La crise sanitaire a exposé de nombreux problèmes économiques, écologiques, politiques et sociétaux à travers le monde. En France, l’une des défaillances les plus pointées du doigt a été celle de la production des médicaments. Alors que la Chine et les pays environnants fermaient leurs frontières, l’opinion publique apprenait avec inquiétude, grâce à un communiqué diffusé par l’Académie de médecine, que “80% des principes actifs pharmaceutiques [les molécules qui confèrent au médicament ses propriétés thérapeutiques ou préventives, NDLR] utilisés en Europe sont fabriqués hors de l'espace économique européen, dont une grande partie en Asie”. C’est pourquoi, aujourd’hui, Emmanuel Macron appelle à relocaliser certains médicaments. Parmi eux, le paracétamol, principe actif du Doliprane, ont annoncé les ministères l’Economie et de la Santé jeudi 18 juin.
Le Doliprane est le médicament le plus consommé en France. Au début du confinement, de nombreuses personnes ayant peur de développer les syndromes grippaux de la Covid, la population s’est ruée sur ce médicament conseillé dans le traitement de la fièvre et des douleurs. D’autant plus que l’Ibuprofène était fortement déconseillé par les autorités sanitaires afin de ne pas aggraver l’inflammation chez les malades de la Covid.
Aussi, afin d’anticiper une nouvelle crise sanitaire et une éventuelle pénurie, la France veut désormais contrôler sur son sol d’ici trois ans l’ensemble de la chaîne de production du paracétamol. “Des travaux sont ainsi engagés avec Seqens, Upsa et Sanofi pour que, d'ici trois ans, la France soit en mesure de reproduire, conditionner et distribuer du paracétamol, comme l’a souhaité le président de la République mardi dernier", déclarent un communiqué conjoint de la secrétaire d'Etat auprès du ministère de l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, et du ministre de la Santé, Olivier Véran.
“La relocalisation est le premier axe pour retrouver notre souveraineté”
Sur cette base de la remise du rapport du sénateur Biot finalisé en février 2020, “le Comité stratégique de filière (CSF) élaborera un plan d’action qui reposera sur le recensement de projets industriels pouvant faire l’objet de relocalisations, en tenant compte de leur faisabilité socio-économique, des externalités environnementales et sociales, ainsi que des critères d’éligibilité aux mesures de soutien nationales et européennes (…) Le ‘jour d’après’ doit être celui d’une indépendance et d’une autonomie retrouvées dans la production des biens essentiels. Nul ne peut concevoir que la France soit un jour dans l’incapacité de permettre à chacun d’accéder à des soins, à des traitements et à des médicaments”, poursuit Oliver Véran.
Mardi 17 juin, après avoir visité une usine Sanofi à Marcy-l’Etoile dans le Rhône, Emmanuel Macron avait annoncé : “Dès jeudi, nous lancerons une initiative de relocalisation de certaines productions critiques", comme le paracétamol, médicament le plus prescrit en France et actuellement fabriqué en totalité en Chine et en Inde et, dans une moindre mesure au Brésil. “On pourra désormais produire et conditionner du paracétamol en France”, avait donc déclaré le Président de la République, précisant : “La relocalisation est le premier axe pour retrouver notre souveraineté.”
Ces relocalisations seront accompagnées d'un “mécanisme de planification” de la production française de médicament et d'une politique de “résilience en matière de santé” appuyée par un investissement de 200 millions d'euros. Ce dernier aura pour objectif d’adapter et d’étendre les infrastructures de production. “Dans les années à venir, dans les décennies à venir, d'autres crises sanitaires sont à prévoir”, avait averti le chef de l'Etat.
Les 35 molécules de base en oncologie sont produites en Orient par trois fabricants
Fin février, quelques semaines avant le début confinement, l’Académie de médecine s’était alarmée du manque d’indépendance de la France dans la fabrication de ses médicaments. En effet, les trente-cinq molécules de base en oncologie sont produites en Orient, surtout en Chine, par trois fabricants. “Du fait de la multiplicité des maillons de la chaîne de production, il suffit d'une catastrophe naturelle ou sanitaire, d'un événement géopolitique, d'un accident industriel, pour entraîner des ruptures d'approvisionnement pouvant conduire à priver les patients de leurs traitements”, rappelait donc l’Académie de pharmacie, insistant sur le fait que la crise sanitaire venue de Chine “pourrait faire peser une grave menace sur la santé publique en France et en Europe”.
Au niveau européen, les ministres de la Santé de l’Union européenne avaient quant à eux annoncé désirer “renforcer la coordination déjà existante” afin “d'améliorer l'efficacité” des mesures nationales. “Nous avons besoin d'aller plus loin, de nous coordonner sur les mesures barrières, l'arrivée des voyageurs, l'analyse épidémiologique des cas, les stocks de protection”, expliquait alors l'ancienne ministre française de la Santé Agnès Buzyn.