- Pendant le confinement, 15% des Français ont fait des rêves plus négatifs que d'habitude
- Le sommeil et le rêve ont joué un rôle d'adaptation émotionnelle
- Les rêves érotiques ont été plus nombreux qu'à l'accoutumée, à la fois pour compenser la diminution de l'activité sexuelle et l'angoisse de la journée
- Deux études scientifiques ont montré que nous avons plus dormi mais de manière moins qualitative pendant le confinement
La période de confinement a bouleversé les habitudes des Français. Notre sommeil et nos rêves n’ont pas échappé à ce changement, comme l’a constaté Perrine Ruby, chercheuse à l'Inserm au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, qui a dirigé l'enquête “Sommeil et rêves et confinement”. “Notre question était de savoir quel impact ont eu la pandémie et le confinement sur le sommeil et le rêve, retrace-t-elle à Sciences et Avenir. Pour cela nous avons donc lancé un questionnaire ouvert où l'on pouvait raconter ses rêves. On a eu énormément de réponses, 6 500 dont 3 900 complètes. Et parmi elles, plus de 1 500 comportent des rêves et des cauchemars. On a donc plusieurs milliers de rêves à analyser.”
La peur, émotion centrale dans nos rêves en période de confinement
Les premiers résultats observés par la chercheuse et son équipe montrent que les rêves ont été plus négatifs qu’en temps normal. Au total, 15% des personnes interrogées ont témoigné avoir fait des rêves plus négatifs contre 7% qui ont rêvé de manière plus positive qu’à l’accoutumée. “Dans cette catégorie positive, les Français ont rêvé de promenade en famille, de plages, de fêtes en plein soleil, des mondes merveilleux qu'ils survolaient, libres. Mais les plus fréquents ont été des rêves plutôt négatifs”, tempère Perrine Ruby. L’analyse détaillée de ces rêves a révélé la peur comme principale émotion. “Le fait de se sentir envahis dans son intimité, notamment par le travail à la maison, la sensation d'être poussé ses retranchements, de subir. (…) La peur de la pandémie et de l'avenir se manifeste également par des rêves de poursuites, des menaces terribles”, a-t-elle constaté.
Pour analyser les rêves, les chercheurs utilisent un barème de “scoreurs”. Les participants à l’étude ont décrit leur rêve et les ont partagé pour que Perrine Ruby et son équipe puissent en dégager les thèmes dominants. “La stratégie classique c'est de décider d'un paramètre, comme la présence de la peur par exemple, et de mettre une note à ce paramètre dans le rêve, décrit-elle. Deux ‘scoreurs’ évaluent différents paramètres dans le contenu du rêve, selon une grille de lecture établie. L'objectif est d'avoir une bonne concordance de score entre les deux. On peut aussi demander au rêveur d'évaluer lui-même la présence de la peur par exemple, mais c'est plus subjectif.”
Plus de rêves érotiques
Pendant le confinement, nos habitudes de sommeil et, avec eux, nos rêves ont dû s’adapter et racontent comment les Français ont vécu cette période. “Le sommeil et le rêve ont pleinement joué leur rôle d'adaptation émotionnelle et cognitive pendant le confinement”, poursuit Perrine Ruby. Le stress et l’angoisse liés à la situation sanitaire ont perturbé nos nuits. “L’augmentation des souvenirs de rêves est probablement expliquée par une augmentation des réveils nocturnes et par une grande intensité émotionnelle du contenu des rêves”, estime-t-elle.
Autre phénomène qui est ressorti de l’analyse des rêves des participants : une augmentation du nombre de rêves érotiques. “C’est d'autant plus remarquable que la majorité des gens ayant répondu à l'enquête était confinée en couple !”, s’étonne Perrine Ruby. Le nombre de rêves de ce type est d’ailleurs ressorti plus fréquemment que ceux liés au travail. Cela s’explique, notamment, par la diminution de l’activité sexuelle où 30% des sondés ont rapporté avoir beaucoup diminué leur activité sexuelle quand 10% l'ont augmentée. “On peut donc imaginer que le rêve érotique est une compensation du manque d'activité sexuelle mais aussi de l'angoisse de la journée!”, a conclu Perrine Ruby.
Deux études, publiées le 10 juin 2020 dans la revue Current Biology, ont montré qui si nous avions davantage dormi pendant le confinement, notre sommeil a été de moins bonne qualité. L’enfermement a conduit à une harmonisation entre le rythme social et le rythme biologique individuel en raison du télétravail mais aussi du fait que la vie publique est réduite. Dans les deux études, les chercheurs ont constaté que notre temps de sommeil a augmenté entre 15 et 30 minutes par nuit en moyenne. Concernant la qualité du sommeil, c’est justement la situation mondiale de pandémie et l’anxiété qui en découle qui a perturbé notre sommeil et l’a rendu moins qualitatif. Des résultats qui font écho aux retours d’expérience observés par les chercheurs de l’Inserm.