Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde. Il représente par ailleurs 16% de l'ensemble des cancers féminins. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il aurait tué 519 000 le nombre de femmes à échelle mondiale en 2004. Parmi tous les cancers du sein, le plus redoutable est nommé triple négatif (jusqu’à un cinquième des cas). Contrairement à la majorité des cancers du sein, l'œstrogène et la progestérone n'alimentent pas la croissance des tumeurs triple négatives. C’est pourquoi les médicaments qui bloquent ces hormones ne fonctionnent pas. Selon une nouvelle découverte rapportée dans la revue Nature Scientific Reports, une molécule éteignant un gène particulier dans ces tumeurs pourrait servir d’alternative thérapeutique prometteuse.
Habituellement, une hormonothérapie est proposée en cas de cancer du sein avec des récepteurs hormonaux sont positifs (ER+, PR+ ou les deux) au stade précoce et dont le risque de récidive est faible ou localement avancé, avancé ou récidivant. Le type d’hormonothérapie proposé dépend de la ménopause. Les anti-CDK 4/6 sont des molécules qui apportent un espoir nouveau dans le cancer du sein métastasé HER2+.
Cette fois, lors de leur étude, les chercheurs de la faculté de médecine de l'université Tulane à la Nouvelle-Orléans (Etats-Unis) ont travaillé avec des cultures d’une lignée de cellules cancéreuses triple négatif provenant d'une patiente traitée en 1973 à Houston au Texas. Ils ont alors désactivé deux gènes connus du cancer du sein, Rab27a et TRAF3IP2. Résultat : arrêter TRAF3IP2 perturberait davantage les voies métaboliques associées au cancer dans les cellules. Les scientifiques ont ensuite pu confirmer cette découverte dans un modèle de souris atteinte du cancer du sein.
Si arrêter Rab27a a bien ralenti la croissance des tumeurs chez les rongeurs, un très petit nombre de cellules cancéreuses se sont propagées, ou “micrométastasées”. Cependant, quand les chercheurs ont désactivé TRAF3IP2, cela a non seulement supprimé la croissance de nouvelles tumeurs, mais a également empêché la formation de métastases sur une période pouvant s’étendre à un an. Mieux encore, le traitement a réduit les tumeurs existantes jusqu'à ce que celles-ci deviennent indétectables, décrivent les auteurs de l’étude.
Dans l’attente de l’approbation de la FDA pour commencer les essais cliniques
“Cette découverte passionnante a révélé que TRAF3IP2 peut jouer un rôle en tant que nouvelle cible thérapeutique dans le traitement du cancer du sein”, se félicite le docteur Reza Izadpanah, professeur adjoint de médecine à la faculté de médecine de l'université de Tulane, chargé des recherches.
“Une des limites de la présente étude est que nous avons utilisé une seule lignée de cellules de cancer du sein pour étudier les rôles potentiels de la réduction au silence de Rab27a et de TRAF3IP2 sur la croissance des tumeurs. Nos futures études impliqueront l'utilisation de xénotransplantations dérivées de patients pour valider davantage ces premiers résultats fondamentaux in vivo et in vitro”, admet toutefois Eckhard U. Alt, de l’université de Tulane. Aussi, les scientifiques attendent maintenant l’approbation de la Food and Drug Administration (FDA), l'agence du médicament américaine, pour commencer les essais cliniques au plus vite.
Une autre piste prometteuse dans le traitement de la tumeur triple négative
Récemment, une autre découverte intéressante a été faite concernant le traitement du cancer du sein triple négatif et présentée à l’occasion de l’ASCO début juin.
“L’association pembrolizumab à une chimiothérapie améliore significativement la survie sans progression comparativement à la chimiothérapie seule dans le cancer du sein triple négatif, localement récidivant, inopérable ou métastatique: médiane de survie de 9,7 mois vs 5,6 mois dans les tumeurs exprimant le PDL-1 avec un score CPS supérieur ou égal à 10. Ces données de l’essai Keynote 355 présentées lors du congrès de l’ASCO ont été colligées après un suivi médian de 17,5 mois pour les 566 patientes du bras immunochimiothérapie et de 15,5 mois pour les 281 femmes ayant reçu une chimiothérapie seule, explique la docteure Isabelle Hoppenot à Pourquoi docteur. Chez les femmes ayant un score CPS supérieur ou égal à 1, la médiane de survie sans progression a été de 7,6 mois vs 5,6 mois dans le bras chimiothérapie seule, poursuit-elle. L’étude se poursuit mais ces premières données sont très encourageantes pour ce type de cancer du sein particulièrement agressif, qui touche souvent des femmes jeunes.”
Faire taire TRAF3IP2 pour traiter l’insuffisance cardiaque ?
Outre le traitement cancer du sain, faire taire TRAF3IP2, comme cela a été expérimenté lors de la présente étude, pourrait fonctionner contre plusieurs cancers ainsi que pour prendre en charge l'insuffisance cardiaque. En effet, ce gène est connu pour activer diverses voies cellulaires qui favorisent l'inflammation.
Dans le cadre de ses recherches sur le cancer du sein, l'équipe de l'école de médecine de Tulane a collaboré avec le docteur Chandrasekar Bysani de l'école de médecine de l'université du Missouri en Colombie. Ce dernier a identifié le rôle joué par TRAF3IP2 dans le rôle de l'inflammation dans l'insuffisance cardiaque. Il a également participé à des recherches qui ont récemment révélé qu’arrêter TRAF3IP2 pourrait servir à traiter le glioblastome, un type de cancer du cerveau malin.
Ci-dessous, l'émission Questions aux Experts sur le cancer du sein métastatique avec la docteure Mahasti Saghatchian :