En février 2012, un couple arrive avec excitation à la maternité de l’hôpital Necker pour l’accouchement de leur premier enfant. Mais l’événement se transforme en cauchemar. A la naissance, les parents et les soignants découvrent que le petit garçon a une malformation congénitale qui n’a pas été détectée au cours du suivi de la grossesse. Il est né sans appareil urinaire et génital. L’enfant est aussitôt pris en charge. Il supporte plusieurs interventions chirurgicales. Cependant, les parents sont un peu laissés seuls face à leur désarroi. Et surtout, ils se posent des questions. Comment est-on passé à côté d’une telle malformation ? Y a-t-il eu une erreur dans le suivi ? Avec qui peut-on échanger sans entrer nécessairement dans une procédure judiciaire ? Où avoir un regard neutre, une écoute ?
Seuls 17% des Français savent où s'adresser
Depuis 2005, dans toutes les hôpitaux et les cliniques de France, une commission est chargée de ces missions. Il s’agit de la CRUQPC, un « mot barbare » qui signifie commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge. Normalement les livrets d’accueil remis aux malades au début de l’hospitalisation font mention de cette commission. « Nous avons été orientés vers cette commission plusieurs semaines après la naissance», témoigne le père encore sous le choc. Malheureusement, il n’est pas le seul dans ce cas. Peu de personnes connaissent l’existence de cette commission. 17% des Français selon un sondage BVA commandé par le ministère de la santé en 2011. «Encore aujourd’hui ces commissions sont insuffisamment mises en valeur, souligne Sylvain Fernandez-Curiel, chargé de mission santé, au Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Ensuite, les pratiques sont assez hétérogènes en fonction des établissements. Certains utilisent vraiment ces commissions pour faire évoluer la qualité de la prise en charge, d’autres ne les utilisent que pour éviter des conflits judiciaires. Parfois, certains représentants d’usagers n’ont pas accès à tous les dossiers de plainte, il est alors difficile pour eux d’avoir une vision globale de ce qui se passe dans l’établissement. » Pour les dix ans de la loi Kouchner sur les droits des malades et à la qualité du système de santé (loi du 4 mars 2002), le Ciss a mené une enquête qualitative sur les Cruqpc. Dans ce travail, les représentants des usagers ont insisté sur leur manque de considération, le besoin d’être mieux informé des projets des établissements. Même l’association des directeurs d’hôpital (ADH) a indiqué que « les liens entre la Cruqpc et les instances consultatives et décisionnelles de l’établissement sont insuffisants ». Ils ne permettent pas de considérer cette commission « comme ayant véritablement une force de proposition », selon Juliette Vilcot-Crépy, directrice des Usagers, de la Qualité Gestion des Risques et de la Communication au CHR d’Orléans.
Les choses vont peut-être changer. Depuis le début de l’été, des auditions sont menées pour trouver des pistes de réforme. C’est la mission de Claire Compagnon. Cette militante, instigatrice des premiers états généraux des malades du cancer en 1998, en a été chargée par le ministère de la Santé en mai 2013. Elle devrait rendre son rapport en novembre. Plusieurs idées sont débattues. « Faire en sorte que la commission soient plus associée au projet qualité et sécurité des établissements, explique Sylvain Fernandez-Curiel du Ciss. Nous souhaitons notamment qu’il y ait plus de lien avec la commission médicale d’établissement par exemple. La position du CISS n’est pas qu’il y ait des représentants d’usagers à tous les rouages d’un établissement mais que la Cruqpc puisse donner un avis conforme sur les programmes d’actions relatifs à la prise en charge de la douleur, la nutrition, la lutte contre les infections nosocomiales… »
Vers un statut de représentant des patients professionnel ?
Le statut du représentant fait aussi débat. Faut-il le « professionnaliser » ? « C’est un serpent de mer, rappelle Sylvain Fernandez-Curiel, mais il faudra un jour ou l’autre trancher ». Le système de santé est complexe, il est nécessaire d’être formé pour être un représentant d’usager efficace. Le Ciss assure des formations pour les représentants. La France en compte près de 15 000. « Cela prend du temps, on trouve tous les profils, d’anciens professionnels de santé comme des personnes totalement extérieures au système de santé. Souvent le point commun, c’est une histoire de vie, un combat face à une prise en charge qui s’est mal déroulée ou simplement l’impression d’avoir été mal informé et trop peu écouté. La difficulté, c’est de leur faire prendre un peu de recul pour qu’ils deviennent des représentants de tous les usagers, tout en préservant la fibre militante de leur combat qui est un excellent moteur ».
Autre point, le mode d’indemnisation des représentants des usagers apparaît comme un frein à leur participation effective aux nombreux travaux d’un établissement de santé. En effet, lorsqu’ils exercent une activité salariée, ils peuvent bénéficier d’une indemnité de congé de représentation et du remboursement de leurs frais de déplacement mais ce n’est pas à la hauteur de l’engagement demandé.
Tout reste à faire dans les maisons de retraite médicalisées
Dernier sujet, quelle place pour les représentants des usagers dans les maisons de retraite médicalisées ou dans les établissements spécialisés pour les handicapés ? La mission de Claire Compagnon est aussi chargée de faire des propositions pour les structures médico-sociales qui depuis la loi HPST de 2009 sont comme les hôpitaux et les cliniques sous la houlette des agences régionales de santé. « Dans ce domaine, il y a beaucoup à faire, explique Sylvain Fernandez-Curiel. Pour le moment, il existe des conseil de la vie sociale (CVS) où siègent les usagers de la structure médico-sociale (ou leur famille pour les jeunes handicapés ou les personnes très âgées), ils ont en charge des questions de la vie quotidienne mais ils ne s’occupent pas du respect des droits, de la gestion des plaintes et des réclamations. Pour ces questions, ils sont censés pouvoir recourir à des personnes qualifiées nommées au niveau départemental mais inexistantes dans la moitié des départements et très peu connues dans les autres. Il est donc nécessaire de trouver une solution pour promouvoir et défendre les droits des personnes accueillies dans ces structures, plus particulièrement dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sachant qu’appliquer aux structures médico-sociales les solutions appliquées dans les établissements sanitaires n’est certainement pas la meilleure option. »