- Le 10 juin 1961 ouvrait le premier Planning familial dans l'illégalité pour lutter contre les avortements clandestins
- Aujourd'hui, entre 215 000 et 230 000 IVG sont pratiqués chaque année en France
- A cause du confinement, l'accès à l'IVG a, une nouvelle fois dans l'Histoire, été fragilisé
C'était il y a 59 ans. Le premier Planning familial a ouvert le 10 juin 1961 à Grenoble, de façon clandestine. Ce jour-là, la salle d'attente est bondée. Les médecins à l'initiative de ce nouveau et très controversé service médical, informent les femmes sur les moyens de contraception (encore interdits en France), leur fournissent discrètement des crèmes spermicides, des diaphragmes et tentent de lutter contre les avortements clandestins.
Les “faiseuses d'anges”
On estime que 500 000 avortements clandestins avaient lieu chaque année au début du XXe siècle, entraînant la mort d'environ 300 femmes par an. A l'époque, celles qui veulent interrompre leur grossesse font appel à des femmes spécialisées surnommées “les faiseuses d'anges”, parmi lesquelles se trouvaient les tristement célèbres “tricoteuses”, qui utilisaient leurs aiguilles à tricoter pour percer la poche des eaux, ouvrir le col de l'utérus et provoquer une fausse-couche. Ces “faiseuses d'anges” avaient recours à d'autres méthodes, comme des massages virulents ou encore des injections d'eau savonneuse dans l'utérus, pouvant occasionner des lésions et/ou infections importantes.
En 1967, six ans après l'ouverture du premier Planning familial, la loi autorise enfin la contraception. Toutefois, il faudra attendre l'intervention de Simone Veil, alors ministre de la Santé, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, pour que la loi du dépénalise définitivement l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
L'accès à l'IVG fragilisé pendant le confinement
Aujourd'hui, bien que le sujet fasse toujours débat, entre 215 000 et 230 000 IVG sont pratiquées chaque année en France, mais une nouvelle fois, l'accès à l'IVG est fragilisé. Si Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, avait assuré que le droit à l'avortement serait maintenu pendant le confinement, nombre de femmes ont trouvé porte close, mal informées des nouvelles dispositions du Planning familial, désemparées, et parfois obligées de parcourir de longues distances pour avoir recours à une IVG.
“Avec le confinement, certaines femmes n’étaient pas sûres d’être autorisées à sortir pour acheter un test de grossesse. D’autres font face à des centres d’échographie qui ne considèrent pas l’IVG comme un soin prioritaire, ou tout simplement à des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous”, expliquait à Libération Caroline Rebhi, coprésidente du Planning familial.
“Nos craintes, c'est que les femmes aient des rendez-vous repoussés et que, du coup, elles dépassent le délai français, qui est de 14 semaines (d'aménorrhée)”, précisait de son côté Sarah Durocher, coprésidente du Planning familial au micro de Franceinfo le 2 avril. A la même période, la Haute Autorité de la santé (HAS) avait accepté d'allonger le délai légal pour procéder à une IVG médicamenteuse à domicile jusqu'à la septième semaine de grossesse (ou neuf semaines d'aménorrhée) en raison des circonstances exceptionnelles auxquelles faisait face le pays.
Dans un courrier adressé le 23 avril à plusieurs associations et parlementaires, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait indiqué que le délai légal de 12 semaines de grossesse pour pratiquer une IVG chirurgicale pourrait être exceptionnellement dépassé, à condition que les médecins invoquent le motif de “détresse psychosociale”.
Malgré tout, “ces quinze derniers jours, via notre numéro vert, on a reçu une cinquantaine d’appels de femmes contraintes d’aller avorter à l’étranger, pour cause de dépassement du délai légal en France, contre 19 à la même époque l’année dernière, déplorait Caroline Rebhi. Or, se déplacer entraîne des craintes de contracter le virus, et nécessite de se procurer une attestation d’un médecin justifiant des soins urgents à l’étranger pour pouvoir passer la frontière. Certaines ont été bloquées à la frontière. Et pour les sans-papiers ou les mineures, c’est quasi-mission impossible.”
Le délai d'allongement temporaire rejeté
Le fait que le droit à l'avortement soit à ce point fragilisé affecte considérablement la liberté, le bien-être psychologique et la santé des femmes. C'est pourquoi les associations ont réclamé que le délai légal maximal de 12 semaines de grossesse pour pratiquer une IVG chirurgicale soit porté à 14 semaines.
Toutefois, fin mai, le Sénat a rejeté deux amendements destinés à aménager l'accès à l'IVG portés par la sénatrice socialiste de l’Oise, Laurence Rossignol, lesquels prévoyaient notamment l'allongement temporaire du délai légal pour réaliser une IVG à quatorze semaines “pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation”, dans la mesure où “la période de confinement accompagnée de la mobilisation de toutes les forces des personnels hospitaliers dans la prise en charge des malades de la Covid ont mis en péril le maintien de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse.”