- Alors que la course au vaccin contre la Covid-19 continue, de plus en plus de chercheurs cherchent des anticorps capables de traiter les malades.
- Des chercheurs américains ont récemment trouvé des anticorps pourraient bloquer le virus sur un hamster en laboratoire.
- Si les nouveaux tests de sécurité sur les animaux et les essais cliniques sur les humains se déroulent comme prévu, les anticorps pourraient être utilisés sur les malades dès janvier prochain.
Actuellement, la fabrication d’un traitement ou d’un vaccin contre la Covid-19 est la priorité de santé publique mondiale. Aujourd’hui, près de 8 millions de personnes ont été testées positives pour l'infection par le SARS-CoV-2 dans le monde, et plus de 400 000 sont mortes d'une grave infection par la maladie. Si la situation se calme progressivement en Occident, le nombre quotidien de nouvelles infections continue d’augmenter dans de nombreux pays, notamment en Amérique du Sud. Récemment, des chercheurs ont découvert des anticorps dans le sang de patients en convalescence de la Covid qui pourraient protéger contre le virus. C’était du moins le cas lorsqu'ils ont été testés sur un petit modèle animal en laboratoire, révèlent les scientifiques aujourd’hui dans Science.
Le projet a été mené par des groupes de Scripps Research, de l'IAVI, un organisme de recherche scientifique à but non lucratif, et de l'école de médecine de l'université de Californie à San Diego (Etats-Unis). Ici, les chercheurs ont prélevé des échantillons de sang sur des patients rétablis de Covid-19 légère à sévère. Dans le même temps, d’autres scientifiques ont développé des cellules tests qui expriment l'ACE2, le récepteur que le SARS-CoV-2 utilise pour pénétrer dans les cellules humaines.
Les chercheurs ont réussi à isoler plus de 1 000 cellules immunitaires distinctes productrices d'anticorps, appelées cellules B, chacune d'entre elles produisant un anticorps anti-SARS-CoV-2 distinct. Ils ont ensuite obtenu les séquences de gènes d’anticorps de ces cellules afin qu’elles puissent produire les anticorps en laboratoire. En examinant ces anticorps individuellement, ils en ont identifié plusieurs qui pourraient bloquer le virus dans les cellules de tests ainsi qu’un qui pourrait protéger les hamsters contre une forte exposition virale.
Des “anticorps prometteurs pour les essais cliniques”
“La découverte de ces anticorps très puissants représente une réponse extrêmement rapide à un pathogène totalement nouveau”, se félicite le coauteur de l'étude, Dennis Burton, chercheur au département d'immunologie et de microbiologie de Scripps Research.
“Nous avons tiré parti des décennies d'expertise de notre institution en matière d'isolement d'anticorps et avons rapidement axé nos efforts sur le CoV-2 du SRAS pour identifier ces anticorps très puissants”, renchérit Elise Landais, coautrice de l'étude et scientifique principale de l'IAVI.
“Ce fut un effort de collaboration énorme, et nous nous concentrons maintenant sur la production de grandes quantités de ces anticorps prometteurs pour les essais cliniques”, poursuit le coauteur principal, Thomas Rogers, professeur adjoint au département d'immunologie et de microbiologie de Scripps Research, et professeur adjoint de médecine à l'université de San Diego.
Une trouvaille qui sera mise à disposition des plus vulnérable ?
Si les nouveaux tests de sécurité sur les animaux et les essais cliniques sur les humains se déroulent comme prévus, les anticorps, ensuite produits en masse grâce à des méthodes biotechnologiques, pourraient être utilisés par les professionnels de santé dès janvier prochain, assurent les chercheurs.
Ainsi, des injections pourraient être administrées aux patients au stade précoce de la Covid pour réduire le niveau du virus et les protéger contre les maladies graves. Qui plus est, les anticorps pourraient aussi être utilisés pour fournir une protection temporaire, semblable à celle d’un vaccin, contre l’infection aux travailleurs de la santé ou aux personnes vulnérables (âgées, immunodéprimées…). “Nous avons l'intention de les mettre à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin, y compris les habitants des pays à faibles et moyens revenus”, précise Elise Landais.
Enfin, autre découverte et pas des moindres : au cours de leurs expériences, les chercheurs ont trouvé un anticorps capable d’isoler le SARS-CoV, le coronavirus apparenté au nouveau à l’origine de la flambée du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) au début des années 2000 en Asie. “Cette découverte nous permet d'espérer que nous finirons par trouver des anticorps largement neutralisants qui offrent une protection au moins partielle contre tous les coronavirus du SRAS ou contre la plupart d'entre eux, ce qui devrait être utile si un autre saute sur l'homme”, conclut Dennis Burton.
Une approche de plus en plus explorée
Les anticorps sont une approche de plus en plus explorée par les scientifiques pour protéger les patients des nouvelles menaces virales. Cela a déjà notamment été utilisé avec succès contre le virus Ebola et le virus respiratoire syncytial à l’origine de la pneumonie, communément appelé VRS.
Contre la Covid-19, cette approche est actuellement testée par de nombreux autres chercheurs. Fin mai, une équipe helvético-américaine a révélé dans la revue Nature avoir découvert un anticorps “prometteur” contre le SARS-CoV-2. Cet anticorps “contient la promesse d’un antidote efficace pour limiter la pandémie de Covid-19”, estiment les chercheurs. La combinaison de S309 et de deux autres anticorps pourrait “atténuer le risque” de l’émergence d’une résistance virale contre ce type de traitement. “Nos données indiquent la découverte potentielle d’anticorps monoclonaux puissamment neutralisants contre les sarbecovirus (…) et prépare le terrain pour une meilleure réponse” en cas de nouvelles épidémies causées par ce type de virus, concluent les chercheurs.
Aux Etats-Unis, le groupe américain Eli Lilly a quant à lui annoncé la semaine dernière avoir commencé à testé sur des patients deux thérapies spécifiques contre le coronavirus à base d’anticorps. Si les essais se déroulent comme prévus, les traitements pourraient être commercialisés dès l’automne, soit bien avant l’arrivée d’un vaccin, pas attendu avant 2021 malgré les efforts de la centaine de laboratoires sur le coup.
Et les vaccins dans tout ça ?
Rappelons qu’aujourd’hui, 95 vaccins sont encore en lice et les premiers tests cliniques sur l’homme démarrent un peu partout dans le monde. Un laboratoire chinois vient notamment d’entamer la deuxième phase d'essais cliniques, qui porte sur des humains, pour trouver un vaccin contre le coronavirus. L’Institut Pasteur aura quant à lui les premiers résultats en octobre pour savoir si son vaccin, basé sur une modification de celui utilisé contre la rougeole, est efficace contre la Covid-19.
En Europe, l’espoir de vaccin repose surtout sur le laboratoire britannique AstraZeneca, qui travaille avec l’université d’Oxford (Royaume-Uni). Le projet porte “sur la base d'un vecteur viral, décrit Olivier Nataf, président d'AstraZeneca France, à Franceinfo. Vous prenez un virus qui est inactivé, on change son code génétique pour insérer le code génétique qui va permettre de produire la protéine du coronavirus. En produisant cette protéine, le patient va pouvoir développer une réponse immunitaire contre la protéine caractéristique du coronavirus.” Il est actuellement testé sur plusieurs milliers de patients au Royaume-Uni, au Brésil et aux États-Unis, où le virus circule encore très activement. “Les études que nous menons en ce moment nous permettront d'avoir des résultats à l’automne”, promet Olivier Nataf.