Alors que la course au vaccin contre le coronavirus s’intensifie et que les essais cliniques associant des traitements déjà existants continuent de par le monde, d’autres essayent de développer des traitements spécifiques contre le SARS-CoV-2. En France, le laboratoire Immunologie humorale de l’Institut Pasteur (Paris) recherche des anticorps capables de neutraliser le virus. Aux Etats-Unis, le groupe américain Eli Lilly, qui a annoncé mercredi 10 avoir commencé à tester sur des patients deux thérapies de ce genre.
Ces dernières se nomment respectivement LY-CoV555 et JS016. La première est développée en partenariat avec l’entreprise de biotechnologie canadienne AbCellera et la seconde avec le groupe chinois Shanghai Junshi Biosciences. L’objectif de ces traitements par anticorps est d’empêcher les protéines du coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines puis de se répliquer. Les anticorps monoclonaux sont largement utilisés pour traiter le cancer, la polyarthrite rhumatoïde et de nombreuses autres maladies.
Enfin, Eli Lilly travaille sur une troisième forme de thérapie qui aura pour but d’agir sur une autre partie du virus. Mais cette dernière “sera probablement testée en combinaison avec l’un ou les deux autres” traitements, explique Daniel Skovronsky, principal responsable scientifique à l’agence de presse américaine Reuters.
Un traitement pour l'automne ?
Si les essais se déroulent comme prévu, les traitements pourraient arriver sur le marché bien avant le vaccin, attendu pour 2021 au plus tôt. “Si en août ou septembre, nous voyons que les personnes qui ont été traitées ne progressent pas vers l’hospitalisation, ce serait des données puissantes qui pourraient conduire à une autorisation d’utilisation d’urgence, déclare Daniel Skovronsky. Cela vous place donc dans la période de l'automne : septembre, octobre, novembre n'est pas déraisonnable.”
Si les deux traitements fonctionnent, il faudra en choisir un et un seul. “C’est bien d’avoir deux anticorps. L’inconvénient est que la fabrication est précieuse. Nous avons une capacité de fabrication limitée. Si deux anticorps sont nécessaires, la moitié des personnes seront traitées, développe Daniel Skovronsky. Notre objectif est donc de voir si nous pouvons fabriquer un anticorps à la plus faible dose possible.”
Si elles s’avèrent efficaces, ces thérapies pourraient également être utilisées pour prévenir de la Covid-19. Toutefois, “la capacité mondiale d'anticorps n'est tout simplement pas assez élevée pour que nous puissions penser à des doses adéquates" pour "des milliards de personnes dans le cadre de la prophylaxie”, admet Daniel Skovronsky. La meilleure solution consisterait donc à inoculer à grande échelle les vaccins contre la Covid-19 quand ils seront disponibles et à réserver les traitements par anticorps aux personnes malades ou qui auraient été récemment exposées aux virus. Ces traitements pourraient toutefois aussi aider les populations vulnérables chez qui les vaccins sont moins efficaces, comme les patients des maisons de retraite par exemple.
Quid des vaccins ?
Au niveau des vaccins, c’est la biotech américaine Moderna, qui a reçu 483 millions de dollars du gouvernement américain, qui semble la plus avancée. Le 18 mai, elle a annoncé des premiers résultats prometteurs sur un petit nombre de volontaires dans la première phase de ses essais cliniques. La phase 2, sur 600 participants, a ensuite commencé fin mai. La vaccination a lieu en deux doses séparées de 28 jours : la moitié des participants reçoit un placebo, de façon aléatoire. Si la dose expérimente lors des essais (100 μg) s'avérait efficace, Moderna produira 500 millions de doses par an, et “possiblement jusqu'à un milliard”, a-t-elle déclaré.
Puis, le 11 juin, la biotech a annoncé qu’elle entrerait à partir du mois de juillet dans la troisième et dernière phase des essais cliniques avec 30 000 volontaires sains. Celle-ci permettra de voir si le vaccin est plus efficace qu’un placebo pour empêcher la contamination par le SARS-CoV-2. L’essai sera mené en collaboration avec les Instituts nationaux de santé (NIH) et le protocole a été finalisé avec l'Agence américaine des médicaments (FDA).
Mais même si vaccin il y a, encore faut-il que les gens acceptent de le recevoir. En effet, une couverture vaccinale maximale sera nécessaire afin d’éradiquer l’épidémie de Covid. France, selon une enquête sondage Ifop pour le consortium Coconel (Coronavirus et confinement, qui étudie l’épidémie), “entre 20 et 25% de la population ne comptent pas se faire vacciner contre le nouveau coronavirus.” La principale raison de cette méfiance est, comme souvent, la peur que le vaccin soit nocif, puisque créé dans la précipitation.
“Les réticences sont bien plus fortes chez les personnes se sentant proches des partis d’extrême gauche et d’extrême droite, ainsi que celles se déclarant sans orientation politique et s’étant abstenues lors de la précédente élection présidentielle, développe Jeremy Ward, sociologue et membre du projet Coconel. En France, on observe depuis plusieurs semaines une politisation croissante des débats autour de la gestion de cette épidémie. Des figures de partis d’opposition ont présenté les choix effectués par le gouvernement Philippe comme des choix politiques reflétant l’idéologie du macronisme. (…) Les difficultés rencontrées par les autorités (disponibilité des masques et des tests notamment) ont donné prise à cette critique politique ainsi qu’à la défiance.”
C’est pourquoi, il est crucial “que les autorités communiquent tôt et de manière transparente sur les procédures d’autorisation accélérée du vaccin, afin d’éviter que les vaccins ne soient à nouveau pris dans les débats politiques.”