créneaux disponible le premier week-end d'ouverture - soit 560 billets - ont été vendus, tout comme le week-end suivant.
Refait à neuf en 2017, l'équipe a voulu en profiter pour mieux se faire connaître du public et "partir sur du positif", quitte à perdre encore de l'argent après la perte sèche du confinement. "Le musée de la Monnaie n'est pas un musée numismatique, on essaie de déconstruire cette image, reconnait-elle. C'est un musée sur l'art du métal, sur les savoirs-faire, sur les techniques, sur l'histoire de France,... il y a plein de portes d'entrée où beaucoup de visiteurs qui ont des intérêts différents peuvent y trouver leur compte."