La toute première double greffe des poumons a été réalisée en 1986 au Canada, à Toronto. En mars, des médecins chinois ont réalisé cette opération sur une femme sexagénaire. Ce sont désormais aux Américains de réaliser cet exploit. Aux Etats-Unis, des médecins viennent, pour la première fois, de réussir cette opération sur une jeune patiente dont les poumons avaient été irréversiblement détruits par le coronavirus. Cette dernière est aujourd’hui consciente et en bonne santé, même si elle est toujours sous respirateur. Elle restera probablement intubée pendant plusieurs semaines, le temps de récupérer ses forces.
La patiente, qui préfère garder l’anonymat, est une femme hispanique d’une vingtaine d’années vivant à Chicago. Elle a toujours été en bonne santé jusqu’à ce qu’elle attrape la Covid-19 cet hiver. Elle passe alors six semaines en soins intensifs à l’hôpital Northwestern de Chicago, intubée par un respirateur artificiel et reliée à une machine ECMO, qui remplace le cœur et les poumons pour oxygéner et faire circuler le sang dans le corps.
De grands trous sont apparus dans son poumon gauche, laissant craindre une infection bactérienne. “Ses poumons ne montraient aucun signe de rétablissement, ils avaient même commencé à développer une fibrose terminale", témoigne Ankit Bharat, chef de la chirurgie thoracique à l'hôpital Northwestern de Chicago à l’AFP. Le phénomène est rarissime chez quelqu’un d’aussi jeune.
“Cette réussite montre que ce type de greffe est possible et sûr”
La situation est telle qu’elle nécessite une double greffe d’urgence. Toutefois, il faut attendre que la patiente guérisse de la Covid-19 et que ses organes retrouvent un fonctionnement suffisant, afin qu’elle ait une chance réaliste de survivre à l’opération. Une fois la patiente testée négative au coronavirus, l’opération se met en place. Elle a lieu le 5 juin et se révèle “très difficile”. En effet, les poumons sont comme “collés” aux structures environnantes du corps et donc très compliqués à prélever, à tel point que la chirurgie dure dix heures. “Nous avons souvent dû réagir très vite, jour et nuit, pour l'aider en oxygénation et soutenir ses autres organes pour qu'elle puisse supporter la greffe", rapporte à l’AFP Beth Malsin, médecin spécialiste des soins critiques de Northwestern.
Aujourd’hui, la patiente se porte bien. Elle a même pu voir sa famille en appel vidéo mais reste sous respirateur. “Cette réussite montre que ce type de greffe est possible et sûr, se réjouit Ankit Bharat. J’espère vivement que nous pourrons opérer de plus en plus de patients qui sont aujourd’hui coincés sous respirateur artificiel parce que leurs poumons ont été détruits de façon permanente”, déclare-t-il.
Aux Etats-Unis, les patients attendent normalement entre trois et six mois pour une greffe des poumons. Malheureusement, 85% des poumons candidats à un don sont de mauvaise qualité. Toutefois, de nouvelles techniques pourraient améliorer changer cela, espère le docteur Bharat. “Si davantage de patients ont besoin d’une greffe, on trouvera une solution”, assure-t-il.
Des dégâts rarissimes chez une personne si jeune
Cela risque en effet d’être le cas aux Etats-Unis, pays le plus touché au monde par le SARS-CoV-2, particulièrement dangereux pour les poumons. En mars, une étude parue dans le Journal of Travel medicine montrait pourquoi les patients sensibles, souvent des seniors, développaient une pneumonie virale potentiellement mortelle après une dizaine de jours d’incubation.
Les coronavirus bêta du SRAS, le SRAS-CoV, qui a provoqué l'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 et le nouveau SRAS-CoV-2, se lient aux récepteurs de l’enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE2) dans les voies respiratoires inférieures des patients malades, pour pénétrer dans leurs poumons, expliquaient les chercheurs.
“Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA) et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA-II) sont des médicaments hautement recommandés pour les patients atteints de maladies cardiovasculaires, notamment les crises cardiaques, l'hypertension, le diabète et les maladies rénales chroniques, pour n'en citer que quelques-unes”, précisait le docteur James Diaz, professeur et directeur des sciences de la santé environnementale à la LSU Health New Orleans School of Public Health aux Etats-Unis. Or, beaucoup des patients prenant ces traitements sont des personnes âgées.
Toutefois, des dommages irréversibles comme ceux observés sur la patiente greffée aux Etats-Unis sont extrêmement rares à un âge si jeune. “Comment une femme en bonne santé d’une vingtaine d’années en arrive-t-elle là ?, s’interroge donc Rade Tomic, pneumologue à Northwestern. Nous avons encore tant de choses à apprendre sur le Covid-19”, conclut-il.